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C'est le roi polonois. Jamais un roi ne ment.

Il dit donc que, sur sa frontière,

Des animaux entre eux ont guerre de tout temps
Le sang, qui se transmet des pères aux enfants,
En renouvelle la matière.

Ces animaux, dit-il, sont germains du renard.
Jamais la guerre avec tant d'art

Ne s'est faite parmi les hommes,

Non pas même au siècle où nous sommes.
Corps-de-garde avancé, vedettes, espions,
Embuscades, partis, et mille inventions
D'une pernicieuse et maudite science,
Fille du Styx, et mère des héros,
Exercent de ces animaux

Le bon sens et l'expérience.

Pour chanter leurs combats, l'Achéron nous devroit
Rendre Homère. Ah! s'il le rendoit,

Et qu'il rendît aussi le rival (1) d'Épicure,
Que diroit ce dernier sur ces exemples-ci?
Ce que j'ai déjà dit; qu'aux bêtes la nature
Peut par les seuls ressorts opérer tout ceci;
Que la mémoire est corporelle;

Et que, pour en venir aux exemples divers
Que j'ai mis en jour dans ces vers,

(1) Descartes.

L'animal n'a besoin que d'elle.

›bjet, lorsqu'il revient, va dans son magasin 1. Chercher, par le même chemin,

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L'image auparavant tracée,

ui sur les mêmes pas revient pareillement, Sans le secours de la pensée,

Causer un même événement.

Nous agissons tout autrement:
La volonté nous détermine,

Non l'objet, ni l'instinct. Je parle, je chemine:
Je sens en moi certain agent;

Tout obéit dans ma machine

A ce principe intelligent.

1

Il est distinct du corps, se conçoit nettement,
Se conçoit mieux que le corps même :
De tous nos mouvements c'est l'arbitre suprême.
Mais comment le corps l'entend-il?

C'est là le point. Je vois l'outil

Obéir à la main : mais la main, qui la guide?

Eh! qui guide les cieux et leur course rapide?
Quelque ange est attaché peut être à ces grands corps.
Un esprit vit en nous, et meut tous nos ressorts;
L'impression se fait : le moyen, je l'ignore;

On ne l'apprend qu'au sein de la divinité;
Et, s'il faut en parler avec sincérité,

Descartes l'ignoroit encore.

Nous et lui là-dessus nous sommes tous égaux.

FABLES. II.

10

Ce que je sais, Iris, c'est qu'en ces animaux
Dont je viens de citer l'exemple,

Cet esprit n'agit pas : l'homme seul est son temple.
Aussi faut-il donner à l'animal un point

Que la plante après tout n'a point:

Cependant la plante respire.

Mais que répondra-t-on à ce que je vais dire?

Deux rats cherchoient leur vie; ils trouvèrent un œu
Le dîné suffisoit à gens de cette espèce:

Il n'étoit pas besoin qu'ils trouvassent un bœuf.
Pleins d'appétit et d'alégresse,

Ils alloient de leur œuf manger chacun sa part,

Quand un quidam parut : c'étoit maître renard

;

Rencontre incommode et fâcheuse:
Car comment sauver l'œuf? Le bien empaqueter;
Puis des pieds de devant ensemble le porter,
Ou le rouler, ou le traîner:

C'étoit chose impossible autant que hasardeuse.
Nécessité l'ingénieuse

Leur fournit une invention.

Comme ils pouvoient gagner leur habitation,
L'écornifleur étant à demi-quart de lieue,
L'un se mit sur le dos, prit l'œuf entre ses bras;
Puis, malgré quelques heurts et quelques mauvais pa
L'autre le traîna par la queue.

Qu'on m'aille soutenir, après un tel récit,
Que les bêtes n'ont point d'esprit!

Pour moi, si j'en étois le maître, Je leur en donnerois aussi bien qu'aux enfants. Ceux-ci pensent-ils pas dès leurs plus jeunes ans? Quelqu'un peut donc penser ne se pouvant connoître. Par un exemple tout égal,

J'attribûrois à l'animal,

Non point une raison selon notre manière,
Mais beaucoup plus aussi qu'un aveugle ressort:
Je subtiliserois un morceau de matière,
Que l'on ne pourroit plus concevoir sans effort,
Quintessence d'atome, extrait de la lumière,
Je ne sais quoi plus vif et plus mobile encor
Que le feu; car enfin, si le bois fait la flamme,
La flamme, en s'épurant, peut-elle pas de l'ame
Nous donner quelque idée? et sort-il pas de l'or
Des entrailles du plomb? Je rendrois mon ouvrage
Capable de sentir, juger, rien davantage,

Et juger imparfaitement;

Sans qu'un singe jamais fît le moindre argument.
A l'égard de nous autres hommes,

Je ferois notre lot infiniment plus fort;

Nous aurions un double trésor :

L'un, cette ame pareille en tous tant que nous sommes, Sages, fous, enfants, idiots,

Hôtes de l'univers sous le nom d'animaux;

L'autre, encore une autre ame, entre nous et les
Commune en un certain degré;

Et ce trésor à part créé

Suivroit parmi les airs les célestes phalanges,
Entreroit dans un point sans en être pressé,
Ne finiroit jamais quoiqu'ayant commencé :
Choses réelles quoiqu'étranges.

Tant que l'enfance dureroit,
Cette fille du ciel en nous ne paroîtroit
Qu'une tendre et foible lumière:
L'organe étant plus fort, la raison perceroit
Les ténèbres de la matière,

Qui toujours envelopperoit

L'autre ame imparfaite et grossière.

FABLE II.

ange

L'Homme et la Couleuvre.

Un homme vit une couleuvre :

Ah! méchante, dit-il, je m'en vais faire une œuvre Agréable à tout l'univers!

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