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moderne: vox populi, vox Dei, « la voix du peuple est la voix de Dieu. >> Cette maxime se manifeste partout, mais on la trouve ainsi formulée à la fin du chapitre Kao-yao-mo, S7 (p. 56 des Livres sacrés de l'Orient).

« Ce

le Ciel voit et entend n'est que ce que le peuque >>ple voit et entend. Ce que le peuple juge digne de récom>> pense et de punition est ce que le Ciel veut punir et >> récompenser. Il y a une communication intime entre le >> Ciel et le peuple; que ceux qui gouvernent les peuples >> soient donc attentifs et réservés.» On la trouve aussi formulée de cette manière dans le Ta-hio ou la Grande Etude, ch. x, S5 (pages 25-26 du présent volume) : << Obtiens l'affection du peuple, et tu obtiendras l'em>> pire ;

>> Perds l'affection du peuple, et tu perdras l'empire. » On ferait plusieurs volumes si l'on voulait recueillir tous les axiomes semblables qui sont exprimés dans les livres chinois, depuis les plus anciens jusqu'aux plus modernes ; et, nous devons le dire, on ne trouverait pas dans tous les écrivains politiques et moraux de la Chine, bien plus nombreux que partout ailleurs, un seul apôtre de la tyrannie et de l'oppression, un seul écrivain qui ait eu l'audace, pour ne pas dire l'impiété, de nier les droits de tous aux dons de Dieu, c'est-à-dire aux avantages qui résultent de la réunion de l'homme en société, et de les revendiquer au profit d'un seul ou d'un petit nombre. Le pouvoir le plus absolu que les écrivains politiques et les moralistes chinois aient reconnu aux chefs du gouvernement n'a jamais été qu'un pouvoir délégué par le Ciel ou la Raison suprême absolue, ne pouvant s'exercer que dans l'intérêt de tous, pour le bien de tous, et jamais dans l'intérêt d'un seul et pour le bien d'un seul. Des limites morales infranchissa

a.

bles sont posées à ce pouvoir absolu; et s'il lui arrivait de les dépasser, d'enfreindre ces lois morales, d'abuser de son mandat, alors, comme l'a dit un célèbre philosophe chinois du douzième siècle de notre ère, TCHOU-HI, dans son Commentaire sur le premier des Quatre Livres classiques de la Chine (voyez page 25), enseigné dans toutes les écoles et les colléges de l'empire, le peuple serait dégagé de tout respect et de toute obéissance envers ce même pouvoir, qui serait détruit immédiatement, pour faire place à un autre pouvoir légitime, c'est-à-dire s'exerçant uniquement dans les intérêts de tous.

Ces doctrines sont enseignées dans le Chou-king ou le Livre sacré par excellence des Chinois, ainsi que dans les Quatre Livres classiques du grand philosophe KHOUNGTSEU et de ses disciples, dont nous donnons dans ce volume une traduction complète et aussi littérale que possible. Ces livres, révérés à l'égal des livres les plus révérés dans d'autres parties du monde, et qui ont reçu la sanction de générations et de populations immenses, forment la base du droit public; ils ont été expliqués et commentés par les philosophes et les moralistes les plus célèbres, et ils sont continuellement dans les mains de tous ceux qui, tout en voulant orner leur intelligence, désirent encore posséder la connaissance de ces grandes vérités morales qui font seules la prospérité et la félicité des sociétés humaines.

KHOUNG-FOU-TSEU [que les missionnaires européens, en le faisant connaître et admirer à l'Europe, nommèrent Confucius, en latinisant son nom], fut, non pas le premier, mais le plus grand législateur de la Chine. C'est lui qui recueillit et mit en ordre, dans la seconde moitié du sixième siècle avant notre ère, tous les documens religieux, philosophiques, politiques et moraux qui existaient de son

temps, et en forma un corps de doctrines, sous le titre de Y-king, ou Livre sacré des permutations; Chou-king, ou Livre sacré par excellence; Chi-king, ou Livre des Vers, Li-ki, ou Livre des Rites. Les Sse-chou, ou Quatre Livres classiques, sont ses dits et ses maximes recueillis par ses disciples. Si l'on peut juger de la valeur d'un homme et de la puissance de ses doctrines par l'influence qu'elles ont exercée sur les populations, on peut, avec les Chinois, appeler KHOUNG-TSEU le plus grand Instituteur du genre humain que les siècles aient jamais produit!

