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Chrysostome réprima d'abord la licence hypocrite des prêtres, qui fréquentaient les tables sensuelles des grands et convoitaient les richesses des veuves. Il censurait amèrement tous ces vices. Il attaquait la mollesse des grands, l'oisiveté du peuple; mais cet apostolat chrétien ne corrigeait pas le vice de l'Empire. Pendant qu'Arcadius faisait des lois pour détruire quelques restes de l'ancien polythéisme, pendant que Chrysostome envoyait des missions chez les peuples barbares, Alaric ravageait la Grèce, et Gaïnas, général goth attaché au service de l'Empire, faisait trembler Arcadius, et le forçait d'exiler son ministre Eutrope.

Ce fut un grand jour que celui où l'insolent ministre, proscrit par son maître, poursuivi par le peuple, vint chercher un asile dans Sainte-Sophie, à l'abri de la chaire pontificale. Nous ne reproduirons pas le discours trop connu que prononça Chrysostome pour apaiser la colère du peuple et défendre le réfugié de l'église chrétienne: mais on sent assez combien ces terribles disgrâces prêtaient d'autorité à l'éloquence chrétienne, combien ces paroles : «Vanités des vanités, et tout n'est que vanité,» retentissaient avec force devant le favori déchu, tremblant au pied de la chaire qui le protégeait, et sauvé de la colère du peuple par la voix du pontife".

Ces drames de l'église chrétienne attestaient la misère du pouvoir impérial, mais faisaient ressortir la grandeur et la puissance du culte. Peu de temps après, Chrysostome fut envoyé auprès de Gaïnas, qui, plus animé que satisfait par la mort d'Eutrope, demandait les têtes des autres grands officiers de l'Empire.

Telle était la dégradation de la cour de Byzance, que les victimes furent conduites au camp du barbare; mais Chrysostome les protégeait par ses paroles. Gaïnas, comme la plupart des Goths, s'était avisé d'être arien, et il n'avait pris de cette religion que la haine contre le parti contraire. Il céda cependant; et Chrysostome, de retour à Constantinople, prononça, devant le peuple, ces paroles qui donnent une idée singulière du règne d'Arcadius: «Je << suis le père commun de tous, et je dois penser non-seulement «à ceux qui sont debout, mais encore à ceux qui sont tombés ; « c'est pour cela que je me suis quelque temps éloigné de vous, <«< faisant des voyages, usant de conseils et de prières pour sauver «de la mort les principaux de l'Empire.» Puis il se livrait à de << pieuses réflexions sur la fragilité des grandeurs et le néant de la vie. 1) Le discours pour Eutrope a été presque tout entier traduit par Rollin dans son Traité des Études, L. IV, Chap. II.

Un chef des Huns vainquit Gaïnas; et Constantinople se trouva délivrée par le conflit des deux barbares. Elle reprit ses jeux du cirque et ses querelles religieuses; car on s'occupait sans cesse de ce qu'on appelait la paix de l'Église, et fort peu du salut de l'Empire. Quelques solitaires d'Égypte, chassés par Théophile, patriarche d'Alexandrie, intéressaient plus l'empereur et sa suite que ne le faisaient la Grèce et la Thrace, désolées par les barbares. Tout, dans cette cour, n'était qu'intrigue, hypocrisie, frivolité.

Une ligue se forma pour perdre Chrysostome. On y comptait des prêtres jaloux, des courtisans, de riches matrones offensées par les censures de l'orateur, enfin l'impératrice Eudoxie et peutêtre l'empereur. Un concile fut convoqué pour servir leur vengeance. Théophile, patriarche d'Alexandrie, le dominait par ses intrigues et sa haine furieuse. Plusieurs évêques, admirateurs du génie de Chrysostome, ne voulaient pas se séparer de sa cause, et refusaient d'assister au concile. Cependant, Chrysostome parlait dans les chaires de Constantinople avec une véhémence nouvelle. «Que puis-je craindre? disait-il; serait-ce la mort? Mais << vous savez que Dieu est ma vie et que je gagnerais à mourir. << Serait-ce l'exil? Mais la terre, dans toute son étendue, est au << Seigneur. Serait-ce la perte des biens? Mais nous n'avons rien << apporté dans ce monde, et nous n'en remporterons rien. Ainsi toutes <«<les terreurs du monde sont méprisables à mes yeux, et je me ris << de tous les avantages que les autres hommes souhaitent avec pas«<sion. » Puis il ajoutait : « Mais vous savez, mes amis, la véritable <«< cause de ma perte; c'est que je n'ai point tendu ma demeure de <<< riches tapisseries; c'est que je n'ai point revêtu des habits d'or et de « soie; c'est que je n'ai point flatté la mollesse et la sensualité de <«< certaines gens. Il reste encore quelque chose de la race de Jésabel, <«< et la grâce combat encore pour Élie. Hérodiade demande encore une <«< fois la tête de Jean, et c'est pour cela qu'elle danse. » Ces éloquentes invectives parurent désigner l'impératrice Eudoxie.

