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d'un glaive dans les ténèbres. Tantôt il se forme en cercle, et darde une langue de feu; tantôt, debout sur l'extrémité de sa queue, il marche dans une attitude perpendiculaire, comme par enchantement. Il se jette en orbe, monte et s'abaisse en spirale, roule ses anneaux comme une onde, circule sur les branches des arbres, glisse sous l'herbe des prairies ou sur la surface des eaux. Le labyrinthe avait moins de sinuosités, que les méandres tracés par ce reptile. Ses couleurs sont aussi peu déterminées que sa marche; elles changent à tous les aspects de la lumière; et comme ses mouvemens, elles ont le faux-brillant et les variétés trompeuses de la séduction.

Plus étonnant encore dans le reste de ses mœurs, il sait, ainsi qu'un homme souillé de meurtres, jeter à l'écart sa robe tachée de sang, dans la crainte d'être reconnu. Par une étrange faculté, il peut faire rentrer dans son sein les petits monstres que l'amour en a fait sortir. Il sommeille des mois entiers, fréquente les tombeaux, habite les lieux inconnus, compose des poisons qui glacent, brûlent ou tachent le corps de sa victime des couleurs dont il est lui-même marqué. Là, il lève deux têtes menaçantes; ici, il fait entendre une sonnette, il siffle comme un aigle de montagne, mugit comme un taureau. Objet d'horreur ou d'adoration, les hommes ont pour lui une haine implacable, ou tombent devant son génie. Le mensonge l'appelle, la prudence le réclame, l'envie le porte dans son cœur, et l'éloquence a son caducée. Aux Enfers, il arme les fouets des furies; au Ciel, l'éternité en fait son symbole. Il possède encore l'art de séduire l'innocence. Ses regards enchantent les oiseaux dans les airs, et sous la fougère de la crèche, la brebis lui abandonne son lait.

Chateaubriand. Génie du Christianisme

Le Serpent Devin.

C'est surtout dans les déserts brûlans de l'Afrique qu'exerçant une domination moins troublée, le Serpent

Devin parvient à une longueur plus considérable. On frémit lorsqu'on lit, dans les relations des voyageurs qui ont pénétré dans l'intérieur de cette partie du monde, la manière dont cet énorme Serpent s'avance au milieu des herbes hautes et des broussailles, ayant quelquefois plus de dix-huit pouces de diamètre, et semblable à une longue et grosse poutre qu'on remuerait avec vitesse. On aperçoit de loin, par le mouvement des plantes qui s'inclinent sur son passage, l'espèce de sillon que tracent les diverses ondulations de son corps; on voit fuir devant lui les troupeaux de gazelles et d'autres animaux dont il fait sa proie; et le seul parti qui reste à prendre dans ces solitudes immenses, pour se garantir de sa dent meurtrière et de sa force funeste, est de mettre le feu aux herbes déjà à demi brûlées par l'ardeur du soleil. Le fer ne suffit pas contre ce dangereux Serpent lorsqu'il est parvenu à toute sa longueur, et surtout lorsqu'il est irrité par la faim. L'on ne peut éviter la mort qu'en couvrant un pays immense de flammes, qui se propagent avec vitesse au milieu de végétaux presque entièrement desséchés, en excitant ainsi un vaste incendie, et en élevant, pour ainsi dire, un rempart de feu contre la poursuite de cet énorme animal.

Il ne peut être en effet arrêté ni par les fleuves qu'il rencontre, ni par les bras de mer dont il fréquente souvent les bords; car il nage avec facilité, même au milieu des ondes agitées; et c'est en vain, d'un autre côté, qu'on voudrait chercher un abri sur de grands arbres; il se roule, avec promptitude, jusqu'à l'extrémité des cimes les plus hautes; aussi vit-il souvent dans les forêts. Enveloppant les tiges dans les divers replis de son corps, il se fixe sur les abres à différentes hauteurs, et y demeure souvent longtemps en embuscade, attendant patiemment le passage de sa proie. Lorsque, pour l'atteindre, ou pour sauter sur un arbre voisin, il a une trop grande distance à franchir, il entortille sa queue autour d'une branche, et suspendant son corps allongé à cette espèce d'anneau, se balançant, et tout d'un coup s'é

lançant avec force, il se jette comme un trait sur sa victime, ou contre l'arbre auquel il veut s'attacher.

Il se retire aussi quelquefois dans les cavernes des montagnes et dans d'autres antres profonds où il a moins à craindre les attaques des ennemis, et où il cherche un asyle contre les températures froides, les pluies trop abondantes, et les autres accidens de l'atmosphère qui lui sont contraires.

Il paraît bien constaté qu'à la Guyanne il jouit d'une force assez grande, pour qu'un seul coup de sa queue renverse un animal assez gros, et même l'homme le plus vigoureux; il y attaque le gibier le plus difficile à vaincre on l'y a vu avaler des chèvres et étouffer des cougars, ces représentans du tigre dans le Nouveau-Monde. Il dévore quelquefois, dans les Indes orientales, des animaux encore plus considérables, ou mieux défendus, tels que dés porcs-épics, des cerfs et des taureaux, et ce fait était déjà connu des anciens.

