FABLE IV. Les Poissons et le Cormoran. Il n'étoit point d'étang dans tout le voisinage Qu'un cormoran n'eût mis à contribution : La même cuisine alla mal. Tout cormoran se sert de pourvoyeur lui-même. Souffroit une disette extrême. Que fit-il? Le besoin, docteur en stratagême, Ma commère, dit-il, allez tout à l'instant A ce peuple: il faut qu'il périsse; Conter le cas. Grande est l'émute; On court, on s'assemble, on députe A l'oiseau Seigneur cormoran, D'où vous vient cet avis? Quel est votre garant? N'y savez-vous remède? Et qu'est-il bon de faire? Nul L'un après l'autre, en ma retraite. que Dieu seul et moi n'en connoît les chemins: Un vivier que Nature y creusa de ses mains, Sauvera votre république. On le crut. Le peuple aquatique Transparent, peu creux, fort étroit, Vous les prenoit sans peine, un jour l'un, un jour l'autre. Il leur apprit à leurs dépens Que l'on ne doit jamais avoir de confiance En ceux qui sont mangeurs de gens. Ils y perdirent peu, puisque l'humaine engeance En auroit aussi bien croqué sa bonne part. Qu'importe qui vous mange, homme ou loup? toute panse Me paroît une à cet égard: Un jour plus tôt, un jour plus tard, FABLE V. L'Enfouisseur et son Compère. UN pincemaille avoit tant amassé Dans le choix d'un dépositaire; Car il en vouloit un, et voici sa raison : Moi-même de mon bien je serai le larron. Apprends de moi cette leçon : faire? Le bien n'est bien qu'en tant que l'on s'en peut défaire; Pour se décharger d'un tel soin, Notre homme eût pu trouver des gens sûrs au besoin: Il aima mieux la terre; et, prenant son compère, Celui-ci l'aide. Ils vont enfouir le trésor. Au bout de quelque temps l'homme va voir son or: Soupçonnant à bon droit le compère, il va vîte L'argent volé; prétendant bien Tout reprendre à la fois, sans qu'il y manquât rien. l'autre fut sage: Mais, pour ce coup, Il retint tout chez lui, résolu de jouir, Plus n'entasser, plus n'enfouir; Et le pauvre voleur, ne trouvant plus son gage, Il n'est pas mal-aisé de tromper un trompeur. FABLE VI. Le Loup et les Bergers. UN loup rempli d'humanité (S'il en est de tels dans le monde) Je suis haï, dit-il; et de qui? de chacun. Chiens, chasseurs, villageois, s'assemblent pour sa pert Il n'est hobereau qui ne fasse Il n'est marmot osant crier, Le tout pour un âne rogneux, Pour un mouton pourri, pour quelque chien hargneux, Dont j'aurai passé mon envie. Hé bien! ne mangeons plus de chose ayant eu vie: |