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parler, converser, et semblables. Les grandes actions de ceux qui ne sont pas saints sont fort petites et basses devant les yeux de Dieu, qui voit, comme grandes, les plus abjectes et viles, que les saints font pour son amour.

Mettez la charité en l'œuvre, tout est bien :
Otez la charité de l'œuvre, ce n'est rien.

SECTION XXXV. - De la politique.

Le Sérénissime Charles-Emmanuel, duc de Savoie, était un des plus excellents princes de son temps, d'un esprit rare, et très-habile en la politique. Je disais une fois à notre bienheureux, que ce prince, dans les Etats duquel il était né et vivait, me semblait faire une faute signalée, de ne l'employer point dans ses affaires, étant une chose assurée qu'il ne lui en commettrait aucune, principalement en France, qui ne réussit selon son désir. « Car, lui dis-je, outre votre prudence, qui n'est inconnue qu'à vous-même, et votre adresse, douceur, et patience au fait d'une négociatión, la réputation de votre probité et piété est dans une approbation si universelle, qu'avant que vous eussiez ouvert la bouche, l'on vous dirait : Ce que vous allez dire, c'est ce que nous voulons faire. Il faudrait qu'une affaire fût extrêmement déplorée si elle périssait en votre main je pense même que vous surmonteriez l'impossible. »

«Certes, me dit-il, vous en dites trop : votre rhétorique est dans l'excès, et toute dans l'hyperbole vous vous imaginez que je sois dans l'estime des autres, comme dans la vôtre, qui ne me regardez qu'au travers de certaines lunettes passionnées qui agrandissent les objets. Mais laissons cela pour tel qu'il est. Mon sentiment touchant notre prince est bien différent du vôtre; car en cela même que vous proposez, je trouve qu'il fait paraître la grandeur de son jugement.

» Parce qu'outre que je ne vous avoue pas que j'eusse tant d'adresse et de prudence au maniement des affaires politiques que vous vous figurez; moi à qui les seuls mots de prudence, d'affaires, et de politique, donnent de la frayeur, et qui m'y connais si peu, que ce peu-là n'est rien, je vous dirai un petit mot, mais mot d'ami, et à l'oreille, et encore à l'oreille du cœur. C'est pour parler rondement : Je ne sais nullement l'art de mentir, ni de dissimuler, ni de feindre avec dextérité; ce qui est le grand outil, et le maître ressort du maniement de la politique, qui est l'art des arts, tiere de prudence humaine, et de la conduite civile.

»Pour tous les Etats de Savoie, de la France, ni de tout l'Empire, je ne porterais pas un faux paquet dans mon sein. J'y vais à l'ancienne gauloise, à la bonne foi, et simplement; ce que j'ai sur les lèvres, c'est justement ce qui sort de ma pensée. Je ne saurais parler en un cœur, et en un cœur je hais là duplicité comme la mort, sachant que Dieu a en abomination l'homme trompeur. Peu de gens me connaissent, qui ne reconnaissent aussitôt cela en moi c'est pourquoi on juge fort sagement que je ne suis nullement propre à un emploi, où pour l'ordinaire on parle de paix à un prochain, contre lequel on couve du mal en son âme. Joint

que j'ai toujours adoré comme une céleste, souveraine, et divine maxime ce grand mot de l'Apôtre Que celui qui est dédié à Dieu, ne se doit point embarrasser dans les affaires séculières (11. Tim. 2). »

SECTION XXXVI. — Mortification merveilleuse.

Tous les ordres conventuels sont fort soigneux de faire leurs annales ou chroniques, et de remarquer là dedans les actions héroïques de ceux qui ont professé leur institut. Outre l'édification publique de toute l'Eglise, dont les enfants profitent par les exemples de vertus, il y a aussi une raison particulière pour les sociétés : c'est que ceux qui y sont enrôlés, tirent plus d'utilité de faits domestiques, et en sont plus vivement touchés.