Les ennemis de Chrysostome, qui siégeaient au concile, s'armèrent de cette faute ou de cette calomnie, et après avoir solennellement prononcé la déposition du patriarche pour quelques prétendus griefs de discipline ecclésiastique, ils demandèrent à l'empereur de le bannir pour crime de lèse-majesté.3

Chrysostome fut enlevé la nuit, et jeté sur un navire, au milieu des plaintes et des réclamations de tout le peuple; car ce peuple, dans son abaissement, s'était attaché à ce grand homme

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comme à un défenseur. Il aimait sa vie austère et simple, ses censures égales pour les grands et pour les petits. En le perdant, il se sentait privé d'un appui, et se croyait tombé au-dessous même de son esclavage ordinaire. Les imaginations, échauffées par ces regrets, fermentèrent avec l'ardeur superstitieuse de cette époque. Un tremblement de terre, qui fut ressenti dans Constantinople, parut un signe de la colère de Dieu.

Les ennemis de la cour, les mécontents, les orthodoxes, poussèrent des cris de douleur et d'effroi. Le faible Arcadius fut effrayé, et l'impératrice Eudoxie, troublée du tremblement de terre et de la haine du peuple, pressa vivement le retour de celui qu'elle avait fait bannir. On fit partir, pour le rappeler, plusieurs députations successives; Rome menacée n'avait pas envoyé plus d'ambassadeurs à Coriolan. Théophile et les évêques de son parti prirent la fuite. Le Bosphore se couvrit de vaisseaux qui s'avançaient pour recevoir Chrysostome. Des cierges allumés, des chants populaires célébraient son retour. En reparaissant, il refusa d'abord de reprendre les honneurs de l'épiscopat, et voulut s'arrêter dans un faubourg de Constantinople. Mais l'enthousiasme du peuple, et ses murmures contre l'empereur et l'impératrice, forcèrent Chrysostome de remonter dans cette chaire que son génie rendait si puissante. Ses premières paroles furent une espèce d'allégorie sur son retour, comparé à la délivrance de Sara, tombée dans les mains de Pharaon. Mais tout en accusant le patriarche d'Alexandrie et ses autres ennemis, il donnait un gage 3 de paix à l'impératrice Eudoxie, qu'il nommait la mère des églises, la protectrice des saints, et le soutien des pauvres.

Cette réconciliation toutefois était de difficile durée. Eudoxie ne pouvait oublier sa haine et sa défaite. Les courtisans, les dames du palais excitaient sa colère. On avait préparé, pour consoler l'orgueil de la princesse, une fête à demi profane; c'était la dédicace d'une statue d'argent, élevée en son honneur sur la place publique, entre le sénat et l'église de Sainte-Sophie. Des chants, des danses célébraient cette espèce de consécration.

Chrysostome, dans une de ses homélies, blàma vivement ces jeux qu'il accusait d'idolatrie. Eudoxie, offensée, reprit toute sa colère. Chrysostome n'avait pas fait encore annuler les actes du concile qui l'avait condamné; il siégeait sans être absous. Cette irrégularité, défendue par un concile d'Antioche, fut une arme nouvelle pour ses ennemis. Dans cette espérance, les évêques de la

Grèce et de l'Orient sont convoqués une seconde fois à Constantinople. Théophile, sans oser y reparaître, animait cette intrigue épiscopale.

Pendant que le nouveau concile délibérait, Chrysostome parlait dans Sainte-Sophie, et son éloquence balançait tout le pouvoir de ses ennemis. Quarante évêques s'étaient déclarés pour sa cause; les autres, plus nombreux, pressaient l'empereur de le bannir avant les fêtes de Pâques; car on craignait que, dans ce grand jour, il ne parût trop inviolable.

