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Harvard College Library

NOV 20 19 1
Gift of
Prof. A. C. Coolidge

BRIZEUX ET MISTRAL

MARIE ET MIREILLE

MESDAMES ET MESSIEURS,

Ce n'est point une étude générale sur les œuvres de Brizeux et de Mistral, que je me propose de faire aujourd'hui. Mon but est plus modeste : je voudrais simplement rechercher avec vous quelle est l'originalité propre de ces poètes, en m'en tenant à l'analyse des deux ouvrages où ils ont mis toute leur âme et tout leur génie, Marie et Mireille.

Si j'ai choisi de préférence un tel sujet, à l'heure où vous songez à fêter dignement votre poète, c'est qu'il me fournit l'occasion de parler de deux provinces qui nous sont également chères et que ces deux écrivains caractérisent fidèlement, la Bretagne et la Provence.

A ne consulter que la géographie, la Provence et la Bretagne, situées aux deux extrémités de la France, s'offrent à nous, au premier abord, comme deux provinces que tout sépare. Quelles différences de sol, de mœurs, de ciel et de climat! Quelle différence entre la mer qui vient battre vos côtes : « la mer aux flots géants » et la Méditerranée que nos chantres appellent « la mer aux flots d'azur ! » Ces différences sont réelles; et cependant, si nous considérons, non plus la géographie, mais l'histoire, la Provence et la Bretagne nous paraissent unies par les liens les plus étroits, animées d'un même esprit, comme deux provinces sœurs

qui auraient mêmes aspirations et mêmes destinées. C'est que Toulon et Marseille, comme Brest et Lorient, sont une pépinière de hardis matelots qui, à toutes les époques de notre histoire, ont confondu leur bravoure et qui, chaque jour, vont porter au loin le nom et les couleurs de la patrie.

C'est, en outre, que la Bretagne et la Provence sont peutêtre les deux pays qui, en dépit de la fusion des races et des idées, ont conservé le plus intact leur caractère local. Si nous voulons connaître la vieille Bretagne, la Bretagne historique, au cœur fort et aux croyances solides, nous n'avons qu'à marcher quelques heures et, dans les campagnes voisines, nous verrons ses vieux costumes, ses calvaires, ses autels, et nous pourrons ressusciter par l'imagination cette glorieuse légende qu'on appelle la vieille Armorique. En Provence, nous avons aussi nos costumes, nos vieux temples, nos arènes, qui nous redisent la magnificence de la civilisation romaine et tout notre poétique passé. Vous avez conservé vos binious, nous avons gardé nos fifres et nos tambourins; vos paysans bretons dansent encore la bourrée, nos Provençaux leurs farandoles.

C'est cet amour de la mer, cet attachement aux vieilles mœurs, ce culte du passé, qui ont inspiré les deux poètes dont nous sommes justement fiers; vous avez Brizeux, nous avons Mistral. J'ajouterai que la communauté de sentiments et d'inspiration est si profonde que Brizeux n'a pas de plus sincères admirateurs que les Provençaux, Mistral, que les Bretons lorsque, sur les bords de la Méditerranée, on a la bonne fortune d'entendre un chant de vos pays apporté par quelque marin fidèle, on l'écoute attendri, comme l'écho d'une terre aimée. Voulez-vous une preuve plus touchante de cette sympathie ? Lisez les pages émues dans lesquelles St-René Taillandier raconte les funérailles de Brizeux à Montpellier, et voyez défiler l'élite de la ville qui va déposer ses hommages sur la tombe provisoire de votre poète.

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