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M'as vingt fois en un jour à moi-même opposée ;
Tantôt pour un enfant excitant mes remords,
Tantôt m'éblouissant de tes riches trésors

Que j'ai craint de livrer aux flammes, au pillage.
Qu'il règne donc ce fils, ton soin et ton ouvrage !
Et que, pour signaler son empire nouveau,

Ou lui fasse en mon sein enfoncer le couteau!
Voici ce qu'en mourant lui souhaite sa mère :
Que dis-je souhaiter! je me flatte, j'espère
Qu'indocile à ton joug, fatigué de ta loi,
Fidèle au sang d'Achab qu'il a reçu de moi,
Conforme à son aïeul, à son père semblable,
On verra de David l'héritier détestable
Abolir tes honneurs, profaner ton autel,

Et venger Athalie, Achab, et Jézabel.

Joad prononce l'arrêt de cette reine homicide, et lorsque le fer a expié les horreurs de sa vie, le grand-prêtre s'adressant au nouveau roi, lui dit :

Par cette fin terrible, et due à ses forfaits,
Apprenez, roi des Juifs, et n'oubliez jamais,
Que les rois dans le ciel ont un juge sévère,
L'innocence un vengeur, et l'orphelin un père'.

DEUX SCÈNES DE MÉROPE,

PAR VOLTAIRE.

LES tragédies de Voltaire se distinguent par un pathétique entraînant, une diction brillante et une philosophie qui intéresse l'âme. Sa composition est bien moins régulière, son style bien moins pur que celui de Racine; il n'est

4) « Le moyen que le grand-prêtre, selon le poëte, emploie pour s'emparer d'Athalie, n'est pas contraire à la vérité historique en ce sens qu'il n'y ait pas chez des hommes saints de l'Ancien Testament des exemples de mensonges semblables à celui de Joad; mais il nous semble qu'il aurait dû répugner à la délicatesse d'un écrivain si pur d'amener le dénouement d'une crise sublime par une ruse. La conduite de Joad, dans le récit de l'écriture, est plus noble: il proclame Joas dans le temple, et quand Athalie accourt et veut s'opposer à lui, il la fait saisir et mettre à mort. La loi de Dieu lui en donnait le droit, parce qu'elle était idolâtre.». Observation de M. Monod dans la Biblioth. littér, nationale.

point sublime comme Corneille; mais il est plus intéressant que tous les deux, plus vaste et plus fécond. Oedipe, Brutus, Zaïre, la Mort de César, Mérope surtout, le mettent au rang de ces poëtes qui, à travers toutes les révolutions du goût et de la littérature, conserveront une grande puissance sur les âmes.

Cresphonte, roi de Messène, a été assassiné par Polyphonte, un de ses officiers, dans une émeute secrètement excitée par ce dernier. Ses enfants ont péri, à l'exception d'Égisthe, emporté loin du carnage par un serviteur fidèle, qui l'a emmené en Élide, et l'a caché quinze ans dans une retraite profonde, sans lui révéler sa naissance. Polyphonte s'est emparé du pouvoir, et, pour consacrer son usurpation, il demande la main de Mérope, veuve de Cresphonte. C'est alors qu'Égisthe, qui s'est échappé de sa retraite, arrive à Messène, mais captif, et accusé d'un crime. Attaqué en chemin par deux émissaires de Polyphonte, il a tué l'un d'eux. On l'amène, chargé de fers, devant Mérope, qui veut l'interroger.

MÉROPE, EURYCLES, ÉGISTHE, enchaîné.
ISMÉNIE, Gardes.

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ÉGISTHE, dans le fond du théâtre, à Isménie.
EST-CE là cette reine auguste et malheureuse,
Celle de qui la gloire, et l'infortune affreuse,
Retentit jusqu'à moi dans le fond des déserts ?

ISMÉNIE.

Rassurez-vous, c'est elle.

(Elle sort.)

ÉGISTHE.

O Dieu de l'univers !

Dieu, qui formas ses traits, veille sur ton image!

La vertu sur le trône

est ton plus digne ouvrage.
MÉROPE.

C'est là ce meurtrier? Se peut-il qu'un mortel
Sous des dehors si doux ait un cœur si cruel?

Approche, malheureux, et dissipe tes craintes.
Réponds-moi de quel sang tes mains sont-elles teintes?

:

ÉGISTHE.

O reine! pardonnez. Le trouble, le respect,

Glacent ma triste voix, tremblante, à votre aspect.
(à Euryclès.)

Mon âme, en sa présence, étonnée, attendrie . .

MÉROPE.

Parle. De qui ton bras a-t-il tranché la vie?

...

ÉGISTHE.

D'un jeune audacieux, que les arrêts du sort
Et ses propres fureurs ont conduit à la mort.

MÉROPE.

D'un jeune homme! Mon sang s'est glacé dans mes veines. Ah! ... T'était-il connu?

ÉGISTHE.

Non les champs de Messène,

Ses murs, leurs citoyens, tout est nouveau pour moi.

MÉROPE.

Quoi! ce jeune inconnu s'est armé contre toi?
Tu n'aurais employé qu'une juste défense?

ÉGISTHE.

J'en atteste le ciel: il sait mon innocence.

