PATROLOGIÆ CURSUS COMPLETUS SEU BIBLIOTHECA UNIVERSALIS, INTEGRA, UNIFORMIS, COMMODA, OECONOMICA, NIUM SS. PATRUM, DOCTORUM SCRIPTORUMQUE ECCLESIASTICORUM, SIVE LATINORUM, SIVE GRÆCORUM, AB EVO APOSTOLICO AD TEMPORA INNOCENTII III (ANNO 1216) PRO LATINIS OMNIUM QUÆ EXSTITERE MONUMENTORUM CATHOLICÆ TRADITIONIS PER QUINDECIM PRIORA A IONES ACCURATISSIMAS INTER SE CUMQUE NONNULLIS CODICIBUS MANUSCRIPTIS COLLATAS, PERQUAM EDITIO ACCURATISSIMA, Cæterisque omNIBUS FACILE ANTEPONENDA, SI PERPENDANTUR CHARACTERUM NITIDITAS SERIES LATINA IN QUA PRODEUNT PATRES, DOCTORES SCRIPTORESQUE ECCLESIÆ LATINÆ ACCURANTE J.-P. MIGNE, SIVE CURSUUM COMPLETORUM IN SINGULOS SCIENTIÆ ECCLESIASTICE RAMOS EDITORE. PATROLOGIE TOMUS CLXXVIII. PETRUS ABÆLARDUS ABBAS RUGENSIS. HILARIUS ET BERENGARIUS ABÆLARDI DISCIPULL. PARISILS APUD GARNIER FRATRES, EDITORES ET J.-P. MIGNE SUCCESSORES PETRI ABELARDI ABBATIS RUGENSIS OPERA OMNIA, JUXTA EDITIONEM PARISIENSEM ANNI 1626, SUPPLETIS QUÆ IN EA DESIDERABANTUR OPUSCULIS APUD GARNIER FRATRES, EDITORES ET J.-P. MIGNE SUCCESSORES IN VIA DICTA AVENUE DU MAINE, 189, OLIM CHAUSSÉE DU MAINE, 127. PROLEGOMENA. NOTITIA HISTORICO-LITTERARIA. Histoire littéraire de la France, par des religieux bénédictins, tom. XII, pag. 86. Il est peu d'anciens écrivains dont l'histoire ait fourni plus de matière aux satires et aux apologies que le fameux Abailard. Les censeurs de ses écrits le réprésentent comme un philosophe téméraire, qui voulut corrompre, par les subtilités d'une fausse dialectique, la majestueuse simplicité de nos dogmes. Ses apologistes prétendent, au contraire, qu'appuyé sur les règles d'une saine logique, il introduisit l'ordre et la méthode dans la théologie, qu'il en épura les principes, qu'il en sonda les profondeurs par des précisions où la pénétration de ses adversaires ne pouvait atteindre. D'autres, ne s'attachant qu'à ses mœurs, le peignent comme un philosophe mondain, victime de la volupté dont il traina, selon eux, l'impression stérile, ainsi que les marques flétrissantes, jusque dans les retraites sacrées où la honte et le désespoir l'avaient obligé de se confiner. Ceux-ci trouvent aussi des contradicteurs, lesquels, avouant les premiers désordres d'Abailard, soutiennent qu'il les répara par une conversion éclatante et sincère. Notre devoir est d'examiner sans partialité ces différentes opinions, et d'en tirer, à la lumière d'une critique équitable, ce qui nous paraîtra de plus conforme à la vérité. C'est ce que nous nous proposons de faire dans cet ar§ I. Histoire de la vie d'Abailard. ticle. Pierre Abélard, ou Abailard (1), fils de Bérenger et de Lucie, distingués l'un et l'autre par leur noblesse naquit l'an 1079, au Palets (2) dans le comté de Nantes. Son père, qui avait pris quelque teinture des lettres avant d'embrasser la profession des armes, régla sur ce plan l'éducation de ses enfants, et fit précéder les exercices militaires, auxquels il les destinait, par la culture de l'esprit. Abailard, qui était l'aîné (3), reçut un gage de prédilection dans le soin particulier qu'on prit de ses études; il avança rapidement dans la carrière des lettres. Arrivé à la dialectique, le dédale épineux de cette science captiva son esprit, naturellement ami des détours et des subtilités. Le charme alla si loin qu'il sacrifia, dit-il. Mais