Je ne sais pas, mes Sœurs, si Dieu fera parmi vous, et dans votre congrégation, des actions dignes d'être écrites, et s'il suscitera pour cela quelque plume qui les trace de telle façon qu'elles méritent d'être lues: mais je sais bien pourtant que voici un trait de mortification si haute, sorti d'une de nos sœurs, dont le nom, comme il est fort croyable, est écrit au livre de vie, qu'il mérité d'être enregistré dans vos mémoires, et gravé profondément dans

vos cœurs.

Après avoir traîné une vie fort malsaine, et toujours languissante, avec une patience si exemplaire, qu'elle donnait de l'étonnement à toutes celles qui la voyaient souffrir, non-seulement avec constance, mais, ce qui est plus remarquable, avec joie, à la fin elle s'abattit sous l'effort d'une violente maladie, dont elle mourut. Deux heures ou environ avant qu'elle rendît son esprit entre les mains de Dieu, on fit venir notre bienheureux Père pour l'assister en ce dernier passage. Lui, qui connaissait cette âme de longue main, tout autant que l'on en peut connaître une, et qui savait que Notre Seigneur l'avait conduite par le chemin de la croix avec une patience fort remarquable, n'eut aucune difficulté de la disposer à la mort : au contraire, il eût eu peine à lui en ôter le désir, si elle n'eût été dans une haute indifférence.

Les douleurs donc de la mort faisant leurs approches, cette fille étant en un état qui penchait vers l'agonie, néanmoins ayant encore le jugement assez bon; après avoir fait tous les actes que le bienheureux lui suggérait doucement, paisiblement, et de distance en distance, selon son procédé ordinaire; cette pauvre créature sentant des douleurs effroyables, commence à dire au bienheureux, avec un profond soupir: Mais, mon Père, ne serait-ce point mal fait?» et se tut. Le bienheureux, s'imaginant que ce fût quelque tentation du malin, lui demande : « Quel mal, ma fille? La soeur : « Eh! mon cher Père, non, ce serait une trop grande infidélité : » et làdessus s'arrête. François entre en plus grande appréhension : « Quelle infidélité, dit-il, ma chère fille? He quoi! en ce dernier point, qui vous a ôté cette chère confiance que Notre Seigneur vous avait donnée en moi? »

--Nullement, mon Père, dit la fille, d'une voix cassée, basse, et mourante, j'ai plus de confiance en la dilection sainte que Dieu

vous a donnée pour moi, que jamais; mais cela ne mérite pas de vous rompre la tête.» « Possible, reprit le Saint, que cela est de plus grande importance que vous ne pensez les malices spirituelles du tentateur sont fines et rusées, surtout en ces extrémités où il subtilise ses artifices plus que jamais. Je vous supplie, ains je vous conjure de ne me céler point ce qui vous donne de la peine. » -"Ah! mon bon Père, dit-elle, ce serait une trop grande infidélité envers Notre Seigneur; c'est maintenant que je lui dois être plus soumise. » «Ma fille, dit le bienheureux, vous ne sauriez faire d'acte de plus grande soumission, ni qui lui soit plus agréable, que de me dire simplement, candidement, et confidemment ce qui vous fait soupirer. Il n'y a point de sacrifice qui ne soit surpassé par l'obéissance. Je n'ose pas vous commander en son nom de me déclarer votre inquiétude; car vous savez qu'en cette congrégation, l'on n'use pas, qu'à l'extrémité, de cette espèce de commandement : c'est pourquoi je vous supplie, ma toujours plus aimée fille, de m'ôter au moins de la peine où je suis, qui est si véhémente, que vous en auriez pitié si vous la connaissiez. » << Mon Père, dit-elle, vous avez trop de force d'esprit pour vous mettre en angoisse et en perplexité pour si peu de chose. » — « - << Appelez-vous peu de chose, dit le Saint, le salut d'une âme pour laquelle JésusChrist est mort? Je transis quand je vois le péril de la vôtre, possible pour une bagatelle. » - « Vous avez raison, mon Père, dit la fille; car ce n'est rien. »« Oh! quel rien, dit le saint pasteur? Le péché c'est un rien, et pour ce rien du péché, l'on se damne, ce rien a été fait sans Dieu, mais Dieu punit ce mal de coulpe, d'un mal de peine qui est éternel. Eh! ma bonne fille, faudra-t-il que j'emploie les extrêmes remèdes pour écarter de vous ce démon de malignité qui lie la langue, et qui vous rend muette? »

