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APRÈS avoir exposé les principes qui servent de fondement à la loi, considérons cette loi même sous son aspect le plus général, et faisons connaître, premièrement, ses conditions intimes; secondement, le mécanisme au moyen duquel une proposition ou une série de propositions qui prescrivent de faire ou de ne pas faire certains actes, acquièrent le caractère de loi; troisièmement enfin, la nature de l'influence que cette loi formée avec régularité doit exercer sur l'association publique. Ainsi, avant de porter toute son attention sur les nombreux détails d'un monument, l'observateur s'efforce d'en saisir l'ensemble et de s'élever aux principales pensées qui en ont dirigé l'exécution: et certes, il est inutile de répéter que je suis loin d'avoir cru un seul mo

ment que l'auteur du Pentateuque soit passé d'une idée à l'autre dans l'ordre que j'adopte moi-même. Personne n'ignore que toute œuvre de génie et d'inspiration, dans quelque genre que ce soit, renferme des règles certaines auxquelles n'avait pas songé l'homme qui les a con

cues.

Qu'on écrive tous les rapports publics et privés qui unissent les membres d'un peuple quelconque et tous les principes sur lesquels ces rapports sont fondés, il en résultera un ensemble complet, un véritable système plus ou moins raisonnable, qui sera l'expression exacte de la manière d'exister de ce peuple. Or, cet ensemble ou ce système est ce que les Hébreux appellent la tora, la loi ou la constitution publique, en prenant ce mot dans le sens le plus étendu *.

Cette loi sera donc composée de plusieurs séries de propositions distinctes. Les unes établis

* Le mot hébreu tora dérive, d'après les uns, de la racine iarah, qui signifie, il a mis sous les yeux, il a proposé, il a enseigné d'où tora, ce qui propose, ce qui enseigne au peuple les conditions de son existence et de son bonheur. D'autres le font dériver de la racine thour, il a recherché avec soin, exploré, scruté; d'où le substantif tor, qui veut dire disposition, forme, condition d'une chose; d'où tora, condition, forme, disposition, constitution du peuple. ( Voy. le Lexiq. de Sanctès Pagninus aux mots iarah et thour.)

T. I.

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sent les rapports généraux des citoyens. Les autres, qui sont les lois proprement dites, ordonnent ou défendent certaines choses, en menaçant les réfractaires des peines que la nation inflige ou fait infliger pour la sûreté de tous ses membres; celles-ci prescrivent de simples mesures réglementaires; celles-là enfin, sous le nom de préceptes, tracent des devoirs à remplir, sans autre menace pour celui qui les enfreint, ou pour le peuple chez qui ces infractions se multiplient, la menace morale des maux qui, dans l'ordre des choses, accompagnent toujours l'outrage à la suprême raison *. Mais toutes ces propositions doivent découler d'un même principe, toutes se soutenir les unes les autres, et tendre vers le même but; d'où s'ensuit la première condition de la loi qui est son unité, correspondant à l'unité de la personne publique.

que

Comment concevoir, en effet, que la vérité et le bien puissent se rencontrer là où il existe des

*Le mot mischpat, au pluriel mischpatim, de la racine chapat, il a jugé, signifie plus particulièrement les droits, les lois, les jugemens et toutes les déterminations raisonnées d'intérêt public. Le mot choukim signifie statuts, réglemens, et dérive de la racine chakak, il a décrit, dépeint, établi. Enfin le mot mitzva, au pluriel mitzvot, dérivé de la racine tsiva, il a recommandé, prescrit, commandé, veut dire précepte; mais ces diverses expressions s'emploient très-souvent les unes pour les autres.

contradictions infinies entre les vœux de la politique, ceux de la nature, de la religion admise, de la morale et même de l'hygiène? L'homme est-il double, triple ou quadruple, pour qu'on le tire en sens opposés? Non, l'homme est un; sa destinée est une. Dans l'ordre universel et divin, il doit se développer régulièrement ce qui constitue sa liberté; dans l'intérêt de la personne publique, il doit se développer aussi et jouir de sa liberté; enfin, son intérêt propre appelle cette liberté même qui n'exige en conséquence qu'une seule loi harmonique dans toutes ses parties.

Qu'on se garde donc d'accuser le législateur d'avoir mal à propos confondu la politique avec la religion! Sans doute, comme tant d'hommes éloquens l'ont si bien prouvé, là où un monde appelé spirituel est mis en regard du monde temporel, elles doivent être séparées avec soin; sans quoi il en résulterait ce mal, qu'en excitant

* Il est très-nécessaire de bien distinguer le monde intellectuel du monde spirituel, d'autant que cela nous servira à déterminer la différence qui existe entre les Hébreux et les Chrétiens, dans leur manière d'expliquer les prophètes. Le monde intellectuel est l'ordre de choses à venir dans lequel le développement des lois éternelles procurera à l'homme la plus grande somme de bonheur qu'il est appelé à goûter sur la terre. Dans le monde spirituel, ni la terre, ni l'humanité, ni l'univers ne sont plus comptés pour rien.

le vulgaire à s'occuper du bonheur qui l'attend dans le monde inconnu, on pourrait le frustrer des avantages auxquels il lui est permis de prétendre sur la terre. Mais ceci ne s'applique point au système de Moïse, et tel est le trait qui le distingue le plus profondément peut-être de tous les autres législateurs. Pour rester fidèle à Jéhovah, pour lui plaire, il suffit de faire ce qui est humainement juste et droit, et tout ce que le besoin national réclame impérieusement. Alors on obtient en récompense l'indépendance, la force et l'abondance publiques, la paix de l'État, celle des familles, une nombreuse postérité, une longue vie sur la terre, et rien de plus. Tous les prodiges n'eurent d'autre but, comme il le déclare lui-même, que de frapper des hommes d'une tête dure, d'un caractère roide, et de leur servir de témoignage pour consolider la loi dont nous venons d'indiquer la fin: toutes les cérémonies, de préserver cette loi des influences dangereuses du présent et de l'avenir. M. l'abbé de La Mennais a donc eu raison de confirmer en ces termes ce point de fait important: «Jamais l'Écriture ne parle de la religion juive. Les Pères, dont le langage est si exact, ne se servent pas non plus de ce mot, on s'en servent peu; ils disent: la loi ancienne, la loi de Moïse, expression d'une justesse parfaite et à laquelle peut-être on aurait dû tou

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