à Minerve, et la gloire qu'il pouvait acquérir par les armes, au désir de se faire un nom dans les disputes du Lycée. Plein de cette idée, il quitta son pays à l'âge d'environ seize ans, et se mit à parcourir différentes contrées, s'arrêtant partout où il y avait des dialecticiens, entrant en lice avec eux, et leur laissant toujours des marques de son habileté. Ses courses philosophiques le conduisirent au bout de cinq ans à Paris, où il trouva des champions avec lesquels il n'osa d'abord se mesurer. Le plus célèbre d'entre eux était Guillaume de Champeaux, modérateur de la principale école. Abailard s'étant présenté à lui pour avoir permission de venir l'entendre, fit preuve en cette occasion d'un mérite qui éblouit le professeur et l'enchanta. Non seulement il consentit à l'admettre comme disciple dans son école, il voulut encore l'avoir comme ami dans sa maison. Tant de faveur, que le flegme de la philosophie aurait dû, ce semble, modérer, enfla le cœur du jeune homme, et le fit bientôt sortir des bornes de la subordination. Il entreprit de s'égaler à son maître, et combattit ouvertement ses opinions. Cette conduite ingrate et téméraire ayant irrité Guillaume de C..ampeaux, il fallut se séparer. Abailard congédié partit pour Melun, alors une des résidences de la cour, dans le dessein d'y ouvrir lui-même une école de philosophie. Il en vint à bout malgré les traverses qu'on lui suscita. Là s'étant déclaré l'antagoniste du philosophe de Paris, il prit à tàche de ruiner sa doctrine et sa réputation. Pour cet effet, il envoyait ses écoliers de temps en temps provoquer à la dispute ceux de Champeaux; et ces escarmouches, à l'entendre, finissaient toujours à l'avantage des siens. Mais comme l'éloignement des deux écoles faisait languir le combat, il transporta la sienne à Corbeil, afin de rendre les assauts plus vifs et plus fréquents Au milieu de ces prouesses une maladie, causée par l'excès du travail, l'obligea d'aller respirer l'air natal. A son retour il trouva Guillaume de Champeaux qui enseignait dans le cloître du nouveau monastère de Saint-Victor, sous l'habit de chanoine régulier. Cette métamorphose inattendue le surprit et le toucha. Il alla trouver son maître, le pria d'oublier ses incartades, et ne fit pas même difficulté, quoique âgé d'environ trente ans, de se remettre sous sa discipline. Mais la différence de leurs sentiments, dont ni l'un ni l'autre ne voulait se départir, ne tarda pas à causer une nouvelle rupture. Guillaume soutenait l'Universel a parte rei, que Bayle (4) qualifie sans fondement un spinosisme non développé. Abailard, zélé nominal, fit revivre ses premières objections, renforcées de nouveaux syllogismes. Alors il pressa, dit-il, son (1) Sur les différentes manières de prononcer son nom, voyez les notes sur les Jugements des savants, tom. I, p. 326, et le P. Niceron, tom. IV, p. 1 et suiv. (2) En latin Palatium. C'est de là qu'il a été souvent nommé Petrus Palatinus, ou Peripateticus P a latinus. (3) M. Joli, dans ses remarques sur le Dictionnaire de Bayle (p. 10) a mis dans la plus grande évidence l'ainesse d'Abailard, contestée par quelques critiques. (4) L'accusation de Bayle contre l'opinion de Champeaux est très bien réfutée dans les Mémoires de Trévoux, an 1758, p. 2248. PATROL. CLXXVIII. 494 L |