M'as vingt fois en un jour à moi-même opposée ; Que j'ai craint de livrer aux flammes, au pillage. Ou lui fasse en mon sein enfoncer le couteau! Et venger Athalie, Achab, et Jézabel. Joad prononce l'arrêt de cette reine homicide, et lorsque le fer a expié les horreurs de sa vie, le grand-prêtre s'adressant au nouveau roi, lui dit : Par cette fin terrible, et due à ses forfaits, DEUX SCÈNES DE MÉROPE, PAR VOLTAIRE. LES tragédies de Voltaire se distinguent par un pathétique entraînant, une diction brillante et une philosophie qui intéresse l'âme. Sa composition est bien moins régulière, son style bien moins pur que celui de Racine; il n'est 4) « Le moyen que le grand-prêtre, selon le poëte, emploie pour s'emparer d'Athalie, n'est pas contraire à la vérité historique en ce sens qu'il n'y ait pas chez des hommes saints de l'Ancien Testament des exemples de mensonges semblables à celui de Joad; mais il nous semble qu'il aurait dû répugner à la délicatesse d'un écrivain si pur d'amener le dénouement d'une crise sublime par une ruse. La conduite de Joad, dans le récit de l'écriture, est plus noble: il proclame Joas dans le temple, et quand Athalie accourt et veut s'opposer à lui, il la fait saisir et mettre à mort. La loi de Dieu lui en donnait le droit, parce qu'elle était idolâtre.». Observation de M. Monod dans la Biblioth. littér, nationale. point sublime comme Corneille; mais il est plus intéressant que tous les deux, plus vaste et plus fécond. Oedipe, Brutus, Zaïre, la Mort de César, Mérope surtout, le mettent au rang de ces poëtes qui, à travers toutes les révolutions du goût et de la littérature, conserveront une grande puissance sur les âmes. Cresphonte, roi de Messène, a été assassiné par Polyphonte, un de ses officiers, dans une émeute secrètement excitée par ce dernier. Ses enfants ont péri, à l'exception d'Égisthe, emporté loin du carnage par un serviteur fidèle, qui l'a emmené en Élide, et l'a caché quinze ans dans une retraite profonde, sans lui révéler sa naissance. Polyphonte s'est emparé du pouvoir, et, pour consacrer son usurpation, il demande la main de Mérope, veuve de Cresphonte. C'est alors qu'Égisthe, qui s'est échappé de sa retraite, arrive à Messène, mais captif, et accusé d'un crime. Attaqué en chemin par deux émissaires de Polyphonte, il a tué l'un d'eux. On l'amène, chargé de fers, devant Mérope, qui veut l'interroger. MÉROPE, EURYCLES, ÉGISTHE, enchaîné. ÉGISTHE, dans le fond du théâtre, à Isménie. ISMÉNIE. Rassurez-vous, c'est elle. (Elle sort.) ÉGISTHE. O Dieu de l'univers ! Dieu, qui formas ses traits, veille sur ton image! La vertu sur le trône est ton plus digne ouvrage. C'est là ce meurtrier? Se peut-il qu'un mortel Approche, malheureux, et dissipe tes craintes. : ÉGISTHE. O reine! pardonnez. Le trouble, le respect, Glacent ma triste voix, tremblante, à votre aspect. Mon âme, en sa présence, étonnée, attendrie . . MÉROPE. Parle. De qui ton bras a-t-il tranché la vie? ... ÉGISTHE. D'un jeune audacieux, que les arrêts du sort MÉROPE. D'un jeune homme! Mon sang s'est glacé dans mes veines. Ah! ... T'était-il connu? ÉGISTHE. Non les champs de Messène, Ses murs, leurs citoyens, tout est nouveau pour moi. MÉROPE. Quoi! ce jeune inconnu s'est armé contre toi? ÉGISTHE. J'en atteste le ciel: il sait mon innocence. Aux bords de la Pamise, en un temple sacré, L'un dans la fleur des ans, l'autre vers son déclin. Eh! madame, d'où vient que vous versez des larmes? MÉROPE. Te le dirai-je? Hélas! tandis qu'il m'a parlé, Sa voix m'attendrissait, tout mon cœur s'est troublé. Rejetez donc, madame, un soupçon qui l'accuse: MEROPE. Les dieux ont sur son front imprimé la candeur. Qu'entends-je ? en Élide! Ah! peut-être... ÉGISTHE. -Mon père est un vieillard accablé de misère ; O dieux! vous vous jouez d'une triste mortelle ! ÉGISTHE. Si la vertu suffit pour faire la noblesse, Ceux dont je tiens le jour, Polyclète, Sirris, Fait le bien, suit les lois, et ne craint que les dieux. MÉROPE. Chaque mot qu'il me dit est plein de nouveaux charmes : ÉGISTHE. Un vain désir de gloire a séduit mes esprits. M'a conduit dans le piége, et m'a rendu coupable. MÉROPE. Il ne l'est point, j'en crois son ingénuité : Il suffit qu'il soit homme, et qu'il soit malheureux. Il souffre le mépris qui suit la pauvreté. Pour le sang de nos dieux quel horrible partage. On fait croire à Mérope que ce jeune homme est le meurtrier de son fils. Dans son désespoir, elle demande la mort de l'inconnu, elle veut elle-même répandre son sang. Mais au moment de le faire, elle apprend que c'est son fils même. Polyphonte, surpris de ce qu'elle l'a épargné, conçoit des soupçons, et, pour les éclaircir, il fait conduire de nouveau Égisthe devant elle, et la presse de se venger. |