En effet, il suffit de lire les ouvrages de ce philosophe, composés par lui ou recueillis par ses disciples, pour être de l'avis des Chinois. Jamais la raison humaine n'a été plus dignement représentée. On est vraiment étonné de retrouver dans les écrits de KHOUNG-TSEU l'expression d'une si haute et si vertueuse intelligence, en même temps que celle d'une civilisation aussi avancée. C'est surtout dans le Lûn-yù ou les Entretiens philosophiques que se manifeste la belle âme de KнOUNG-TSEU. Où trouver, en effet, des maximes plus belles, des idées plus nobles et plus élevées que dans les livres dont nous publions la traduction? On ne doit pas être surpris si les missionnaires européens, qui les premiers firent connaître ces écrits à l'Europe, concurent pour leur auteur un enthousiasme égal à celui des Chinois.

Ses doctrines étaient simples et fondées sur la nature de l'homme. Aussi disait-il à ses disciples : « Ma doctrine est simple et facile à pénétrer1. » Sur quoi l'un d'eux ajoutait «La doctrine de notre maître consiste uniquement » à posséder la droiture du cœur et à aimer son prochain >> comme soi-même 2. >>

Lun-yu, chap. IV, § 15. . Id., § 16.

Cette doctrine, il ne la donnait pas comme nouvelle, mais comme un dépôt traditionnel des sages de l'antiquité, qu'il s'était imposé la mission de transmettre à la postérité1. Cette mission, il l'acomplit avec courage, avec dignité, avec persévérance, mais non sans éprouver de profonds découragemens et de mortelles tristesses. Il faut donc que partout ceux qui se dévouent au bonheur de l'humanité s'attendent à boire le calice d'amertume, le plus souvent jusqu'à la lie, comme s'ils devaient expier par toutes les souffrances humaines les dons supérieurs dont leur âme avait été douée pour accomplir leur mission divine!

Cette mission d'Instituteur du genre humain, le philosophe chinois l'accomplit, disons-nous, dans toute son étendue, et bien autrement qu'aucun philosophe de l'antiquité classique. Sa philosophie ne consistait pas en spéculations plus su moins vaines, mais c'était une philosophie surtout pratique, qui s'étendait à toutes les conditions de la vie, à tous les rapports de l'existence sociale. Le grand but de cette philosophie, le but pour ainsi dire unique était l'amélioration constante de soi-même et des autres hommes; de soi-même d'abord, ensuite des autres. L'amélioration ou le perfectionnement de soi-même est d'une nécessité absolue pour arriver à l'amélioration et au perfec-. tionnement des autres. Plus la personne est en évidence, plus elle occupe un rang élevé, plus ses devoirs d'amélioration de soi-même sont grands; aussi KHOUNG-TSEU considérait-il le gouvernement des hommes comme la plus haute et la plus importante mission qui puisse être conférée à un mortel, comme un véritable mandat céleste.

Lun-yu, chap. VII, § 1, 19.

L'étude du cœur humain ainsi que l'histoire lui avaient appris que le pouvoir pervertissait les hommes quand ils ne savaient pas se défendre de ses prestiges, que ses tendances permanentes étaient d'abuser de sa force et d'arriver à l'oppression. C'est ce qui donne aux écrits du philosophe chinois, comme à tous ceux de sa grande école, un caractère si éminemment politique et moral. La vie de KHOUNG-TSEU se consume en cherchant à donner des enseignemens aux princes de son temps, à leur faire connaître leurs devoirs ainsi que la mission dont ils sont chargés pour gouverner les peuples et les rendre heureux. On le voit constamment plus occupé de prémunir les peuples contre les passions et la tyrannie des rois que les rois contre les passions et la turbulence des peuples; non pas qu'il regardât les derniers comme ayant moins besoin de connaître leurs devoirs et de les remplir, mais parce qu'il considérait les rois comme seuls responsables du bien et du mal qui arrivaient dans l'empire, de la prospérité ou de la misère des populations qui leur étaient confiées. Il attachait à l'exercice de la souveraineté des devoirs si étendus et si obligatoires une influence si vaste et si puissante, qu'il ne croyait pas pouvoir trop éclairer ceux qui en étaient revêtus des devoirs qu'ils avaient à remplir pour accomplir convenablement leur mandat. C'est ce qui lui faisait dire : << Gouverner son pays avec la vertu et la capacité néces>> saires, c'est ressembler à l'étoile polaire, qui demeure im>> mobile à sa place, tandis que toutes les autres étoiles cir>> culent autour d'elle et la prennent pour guide 1. »

Il avait une foi si vive dans l'efficacité des doctrines qu'il enseignait aux princes de son temps, qu'il disait :

* Lun-yu, chap. II, § 1.

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