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qui admirent davantage le protecteur que le persécuteur du Roi Jacques, ceux-là donneront à Louis XIV la préférence.

Voltaire. Siècle de Louis XIV.

Turenne et Condé.

Ca été, dans notre siècle, un grand spectacle de voir, dans le même temps et dans les mêmes campagnes, ces deux hommes que la voix commune de toute l'Europe égalait aux plus grands Capitaines des siècles passés, tantôt à la tête de corps séparés, tantôt unis, plus encore par le concours des mêmes pensées, que par les ordres que l'inférieur recevait de l'autre ; tantôt opposés front à front, et redoublant, l'un dans l'autre, l'activité et la vigilance, comme si Dieu, dont souvent, selon l'Ecriture, la sagesse se joue dans l'univers, eût voulu nous les montrer en toutes les formes, et nous montrer ensemble tout ce qu'il peut faire des hommes. Que de campemens, que de belles marches, que de hardiesse, que de précautions, que de périls, que de ressources! Vit-on jamais en deux hommes les mêmes vertus, avec des caractères si divers, pour ne pas dire si contraires? L'un paraît agir par des réflexions profondes, et l'autre par de soudaines illuminations: celui-ci par conséquent plus vif, mais sans que son feu eût rien de précipité; celui-là d'un air froid, sans jamais avoir rien de lent, plus hardi à faire qu'à parler, résolu et déterminé au dedans, lors même qu'il paraissait embarrassé au dehors. L'un, dès qu'il parait dans les armées, donne une haute idée de sa valeur, et fait attendre quelque chose d'extraordinaire, mais toutefois s'avance par ordre, et vient comme par degrés aux prodiges qui ont fini le cours de sa vie ; l'autre, comme un homme inspiré, dès sa première bataille, s'égale aux maîtres les plus consommés. L'un, par de vifs et continuels efforts, emporte l'admiration du genre humain, et fait taire l'Envie ; l'autre jette d'abord une si vive lumière, qu'elle n'osait l'attaquer. L'un enfin, par la profondeur de son génie

et les incroyables ressources de son courage, s'élève au-dessus des plus grands périls, et sait même profiter de toutes les infidélités de la fortune; l'autre, et par l'avantage d'une si haute naissance, et par ces grandes pensées que le ciel envoie, et par une espèce d'instinct admirable dont les hommes ne connaissent pas le secret, semble né pour entraîner la fortune dans ses desseins, et forcer les destinées. Et afin que l'on vît toujours dans ces deux hommes de grands caractères, mais divers, l'un, emporté d'un coup soudain, meurt pour son pays, comme un Judas le Machabée; l'armée le pleure comme un père, et la Cour et tout le peuple gémissent; sa piété est louée comme son courage, et sa mémoire ne se flétrit point par le temps: l'autre, élevé par les armes au comble de la gloire comme un David, comme lui meurt dans son lit, en publiant les louanges de Dieu, et instruisant sa famille, et laisse tous les cœurs remplis tant de l'éclat de sa vie, que de la douceur de sa mort. Quel spectacle de voir et d'étudier ces deux hommes, et d'apprendre de chacun d'eux toute l'estime que méritait l'autre !

Bossuet. Oraisons funèbres.

Duguay-Trouin et Forbin.

Forbin était, comme Duguay-Trouin, la gloire de la Marine Française, mais avait un mérite différent. Forbin, né d'un sang illustre, avait soutenu la gloire de sa naissance; Duguay-Trouin avait fait disparaître l'obscurité de la sienne. Le premier avait donné un nouvel éclat à ses aïeux, le second avait créé un nom pour ses descendans. L'un avait mis à profit tous les avantages; l'autre avait vaincu tous les obstacles. Tous deux intrépides, éclairés, avides de périls, bravant la mort, prompts à se décider, féconds en ressourMais Forbin, né pour être un Général de mer, ne fit que des exploits d'armateur; Duguay-Trouin, né pour être un simple armateur, fit presque toujours des actions d'un grand Capitaine. Le premier en servant l'Etat pensait à la récompense; le second pen

ces.

sait à la gloire. Forbin vendait ses services; DuguayTrouin eût acheté l'honneur d'être utile..

Thomas. Eloge de Duguay-Trouin.

Racine et Voltaire.

