Honorés par les pas, éclairés par les yeux De l'aimable et jeune bergère
Pour qui, sous le fils de Cythère,
Je servis, engagé par mes premiers serments. Hélas! quand reviendront de semblables moments! Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants Me laissent vivre au gré de mon ame inquiète! Ah! si mon cœur osoit encor se renflammer! Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête? Ai-je passé le temps d'aimer ?
LE singe avec le léopard
Gagnoient de l'argent à la foire.
Ils affichoient chacun à part.
L'un d'eux disoit : Messieurs, mon mérite et ma gloire Sont connus en bon lieu. Le roi m'a voulu voir;
Un manchon de ma peau : tant elle est bigarrée,
Pleine de taches, marquetée,
Et vergetée, et mouchetée!
La bigarrure plaît: partant chacun le vit. Mais ce fut bientôt fait; bientôt chacun sortit. Le singe de sa part disoit: Venez, de grace; Venez, messieurs : je fais cent tours de Cette diversité dont on vous parle tant, Mon voisin léopard l'a sur soi seulement : Moi, je l'ai dans l'esprit. Votre serviteur Gille, Cousin et gendre de Bertrand
Singe du pape en son vivant,
Tout fraîchement en cette ville
Arrive en trois bateaux, exprès pour vous parler; Car il parle, on l'entend : il sait danser, baller, Faire des tours de toute sorte,
Passer en des cerceaux ; et le tout pour six blancs: Non, messieurs, pour un sou; si vous n'êtes contents, Nous rendrons à chacun son argent à la porte.
Le singe avoit raison. Ce n'est pas sur l'habit Que la diversité me plaît ; c'est dans l'esprit: L'une fournit toujours des choses agréables; L'autre, en moins d'un moment, lasse les regardants. Oh! que de grands seigneurs, au léopard semblables, N'ont que l'habit pour tous talents!
Le Gland et la Citrouille.
DIEU fait bien ce qu'il fait. Sans en chercher la preuve
En tout cet univers, et l'aller
Dans les citrouilles je la treuve.
Un villageois, considérant
Combien ce fruit est gros et sa tige menue : A quoi songeoit, dit-il, l'auteur de tout cela? Il a bien mal placé cette citrouille-là!
Hé parbleu! je l'aurois pendue
C'eût été justement l'affaire :
Tel fruit, tel arbre, pour bien faire. C'est dommage, Garo, que tu n'es point entré Au conseil de celui que prêche ton curé;
Tout en eût été mieux : car pourquoi, par exemple,
Le gland, qui n'est pas gros comme mon petit doigt, Ne pend-il pas en cet endroit?
Dieu s'est mépris: plus je contemple
Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo
Que l'on a fait un quiproquo.
Cette réflexion embarrassant notre homme: On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'esprit. Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme. Un gland tombe : le nez du dormeur en pâtit. Il s'éveille; et, portant la main sur son visage, Il trouve encor le gland pris au poil du menton. Son nez meurtri le force à changer de langage. Oh! oh! dit-il, je saigne! Et que seroit-ce donc S'il fût tombé de l'arbre une masse plus lourde, Et que ce gland eût été gourde?
Dieu ne l'a pas voulu : sans doute il eut raison; J'en vois bien à présent la cause.
En louant Dieu de toute chose Garo retourne à la maison.
L'Écolier, le Pédant, et le Maître d'un jardin.
CERTAIN enfant qui sentoit son collége, Doublement sot et doublement fripon Par le jeune âge et par le privilége Qu'ont les pédants de gâter la raison,
Chez un voisin déroboit, ce dit-on,
Et fleurs et fruits. Ce voisin, en automne,
Des plus beaux dons que nous offre Pomone Avoit la fleur, les autres le rebut. Chaque saison apportoit son tribut; Car au printemps il jouissoit encore
Des plus beaux dons que nous présente Flore. Un jour dans son jardin il vit notre écolier, Qui, grimpant sans égard sur un arbre fruitier, Gâtoit jusqu'aux boutons, douce et frêle espérance, Avant-coureurs des biens que promet l'abondance: Même il ébranchoit l'arbre; et fit tant à la fin Que le possesseur du jardin Envoya faire plainte au maître de la classe. Celui-ci vint suivi d'un cortège d'enfants: Voilà le verger plein de gens
Pires que le premier. Le pédant, de sa grace, Accrut le mal en amenant
Cette jeunesse mal instruite :
Le tout, à ce qu'il dit, pour faire un châtiment Qui pût servir d'exemple, et dont toute sa suite Se souvînt à jamais comme d'une leçon. Là-dessus il cita Virgile et Cicéron,
Avec force traits de science.
Son discours dura tant la maudite engeance Eut le temps de gâter en cent lieux le jardin.
Je hais les pièces d'éloquence
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