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S'égayoient, et de thym parfumoient leur banquet.

Le bruit du coup fait que
S'en va chercher sa sûreté

Dans la souterraine cité:

la bande

Mais le danger s'oublie, et cette peur si grande
S'évanouit bientôt; je revois les lapins,

Plus gais qu'auparavant, revenir sous mes mains.

Ne reconnoît-on pas en cela les humains?
Dispersés par quelque orage,

A peine ils touchent le port
Qu'ils vont hasarder encor
Même vent, même naufrage:
Vrais lapins, on les revoit

Sous les mains de la Fortune.

Joignons à cet exemple une chose commune.

Quand des chiens étrangers passent par quelque endroit

Qui n'est pas de leur détroit,

Je laisse à penser quelle fête !

Les chiens du lieu, n'ayant en tête

Qu'un intérêt de gueule, à cris, à coups de dents
Vous accompagnent ces passants

Jusqu'aux confins du territoire.

FABLES. II.

12

Un intérêt de bien, de grandeur, et de gloire,
Aux gouverneurs d'états, à certains courtisans,
A gens
de tous métiers, en fait tout autant faire.
On nous voit tous, pour l'ordinaire,

Piller le survenant, nous jeter sur sa peau.
La coquette et l'auteur sont de ce caractère :
Malheur à l'écrivain nouveau!

Le moins de gens qu'on peut à l'entour du gâteau;
C'est le droit du jeu, c'est l'affaire.

Cent exemples pourroient appuyer mon discours; Mais les ouvrages les plus courts

Sont toujours les meilleurs. En cela j'ai pour guide Tous les maîtres de l'art, et tiens qu'il faut laisser Dans les plus beaux sujets quelque chose à penser: Ainsi ce discours doit cesser.

Vous, qui m'avez donné ce qu'il a de solide,
Et dont la modestie égale la grandeur,

Qui ne pûtes jamais écouter sans pudeur
La louange la plus permise,

La plus juste et la mieux acquise;

Vous enfin, dont à peine ai-je encore obtenu
Que votre nom reçût ici quelques hommages,
Du temps et des censeurs défendant mes ouvrages,
Comme un nom qui, des ans et des peuples connu,
Fait honneur à la France, en grands noms plus féconde
Qu'aucun climat de l'univers,

Permettez-moi du moins d'apprendre à tout le monde Que vous m'avez donné le sujet de ces vers.

FABLE XVI.

Le Marchand, le Gentilhomme, le Pâtre,
et le Fils de Roi.

QUATRE chercheurs de nouveaux mondes,

Presque nus, échappés à la fureur des ondes,
Un trafiquant, un noble, un pâtre, un fils de roi,
Réduits au sort de Bélisaire (1),
Demandoient aux passants de quoi
Pouvoir soulager leur misère.

De raconter quel sort les avoit assemblés,
Quoique sous divers points tous quatre ils fussent nés,
C'est un récit de longue haleine.

Ils s'assirent enfin au bord d'une fontaine :

Là, le conseil se tint entre les pauvres gens.
Le prince s'étendit sur le malheur des grands.

(1) Bélisaire étoit un grand capitaine, qui, ayant commandé les armées de l'empereur et perdu les bonnes graces de son maître, tomba dans un tel point de misère qu'il demandoit l'aumône sur les grands chemins.

Le pâtre fut d'avis qu'éloignant la pensée

De leur aventure passée

Chacun, fît de son mieux, et s'appliquât au soin
De pourvoir au commun besoin.

La plainte, ajouta-t-il, guérit-elle son homme?
Travaillons : c'est de quoi nous mener jusqu'à Rome
Un pâtre ainsi parler! Ainsi parler? croit-on
Que le ciel n'ait donné qu'aux têtes couronnées
De l'esprit et de la raison;

Et

que de tout berger, comme de tout mouton,

Les connoissances soient bornées?

L'avis de celui-ci fut d'abord trouvé bon

Par les trois échoués aux bords de l'Amérique.
L'un, c'étoit le marchand, savoit l'arithmétique :
A tant par mois, dit-il, j'en donnerai leçon.
J'enseignerai la politique,

Reprit le fils de roi. Le noble poursuivit :
Moi, je sais le blason; j'en veux tenir école.
Comme si, devers l'Inde, on eût eu dans l'esprit
La sotte vanité de ce jargon frivole!

Le pâtre dit: Amis, vous parlez bien; mais quoi!
Le mois a trente jours : jusqu'à cette échéance
Jeûnerons-nous, par votre foi?

Vous me donnez une espérance

Belle, mais éloignée ; et cependant j'ai faim.
Qui pourvoîra de nous au dîner de demain?
Ou plutôt sur quelle assurance

Fondez-vous, dites-moi, le souper d'aujourd'hui ?

Avant tout autre, c'est celui

Dont il s'agit. Votre science

Est courte là-dessus : ma main y suppléera.

A ces mots le pâtre s'en va

Dans un bois : il y fit des fagots, dont la vente,
Pendant cette journée et pendant la suivante,
Empêcha qu'un long jeûne à la fin ne fît tant
Qu'ils allassent là-bas exercer leur talent.

Je conclus de cette aventure

Qu'il ne faut pas tant d'art

pour

conserver ses jours;

Et, grace aux dons de la nature,

La main est le plus sûr et le plus prompt secours.

FIN DU DIXIÈME LIVRE.

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