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Honorés par les pas, éclairés par les yeux
De l'aimable et jeune bergère

Pour qui, sous le fils de Cythère,

Je servis, engagé par mes premiers serments.
Hélas! quand reviendront de semblables moments!
Faut-il
que tant d'objets si doux et si charmants
Me laissent vivre au gré de mon ame inquiète!
Ah! si mon cœur osoit encor se renflammer!
Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête?
Ai-je passé le temps d'aimer ?

FABLE III.

Le Singe et le Léopard.

LE singe avec le léopard

Gagnoient de l'argent à la foire.

Ils affichoient chacun à part.

L'un d'eux disoit : Messieurs, mon mérite et ma gloire Sont connus en bon lieu. Le roi m'a voulu voir;

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Un manchon de ma peau : tant elle est bigarrée,

Pleine de taches, marquetée,

Et vergetée, et mouchetée!

passe-passe.

La bigarrure plaît: partant chacun le vit.
Mais ce fut bientôt fait; bientôt chacun sortit.
Le singe de sa part disoit: Venez, de grace;
Venez, messieurs : je fais cent tours de
Cette diversité dont on vous parle tant,
Mon voisin léopard l'a sur soi seulement :
Moi, je l'ai dans l'esprit. Votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de Bertrand

Singe du pape en son vivant,

Tout fraîchement en cette ville

Arrive en trois bateaux, exprès pour vous parler;
Car il parle, on l'entend : il sait danser, baller,
Faire des tours de toute sorte,

Passer en des cerceaux ; et le tout pour six blancs:
Non, messieurs, pour un sou; si vous n'êtes contents,
Nous rendrons à chacun son argent à la porte.

Le singe avoit raison. Ce n'est pas sur l'habit
Que la diversité me plaît ; c'est dans l'esprit:
L'une fournit toujours des choses agréables;
L'autre, en moins d'un moment, lasse les regardants.
Oh! que de grands seigneurs, au léopard semblables,
N'ont que l'habit
pour tous talents!

FABLE IV.

Le Gland et la Citrouille.

DIEU fait bien ce qu'il fait. Sans en chercher la preuve

En tout cet univers, et l'aller

parcourant,

Dans les citrouilles je la treuve.

Un villageois, considérant

Combien ce fruit est gros et sa tige menue :
A quoi songeoit, dit-il, l'auteur de tout cela?
Il a bien mal placé cette citrouille-là!

Hé parbleu! je l'aurois pendue

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C'eût été justement l'affaire :

Tel fruit, tel arbre, pour bien faire.
C'est dommage, Garo, que tu n'es point entré
Au conseil de celui que prêche ton curé;

Tout en eût été mieux : car pourquoi, par exemple,

Le gland, qui n'est pas gros comme mon petit doigt, Ne pend-il pas en cet endroit?

Dieu s'est mépris: plus je contemple

Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo

Que l'on a fait un quiproquo.

Cette réflexion embarrassant notre homme:
On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'esprit.
Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme.
Un gland tombe : le nez du dormeur en pâtit.
Il s'éveille; et, portant la main sur son visage,
Il trouve encor le gland pris au poil du menton.
Son nez meurtri le force à changer de langage.
Oh! oh! dit-il, je saigne! Et que seroit-ce donc
S'il fût tombé de l'arbre une masse plus lourde,
Et que ce gland eût été gourde?

Dieu ne l'a pas voulu : sans doute il eut raison;
J'en vois bien à présent la cause.

En louant Dieu de toute chose
Garo retourne à la maison.

FABLE V.

L'Écolier, le Pédant, et le Maître d'un jardin.

CERTAIN enfant qui sentoit son collége,
Doublement sot et doublement fripon
Par le jeune âge et par le privilége
Qu'ont les pédants de gâter la raison,

Chez un voisin déroboit, ce dit-on,

Et fleurs et fruits. Ce voisin, en automne,

Des plus beaux dons que nous offre Pomone
Avoit la fleur, les autres le rebut.
Chaque saison apportoit son tribut;
Car au printemps il jouissoit encore

Des plus beaux dons que nous présente Flore.
Un jour dans son jardin il vit notre écolier,
Qui, grimpant sans égard sur un arbre fruitier,
Gâtoit jusqu'aux boutons, douce et frêle espérance,
Avant-coureurs des biens que promet l'abondance:
Même il ébranchoit l'arbre; et fit tant à la fin
Que le possesseur du jardin
Envoya faire plainte au maître de la classe.
Celui-ci vint suivi d'un cortège d'enfants:
Voilà le verger plein de gens

Pires que le premier. Le pédant, de sa grace,
Accrut le mal en amenant

Cette jeunesse mal instruite :

Le tout, à ce qu'il dit, pour faire un châtiment
Qui pût servir d'exemple, et dont toute sa suite
Se souvînt à jamais comme d'une leçon.
Là-dessus il cita Virgile et Cicéron,

Avec force traits de science.

que

Son discours dura tant la maudite engeance
Eut le temps de gâter en cent lieux le jardin.

Je hais les pièces d'éloquence

FABLES, II,

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