Il allait faire mettre en prière toutes les sœurs, pour chasser par l'oraison ce diable muet, lorsque la fille lui dit: Eh bien! mon Père, si vous me le commandez en vertu de la sainte obedience, je Vous dirai ce que c'est. »

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» A cela ne tienne, dit le bienheureux. Oh! que vous me soulagez ! certes, vous m'ốterez une meule de moulin que j'ai sur le cœur; mon âme est sous le pressoir jusqu'à ce que vous m'ayez donné cette consolation.» «Mais, mon Père, repart-elle, m'assurez-vous qu'il n'y ait point de péché? » — « Ó ma fille, repartitil, il y en aurait, sans doute, à ne le dire pas après un tel commandement: tant s'en faut donc qu'il y en ait; de cela je vous en assure sur mon âme propre.» « Hélas, dit-elle, mon Père, faut-il que je fasse un acte de lâcheté à la clôture de ma vie? » « Quelle lacheté, dit-il? parlez plus clairement.» «Eh! n'est-ce pas, ditelle, une lâcheté insigne, et une merveilleuse infidélité vers Notre Seigneur de dire que je sens bien du mal? »

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Le bienheureux voyant que c'était tout le poison que cette pauvre fille avait sur le cœur, s'écria fortement : « Non, de par Dieu, ma fille, non, il n'y a ni lâcheté, ni infidélité quelconque à cela. Oh! certes, vous venez de me donner la vie : n'y a-t-il autre chose que cela? Non, dit-elle, mon Père, voilà tout; mais n'est-ce point pour m'assurer et me consoler en ce détroit, que vous me dites

avec tant de vehemence, qu'il n'y a point de péché en cela? »> « Nullement, ma fille, je hais les déguisements, surtout en ce point où il ne faut parler que du fond du cœur.

Or, ma fille, après l'exemple que je vais vous dire, il faudra que tous vos ombrages se dissipent. Le Fils de Dieu, notre Sauveur et notre Maître, étant en la croix parmi les extrêmes douleurs de la mort, ne s'écria-t-il pas à haute voix: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné (Matth. 27)? Tant s'en faut que ce Soit mal fait de se plaindre, et même de crier sous l'étreinte et l'épreinte des douleurs, qu'au contraire, je crois que la sainte vertu de vérité, de candeur, et de simplicité nous oblige, quand nous sentons du mal, principalement quand il est pressant, de le manifester à ceux qui peuvent y apporter du remède: car comme penseront-ils à nous soulager, si nous oublions à nous plaindre, et à le leur manifester? »>

"O mon père, dit la pauvre fille, j'ai donc bien commis de ces fautes: car il y a plusieurs années que je suis toujours malade, et un vrai pilier d'infirmerie; je ne me souviens guère d'avoir été sans quelque douleur, et j'en ai souvent senti sans me plaindre. Il est vrai que maintenant que je n'ai plus ni force ni vigueur, je sens les douleurs plus violentes, et je craignais de les dire et de m'en plaindre, estimant que ce fût tendresse sur soi-même, lâcheté et infidélité envers Jésus-Christ, qui en a bien souffert d'autres pour moi en la croix. >>

Elle désira donc recevoir, et la bénédiction et l'absolution de ces grandes fautes-là de notre bienheureux Père. Peu après les sens commencèrent à lui défaillir, et après une demi-heure d'agonie fort douce, elle rendit sa belle âme sur le sein et dans le cœur de Jésus-Christ.

Le bienheureux, tout baigné de larmes de consolation d'un si heureux passage, prit sujet de là de remontrer aux sœurs l'héroïque mortification de cette fille, qui, dans les extrêmes et effroyables horreurs et douleurs de la mort, n'osait pas seulement ouvrir la bouche.

O Dieu, mes sœurs, quelle vertu et de quelle trempe. Cependant le bienheureux, qui m'a raconté cette mémorable histoire, m'a confessé qu'il ne s'était jamais vu si pressé d'angoisse, et qu'il sortit de la plus trempé de larmes et de sueur, que s'il eût prêché la Passion trois heures durant.