La veille de la fête, Chrysostome reçut l'ordre de quitter son église; mais on ne put lui enlever la confiance du peuple, qui, désertant alors les églises, alla tenir l'assemblée chrétienne dans les bains publics bâtis par Constantin. La cour, aussi cruelle que faible, envoya des troupes de la garde gothique pour disperser cette foule. Le sang coula près de l'autel; et des femmes furent outragées par les soldats.

Enfin l'empereur prononça l'exil de Chrysostome. Il fut conduit d'abord à Nicée, et de là, dans une petite ville d'Arménie, séjour affreux, entouré de peuplades barbares. Persécuté, sur la route, par des moines et par un évêque de Césarée, il fut secouru par la veuve du ministre Rufin, mis à mort quelques années auparavant.

Du fond de son exil, il ne cessa d'être en intelligence avec les évêques qui avaient soutenu sa cause, et avec ceux qui se déclarèrent pour lui dans l'Occident. Il consolait ses amis de Constantinople; il écrivait à l'évêque de Rome pour invoquer sa communion. Des femmes riches venaient de Constantinople, sous mille déguisements, pour le consoler et le servir. Des évêques de toutes les parties de l'Occident lui faisaient passer des secours. On ne concevrait pas la vie singulière de ce temps, si on ne lisait les lettres que Chrysostome, exilé près du mont Taurus, envoyait sur tous les points du monde. L'Empire était dissous; mais la société chrétienne, plus puissante malgré tant de divisions, communiquait de toutes parts.

Cependant la cour d'Arcadius, qui persécutait les partisans de Chrysostome, sous le nom de Joannites, s'offensa du pouvoir que cet illustre banni conservait dans l'Orient. On voulut le changer d'exil et le reléguer dans un lieu plus lointain, sur les bords du Pont-Euxin. La brutalité des soldats qui le conduisirent aggrava ou peut-être ne fit qu'exécuter les ordres de la cour de Byzance. Forcé de faire de longues marches, tête nue, à l'ardeur

du soleil, insulté par ses gardes, le vieillard, déjà consumé de veilles et d'austérités, n'acheva point ce pénible voyage. Il expira près de Comane, bourgade du Pont.

ÉLOGE DE CORNEILLE,

PAR RACINE.

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L'ACADÉMIE a regardé la mort de M. Corneille comme un des plus grands coups qui la pût frapper: car, bien que, depuis un an, une longue maladie nous eût privés de sa présence, et que nous eussions perdu en quelque sorte l'espérance de le revoir jamais dans nos assemblées, toutefois il vivait; et l'Académie, dont il était le doyen, avait au moins la consolation de voir dans la liste où sont les noms de tous ceux qui la composent, de voir, dis-je, immédiatement au-dessous du nom sacré de son auguste protecteur, le fameux nom de Corneille.

Et qui d'entre nous ne s'applaudirait pas en lui-même, et ne ressentirait pas un secret plaisir d'avoir pour confrère un homme de ce mérite? Vous, monsieur, qui non-seulement étiez son frère, mais qui avez couru longtemps une même carrière avec lui, vous savez les obligations que lui a notre poésie3; vous savez en quel état se trouvait la scène française lorsqu'il commença à travailler. Quel désordre! quelle irrégularité! Nul goût, nulle connaissance des véritables beautés du théâtre; les auteurs aussi ignorants que les spectateurs; la plupart des sujets extravagants et dénués de vraisemblance; point de mœurs, point de caractères; la diction encore plus vicieuse que l'action, et dont les pointes et de misérables jeux de mots faisaient le principal ornement; en un mot, toutes les règles de l'art, celles même de l'honnêteté et de la bienséance, partout violées.

1) Prononcé à la réception de Thomas Corneille dans l'Académie française. 2) « Mon pèlerinage au tombeau de Scipion est un de ceux qui a le plus satisfait mon cœur.» Chateaubriand. « Ce fut une des raisons qui porta le barbare Charles d'Anjou à faire périr Conradin.» Voltaire. - « Le chancelier de l'Hospital fut un des ministres qui sacrifia le plus les attributions du Parlement à la prérogative royale.» M. de Barante. « Une des choses qui rendait cette maison plus recommandable.» Racine. 3) Condillac (dans l'Art d'écrire) voulant montrer comment se fait l'analyse de la pensée dans les langues formées et perfectionnées, a pris pour objet d'étude le passage qui commence ici et qui finit par les mots, qui vivaient en même temps qu'eux.

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