Tous deux ont possédé ce mérite si rare de l'élégance continue et de l'harmonie, sans lequel, dans une langue formée, il n'y a point d'écrivain; mais l'élégance de Racine est plus égale, celle de Voltaire est plus brillante. L'une plaît davantage au goût, l'autre à l'imagination. Dans l'un, le travail, sans se faire sentir, a effacé jusqu'aux imperfections les plus légères ; dans l'autre, la facilité se fait apercevoir à la fois et dans les beautés, et dans les fautes. Le premier a corrigé son style, sans en refroidir l'intérêt; l'autre y a laissé des taches, sans en obscurcir l'éclat. Ici, les effets tiennent plus souvent à la phrase poétique; là, ils appartiennent plus à un trait isolé, à un vers saillant. L'art de Racine consiste plus dans le rapprochement nouveau des expressions; celui de Voltaire, dans de nouveaux rapports d'idées. L'un ne se permet rien de ce qui peut nuire à la perfection, l'autre ne se refuse rien de ce qui peut ajouter à l'ornement. Racine, à l'exemple de Despréaux, a étudié tous les effets de l'harmonie, toutes les formes du vers, toutes les manières de le varier. Voltaire, sensible surtout à cet accord si nécessaire entre le rhythme et la pensée, semble regarder le reste comme un art subordonné, qu'il rencontre plutôt qu'il ne le cherche. L'un s'attache plus à finir le tissu de son style, l'autre à en relever les couleurs. Dans l'un, le dialogue est plus lié; dans l'autre, il est plus rapide. Dans Racine, il y a plus de justesse; dans Voltaire, plus de mouvement. Le premier l'emporte pour la profondeur et la vérité; le second, pour la véhémence et l'énergie. Ici, les beautés sont plus sévères, plus irréprochables; là, elles sont plus variées, plus séduiOn admire dans Racine cette perfection toujours plus étonnante à mesure qu'elle est plus exami

santes.

née; on adore dans Voltaire cette magie qui donne de l'attrait même à ses défauts. L'un vous paraît toujours plus grand par la réflexion, l'autre ne laisse pas maître de réfléchir. Il semble que l'un ait mis son amour-propre à défier la critique, et l'autre à la désarmer. Enfin, si l'on ose hasarder un résultat sur des objets livrés à jamais à la diversité des opinions, Racine, lu par les connaisseurs, sera regardé comme le poète le plus parfait qui ait écrit: Voltaire, aux yeux des hommes rassemblés au théâtre, sera le génie le plus tragique qui ait régné sur la scène. La Harpe.

Bossuet et Fénélon.

Bossuet, après sa victoire, passa pour le plus savant et le plus orthodoxe des Evêques; Fénélon, après sa défaite, pour le plus modeste et le plus aimable des hommes. Bossuet continua de se faire admirer à la Cour; Fénélon se fit adorer à Cambrai et dans l'Europe. Peut-être serait-ce ici le lieu de comparer les talens et la réputation de ces deux hommes également célèbres, également immortels. On pourrait dire que tous deux eurent un génie supérieur; mais que l'un avait plus de cette grandeur qui nous élève, de cette force qui nous terrasse ; l'autre, plus de cette douceur qui nous pénétre et de ce charme qui nous attache. L'un fut l'oracle du dogme, l'autre celui de la morale; mais il paraît que Bossuet, en faisant des conquêtes pour la Foi, en foudroyant l'hérésie, n'était pas moins occupé de ses propres triomphes que de ceux du Christianisme; il semble au contraire que Fénélon parlait de la vertu comme on parle de ce qu'on aime, en l'embellissant sans le vouloir, et s'oubliant toujours, sans croire même faire un sacrifice. Leurs travaux furent aussi différents que leurs caractères. Bossuet, né pour les luttes de l'esprit et les victoires du raisonnement, garda même dans les écrits étrangers à ce genre cette tournure mâle et nerveuse, cette vigueur de raison, cette rapidité d'i

dées, ces figures hardies et pressantes qui sont les armes de la parole. Fénélon, fait pour aimer la paix et pour l'inspirer, conserva sa douceur, même dans la dispute, mit de l'onction jusque dans la controverse, et parut avoir rassemblé dans son style tous les secrets de la persuasion. Les titres de Bossuet dans la postérité sont surtout ses Oraisons funèbres, et son Discours sur l'Histoire. Mais Bossuet, historien et orateur, peut rencontrer des rivaux; le Télémaque est un ouvrage unique, dont nous ne pouvons rien rapprocher. Au livre des Variations, aux combats contre les hérétiques, on peut opposer le livre sur l'Existence de Dieu, et les combats contre l'athéisme, doctrine funeste et destructive, qui dessèche l'âme et l'endurcit, qui tarit une des sources de la sensibilité, et brise le plus grand appui de la morale, arrache au malheur sa consolation, à la vertu son immortalité, glace le cœur du juste en lui ôtant un témoin et un ami, et ne rend justice qu'au méchant qu'elle anéantit. La Harpe. Eloge de Fénélon.

Corneille et Racine.

Corneille ne peut être égalé dans les endroits où il excelle; il a pour lors un caractère original et inimitable; mais il est inégal. Ses premières comédies sont sèches, languissantes, et ne laissaient pas espérer qu'il dût ensuite aller si loin, comme ses dernières font qu'on s'étonne qu'il ait pu tomber de si haut. Dans quelques-unes de ses meilleures pièces, il y a des fautes inexcusables contre les mœurs, un style de déclamateur qui arrête l'action et la fait languir, des négligences dans les vers et dans l'expression, qu'on ne peut comprendre dans un si grand homme. Ce qu'il y a eu en lui de plus éminent, c'est l'esprit, qu'il avait sublime, auquel il a été redevable de certains vers les plus heureux qu'on ait jamais lus ailleurs; de la conduite de son théâtre, qu'il a quelquefois hasardée contre les règles des anciens, et enfin de ses dénoûmens; car il ne s'est pas toujours assujetti au goût

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