Une sœur, possible était-ce l'infirmière, qui avait servi cette chère malade fort longtemps, m'a dit qu'elle ne la regardait jamais dans ses souffrances aiguës et pressantes, qu'avec étonnement, lui étant avis, c'est son mot, qu'elle voyait une âme en purgatoire. Elle avait, la bonne fille, plus de raison qu'elle ne pensait de parler ainsi car une âme qui est en purgatoire souffre avec tant de constance, d'allégresse, d'amour et de conformité à la volonté de Dieu, qu'elle ne peut pas faire le moindre mouvement d'impatience, ni avoir le plus petit désir de sortir de ces peines, que quand il plaira à Dieu, et en la manière qu'il voudra. Ce que traite divinement la séraphique Catherine de Gênes en son Dialogue du purgatoire, qui est une des excellentes pièces que j'aie jamais lues sur ce sujet.

SECTION XXXVII.

De la brièveté en la prédication.

Il approuvait extrêmement la brièveté en la prédication, et disait que la longueur était le défaut le plus général des prédicateurs de ce temps.

Appelez-vous, lui disais-je cela un défaut, et donnez-vous à l'abondance le nom de disette?»« Quand la vigne, répliquaitil, produit beaucoup de pampres, c'est lors qu'elle porte le moins de fruit la multitude des paroles n'engendre pas de grands effets. C'est le propre d'un cheval puissant, et à l'échine forte, quand il part promptement, et est ferme en son arrêt. Une haridelle qui Court la poste, ira plusieurs pas après qu'on lui aura tiré la bride. Qui est cause de cela? C'est sa faiblesse. Il en est ainsi d'un esprit. Celui qui est fort finit où il lui plait, parce qu'il a un grand empire sur ses mouvements, et un raisonnement ferme. Un débile parle beaucoup, et s'évanouit en ses pensées, étant ennemi de la conclusion. « Voyez, me disait-il, toutes les homélies ou prédications des Pères anciens, comme elles sont courtes: oh! combien elles étaient plus efficaces que les nôtres longues! Le bon saint François ordonne en sa Règle aux prédicateurs de son Ordre, qu'ils prêchent l'Evangile avec brièveté, et en donne une gentille raison: En se souvenant, dit-il, que Dieu a fait sa parole abrégée sur la terre (Rom. 9). » Voici une belle maxime qu'il m'a répétée plusieurs fois :

Plus vous direz, et moins on retiendra. Moins vous direz, plus on profitera. Croyez-moi, disait-il, car c'est par expérience que je vous dis ceci. A force de charger la mémoire d'un auditeur, on la démolit. Quand un discours est trop long, la fin fait oublier le milieu, et le milieu le commencement. >>

Ce que cet ancien disait de l'orateur, que la première partie était l'action; la seconde, l'action; la troisième et la quatrième, de même; donnant à l'action toute la perfection de l'art oratoire : il le disait de la brièveté en l'orateur chrétien ou ecclésiaste. « Les médiocres prédicateurs sont recevables, pourvu qu'ils soient briefs; et les plus excellents, ineptes, quand ils sont trop longs. Il n'y a point en un prédicateur de qualité plus odieuse que la longueur. »

SECTION XXXVIII. — De la brièveté de l'auditoire.

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Cette autre maxime de lui-même m'a quelquefois étonné. « Ayez grande joie, quand montant en chaire vous apercevrez peu de gens devant vous, et que votre auditoire sera comme à claire-voie. » Mais, disaís-je, une chandelle ne s'use pas davantage à éclairer beaucoup de personnes que peu il n'est que de pêcher en de grandes eaux et semblables pensées de prudence humaine et de sens naturel.

C'est, répondait-il, une expérience de trente ans en cet exercice qui me fait parler ainsi, et j'ai toujours vu de plus grands effets pour le service de Dieu, dans les prédications que j'ai faites en de petites assemblées, qu'en des grandes. Un événement justifiera ce que je vous dis.

» Durant que j'étais prévôt, c'est-à-dire, doyen de mon Eglise,

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