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Orphée a sur la tête attiré ces malheurs;
Mais il n'a pas au crime égalé le supplice.
Un jour tu poursuivois sa fidelle Eurydice :
Eurydice fuyoit, hélas! et ne vit pas

Un serpent que les fleurs recéloient sous ses pas.
La mort ferma ses yeux : les nymphes ses compagnes
De leurs cris douloureux remplirent les montagnes;
Le Thrace belliqueux lui-même en soupira,
Le Rhodope en gémil, et l'Ebre en murmura.
Son époux s'enfonça dans un désert sauvagė:

Là, seul, touchant sa lyre, et charmant son veuvage,
Tendre épouse! c'est toi qu'appeloit son amour,
Toi qu'il pleuroit la nuit, toi qu'il pleuroit le jour.
C'est peu malgré l'horreur de ses profondes voûtes,
Il franchit de l'enfer les formidables routes;

:

Et perçant ces forêts où règne un morne effroi,
Il aborda des morts l'impitoyable roi,

Et la Parque inflexible, et les pâles Furies

Que les pleurs des humains n'ont jamais attendries:
Il chantoit ; et ravis jusqu'au fond des enfers,
Au bruit harmonieux de ses tendres concerts,
Les légers habitants de ces obscurs royaumes,
Des spectres pâlissants, de livides fantomes,
Accouroient, plus pressés que ces oiseaux nombreux
Qu'un orage soudain ou qu'un soir ténébreux
Rassemble par milliers dans les bocages, sombres;
Des mères, des héros, aujourd'hui vaines ombres,
Des vierges que l'hymen attendoit aux autels,
Des fils mis au bûcher sous les yeux paternels,
Victimes que le Styx, dans ses prisons profondes,

Environne neuf fois des replis de ses ondes,
Et qu'un marais fangeux, bordé de noirs roseaux,
Entoure tristement de ses dormantes eaux.
L'Enfer même s'émut : les fières Euménides
Cessèrent d'irriter leurs couleuvres livides;
Ixion immobile écoutoit ses accords,
L'hydre affreuse oublia d'épouvanter les morts;
Et Cerbère, abaissant ses têtes menaçantes,
Retint sa triple voix dans ses gueules béantes.

Enfin il revenoit triomphant du trépas:
Sans voir sa tendre amante, il précédoit ses pas;
Proserpine, à ce prix, couronnoit sa tendresse :
Soudain ce foible amant, dans un instant d'ivresse,
Suivit imprudemment l'ardeur qui l'entraînoit,
Bien digne de pardon, si l'Enfer pardonnoit.
Presque aux portes du jour, troublé, hors de lui-même,
Il s'arrête, il se tourne,.... il revoit ce qu'il aime!
C'en est fait, un coup-d'œil a détruit son bonheur;
Le barbare Pluton révoque sa faveur,

Et des Enfers, charmés de ressaisir leur proie,
Trois fois le gouffre avare en retentit de joie.
Eurydice s'écrie: O destin rigoureux !

Hélas! quel Dieu cruel nous a perdus tous deux ?
Quelle fureur! voilà qu'au ténébreux abyme
Le barbare Destin rappelle sa victime.
Adieu; déjà je sens dans un nuage épais

Nager mes yeux éteints et fermés pour jamais.
Adieu, mon cher Orphée; Eurydice expirante
En vain te cherche encor de sa main défaillante;

L'horrible mort, jetant son voile autour de moi,
M'entraîne loin du jour, hélas ! et loin de toi.
Elle dit, et soudain dans les airs s'évapore.

Orphée en vain l'appelle, en vain la suit encore,
Il n'embrasse qu'une ombre ; et l'horrible nocher.
De ces bords désormais lui défend d'approcher.
Alors, deux fois privé d'une épouse si chère,
Où porter sa douleur? où traîner sa misère?
Par quels sons, par quels pleurs fléchir le dieu des
morts?
Déjà cette ombre froide arrive aux sombres bords.