Lorsqu'il aperçoit un ennemi dangereux, ce n'est point avec ses dents qu'il commence un combat, qui alors serait trop désavantageux pour lui; mais il se précipite avec tant de rapidité sur sa malheureuse victime, l'enveloppe dans tant de contours, la serre avec tant de force, fait craquer ses os avec tant de violence, que, ne pouvant ni s'échapper, ni user de ses armes, et réduit à pousser de vains, mais d'affreux, hurlemens, elle est bientôt étouffée sous les efforts multipliés de ce monstrueux reptile.

Si le volume de l'animal expiré est trop considérable pour que le Devin puisse l'avaler, malgré la grande ouverture de sa gueule, la facilité qu'il a de l'agrandir, et l'extension dont presque tout son corps est susceptible, il continue de presser sa proie mise à mort; il en écrase les parties les plus compactes, et, lorsqu'il ne peut point les briser avec facilité, il l'entraîne, en se roulant avec elle, auprès d'un gros arbre dont il renferme le tronc dans ses replis; il place sa proie entre l'arbre et son corps; il les environne l'un et l'autre de ses nœuds vigoureux; et, se servant de sa tige noueuse comme d'une sorte de levier, il redouble ses efforts, et parvient bientôt à comprimer

en tout sens, et à moudre, pour ainsi dire, le corps de l'animal qu'il a immolé.

Lorsqu'il a donné ainsi à sa proie toute la souplesse qui lui est nécessaire, il l'alonge en continuant de la presser, et diminue d'autant sa grosseur; il l'imbibe de sa salive, ou d'une sorte d'humeur analogue qu'il répand en abondance. Il pétrit, pour ainsi dire, à l'aide de ses replis, cette masse devenue informe, ce corps qui n'est plus qu'un composé confus de chairs ramollies et d'os concassés. C'est alors qu'il l'avale en la prenant par la tête, en l'attirant à lui, et en l'entraînant dans son ventre par de fortes aspirations plusieurs fois répétées; mais malgré cette préparation, sa proie est quelquefois si volumineuse, qu'il ne peut l'engloutir qu'à demi; il faut qu'il ait digéré, au moins en partie, la portion qu'il a déjà fait entrer dans son corps, pour pouvoir y faire pénétrer l'autre ; et l'on a souvent vu le Serpent Devin la gueule horriblement ouverte, et remplie d'une proie à demi dévorée, étendu à terre, et dans une sorte d'inertie qui accompagne presque toujours sa digestion.

Lucépède. Ovipares.

Le Lézard gris.

Le Lézard gris paraît être le plus doux, le plus innocent, et l'un des plus utiles des Lézards. Ce joli petit animal, si commun dans le pays où nous écrivons, et avec lequel tant de personnes ont joué dans leur enfance, n'a pas reçu de la nature un vêtement aussi éclatans que plusieurs autres quadrupèdes ovi-. pares; mais elle lui a donné une parure élégante: sa petite taille est svelte, son mouvement agile, sa course si prompte, qu'il échappe à l'œil aussi rapidement que l'oiseau qui vole. Il aime à recevoir la chaleur du soleil; ayant besoin d'une température. douce, il cherche les abris ; et lorsque, dans un beau jour de printemps, une lumière pure éclaire vivement un gazon en pente, ou une muraille qui augmente la chaleur en la réfléchissant, on le voit s'étendre sur ce

mur, ou sur l'herbe nouvelle, avec une espèce de volupté. Il se pénètre avec délices de cette chaleur bienfaisante, il marque son plaisir par de molles ondulations de sa queue déliée; il fait briller ses yeux vifs et animés; il se précipite comme un trait pour saisir une petite proie, ou pour trouver un abri plus commode. Bien loin de s'enfuir à l'approche de l'homme, il paraît le regarder avec complaisance; mais au moindre bruit qui l'effraye, à la chute seule d'une feuille, il se roule, tombe, et demeure pendant quelques instans comme étourdi par sa chute; ou bien il s'élance, disparaît, se trouble, revient, se cache de nouveau, reparaît encore, et décrit en un instant plusieurs circuits tortueux que l'œil a de la peine à suivre, se replie plusieurs fois sur lui-même, et se retire enfin dans quelqu'asile, jusqu'à ce que sa crainte soit dissipée. Le même.

Le Dragon.

A ce nom de Dragon, l'on conçoit toujours une idée extraordinaire. La mémoire, rappelle, avec promptitude, tout ce qu'on a lu, tout ce qu'on a ouï dire sur ce monstre fameux; l'imagination s'enflamme par le souvenir des grandes images qu'il a présentées au génie poétique: une sorte de frayeur saisit les cœurs timides, et la curiosité s'empare de tous les esprits. Les anciens, les modernes ont tous parlé du Dragon: consacré par la religion des premiers peuples, devenu l'objet de leur mythologie, ministre des volontés des Dieux, gardien de leurs trésors, servant leur amour et leur haine, soumis au pouvoir des enchanteurs, vaincu par les demi-dieux du temps antique, entrant même dans les allégories sacrées du plus saint des recueils, il a été chanté par les premiers poètes, et représenté avec toutes les couleurs qui pouvaient en embellir l'image : principal ornement des fables pieuses, imaginées dans des temps plus récens; dompté par les héros, et même par les jeunes héroïnes qui combattaient pour une

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