Aux bords de la Pamise, en un temple sacré,
Où l'un de vos aïeux, Hercule, est adoré,
J'osais prier pour vous ce dieu vengeur des crimes;
Je ne pouvais offrir ni présents ni victimes;
Né dans la pauvreté, j'offrais de simples vœux,
Un cœur pur et soumis, présent des malheureux.
Il semblait que le dieu, touché de mon hommage,
Au-dessus de moi-même élevât mon courage.
Deux inconnus armés m'ont abordé soudain,

L'un dans la fleur des ans, l'autre vers son déclin.
Quel est donc, m'ont-ils dit, le dessein qui te guide?
Et quels vœux formes-tu pour la race d'Alcide?
L'un et l'autre, à ces mots, ont levé le poignard;
Le ciel m'a secouru dans ce triste hasard.
Cette main du plus jeune a puni la furie;
Percé de coups, madame, il est tombé sans vie :
L'autre a fui làchement, tel qu'un vil assassin ;
Et moi, je l'avoûrai, de mon sort incertain,
Ignorant de quel sang j'avais rougi la terre,
Craignant d'être puni d'un meurtre involontaire,
J'ai traîné dans les flots ce corps ensanglanté.
Je fuyais; vos soldats m'ont bientôt arrêté :
Ils ont nommé Mérope, et j'ai rendu les armes.
EURY CLES.

Eh! madame, d'où vient que vous versez des larmes?

MÉROPE.

Te le dirai-je? Hélas! tandis qu'il m'a parlé,

Sa voix m'attendrissait, tout mon cœur s'est troublé.
Cresphonte, ô ciel!... j'ai cru... Que j'en rougis de honte !
Oui, j'ai cru démêler quelques traits de Cresphonte.
Jeux cruels du hasard, en qui me montrez-vous
Une si fausse image et des rapports si doux ?
Affreux ressouvenir, quel vain songe m'abuse?
EURYCLES.

Rejetez donc, madame, un soupçon qui l'accuse:
Il n'a rien d'un barbare, et rien d'un imposteur.

MEROPE.

Les dieux ont sur son front imprimé la candeur.
Demeurez; en quel lieu le ciel vous fit-il naltre?

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Qu'entends-je ? en Élide! Ah! peut-être...
L'Élide... répondez... Narbas vous est connu?
Le nom d'Égisthe au moins jusqu'à vous est venu?
Quel était votre état, votre rang, votre père?

ÉGISTHE.

-Mon père est un vieillard accablé de misère ;
Polyclète est son nom; mais Égisthe, Narbas,
Ceux dont vous me parlez, je ne les connais pas.
MÉROPE.

O dieux! vous vous jouez d'une triste mortelle !
J'avais de quelque espoir une faible étincelle :
J'entrevoyais le jour, et mes yeux affligés
Dans la profonde nuit sont déjà replongés.
Et quel rang vos parents tiennent-ils dans la Grèce?

ÉGISTHE.

Si la vertu suffit pour faire la noblesse,

Ceux dont je tiens le jour, Polyclète, Sirris,
Ne sont point des mortels dignes de vos mépris:
Leur sort les avilit; mais leur sage constance
Fait respecter en eux l'honorable indigence.
Sous ses rustiques toits mon père vertueux

Fait le bien, suit les lois, et ne craint que les dieux.

MÉROPE.

Chaque mot qu'il me dit est plein de nouveaux charmes :
Pourquoi donc le quitter, pourquoi causer ses larmes?
Sans doute il est affreux d'être privé d'un fils.

ÉGISTHE.

Un vain désir de gloire a séduit mes esprits.
On me parlait souvent des troubles de Messène,
Des malheurs dont le ciel avait frappé la reine,
Surtout de ses vertus, dignes d'un autre prix:
Je me sentais ému par ces tristes récits.
De l'Élide en secret dédaignant la mollesse,
J'ai voulu dans la guerre exercer ma jeunesse,
Servir sous vos drapeaux, et vous offrir mon bras ;
Voilà le seul dessein qui conduisit mes pas.
Ce faux instinct de gloire égara mon courage:
A mes parents, flétris sous les rides de l'âge,
J'ai de mes jeunes ans dérobé les secours :
C'est ma première faute, elle a troublé mes jours.
Le ciel m'en a puni: le ciel inexorable

M'a conduit dans le piége, et m'a rendu coupable.

MÉROPE.

Il ne l'est point, j'en crois son ingénuité :
Le mensonge n'a point cette simplicité.
Tendons à sa jeunesse une main bienfaisante ;
C'est un infortuné que le ciel me présente.

Il suffit qu'il soit homme, et qu'il soit malheureux.
Mon fils peut éprouver un sort plus rigoureux.
Il me rappelle Égisthe; Égisthe est de son âge:
Peut-être, comme lui, de rivage en rivage,
Inconnu, fugitif, et partout rebuté,

Il souffre le mépris qui suit la pauvreté.
L'opprobre avilit l'âme, et flétrit le courage.

Pour le sang de nos dieux quel horrible partage.

On fait croire à Mérope que ce jeune homme est le meurtrier de son fils. Dans son désespoir, elle demande la mort de l'inconnu, elle veut elle-même répandre son sang. Mais au moment de le faire, elle apprend que c'est son fils même. Polyphonte, surpris de ce qu'elle l'a épargné, conçoit des soupçons, et, pour les éclaircir, il fait conduire de nouveau Égisthe devant elle, et la presse de se venger.

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