Près du Strymon glacé, dans les antres de Thrace,
Durant sept mois entiers il pleura sa disgrâce :
Sa voix adoucissoit les tigres des déserts,
Et les chênes émus s'inclinoient dans les airs.
Telle sur un rameau, durant la nuit obscure,
Philomèle plaintive attendrit la nature,
Accuse en gémissant l'oiseleur inhumain
Qui, glissant dans son nid une furtive main,
Ravit ces tendres fruits que l'amour fit éclore,
Et qu'un léger duvet ne couvroit pas encore.
Pour lui plus de plaisirs, plus d'hymen, plus d'amour.
Seul, parmi les horreurs d'un sauvage séjour,
Dans ces noires forêts du soleil ignorées,
Sur les sommets déserts des monts hyperborées,
Il pleuroit Eurydice, et, plein de ses attraits,
Reprochoit à Pluton ses perfides bienfaits.
En vain mille beautés s'efforçoient de lui plaire,
Il dédaigna leurs feux ; et leur main sanguinaire,

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La nuit, à la faveur des mystères sacrés,
Dispersa dans les champs ses membres déchirés.
L'Ebre roula sa tête encor toute sanglante:
Là, sa langue glacée et sa voix expirante,
Jusqu'au dernier soupir formant un foible son,
D'Eurydice en flottant murmuroit le doux nom.
Eurydice! ô douleur! Touchés de son supplice,
Les échos répétoient Eurydice! Eurydice!
Le devin dans la mer se replonge à ces mots,
Et du gouffre écumant fait tournoyer les flots.
Cyrène de son fils vient calmer les alarmes :
Cher enfant, lui dit-elle, essuie enfin tes larmes;
Tu connois tón destin. Eurydice autrefois
Accompagnoit les choeurs des nymphes de ces bois :
Elles vengent sa mort; toi, flécbis leur colère :
On désarme aisément leur rigueur passagère.
'Sur le riant Lycée on paissent tes troupeaux,
Va choisir à l'instant quatre jeunes taureaux;
Choisis un nombre égal de génisses superbes
Qui des prés émaillés foulent en paix les herbes :
Pour les sacrifier élève quatre autels,

Et, les faisant tomber sous les couteaux mortels,
Laisse leurs corps sanglants dans la forêt profonde.
Quand la neuvième aurore éclairera le monde,
Au déplorable époux dont tu causas les maux
Offre une brebis noire et la fleur des pavots:
Enfin, pour satisfaire aux manes d'Eurydice,
De retour dans les bois, immole une génisse.
Elle dit: Le berger dans ses nombreux troupeaux
Va choisir à l'instant quatre jeunes taureaux;

Immole un nombre égal de génisses superbes
Qui des prés émaillés fouloient en paix les herbes;
Pour la neuvième fois quand l'aurore parut,
Au malheureux Orphée il offrit son tribut,
Et rentra plein d'espoir dans la forêt profonde.
O prodige ! le sang par sa chaleur féconde

Dans le flanc des taureaux forme un nombreux essaim;
Des peuples bourdonnants s'échappent de leur sein,
Comme un nuage épais dans les airs se répandent,
Et sur l'arbre voisin en grappes se suspendent.

LE RUISSEAU,

Idylle de madame DESHOULIÈRES.

RUISSEAU, nous paroissons avoir un même sort;
D'un cours précipité nous allons l'un et l'autre,
Vous à la mer, nous à la mort.

Mais, hélas ! que d'ailleurs je vois peu de rapport
Entre voire course et la nôtre !

Vous vous abandonnez, sans remords, sans terreur,
A votre pente naturelle;

Point de loi parmi vous ne la reud criminelle.
La vieillesse chez vous n'a rien qui fasse horreur.
Près de la fin de votre course,

Vous êtes plus fort et plus beau

Que vous n'êtes à votre source.

Vous retrouvez toujours quelque agrément nouveaų.
Si de ces paisibles bocages

La fraîcheur de vos eaux augmente les appas,

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