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CHAPITRE II.

EXPLICATION. J'entends parler d'une réunion qui se fasse sans blesser la conscience, la réputation et les principes, ou la doctrine et les présuppositions de chacune des deux Eglises; en sorte que la vérité s'accorde avec la paix, conformément à cette parole de l'Ecriture: Cherchez la paix et la vérité 1. On doit donc, dans cet accord, laisser un chacun suivre le mouvement de sa conscience, sans contraindre personne à appeler la lumière ténèbres, ni les ténèbres lumière 2; mais avoir égard à la vérité dans toutes choses, et éloigner en toute manière ce qu'on croit être une erreur. Or, cette profession de la vérité, et cette reconnoissance de l'erreur, se doivent faire de telle sorte, selon les règles de la prudence et la pratique des apôtres, qu'il n'en arrive aucun scandale, ni rien d'où s'ensuive le mépris de la religion, ou qui porte préjudice ou à la réputation ou à l'autorité des prélats et des docteurs de l'Eglise ; ce qui arriveroit, si l'un ou l'autre parti étoit obligé de révoquer ces prétendues erreurs, ou d'admettre dans cette méthode de réunion quelque chose qui soit contraire à ses présuppositions; et il ne faut pas seulement penser à cette pédantesque prétention de rétractation de prétendues erreurs, ni exiger, comme convenu, ce qui est nié par l'une des parties: tout devant se faire au contraire par voie d'explication, d'éclaircissement, d'adoucissement modéré; ou si cela ne se peut, ou universellement ou en partie, il faudra du moins suspendre de côté et d'autre les décisions, les condamnations mutuelles et les invectives, et tout renvoyer à un légitime concile; d'où il s'ensuit qu'il sera utile, et en quelque sorte permis d'user de tolérance et de condescendance dans les erreurs qui ne renverseront point les fondements de la foi, si l'on ne peut les ôter facilement et sans bruit ; ce qui est aussi conforme à l'esprit des apôtres, qui, encore qu'ils sussent bien que la doctrine des Juifs nouvellement convertis au christianisme, touchant l'obligation de s'abstenir du sang et des choses suffoquées, étoit erronée, néanmoins, comme ils prévoyoient que les Juifs ne fléchiroient jamais sur ce point, non-seulement ne voulurent pas expressément déclarer cette erreur; mais obligèrent encore les Gentils, par une loi portée dans le concile de Jérusalem à se conformer aux Juifs, pour garder autant qu'on pourroit l'uniformité.

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Il ne faut pas non plus exiger des parties, 'Zach., viii. 19. - Is., v. 20.- 3 Act., XV.

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PREMIÈRE DEMANDE. Que le Pape reconnoisse pour membres de la vraie Eglise les protestants, qui se trouveront disposés à se soumettre à la hiérarchie ecclésiastique, et à un concile légitime, sous les conditions qu'on exposera cidessous; encore qu'ils soient persuadés que la communion doit toujours, et à perpétuité, être célébrée par les leurs sous les deux espèces.

La raison de cette demande est premièrement, que les protestants sont invinciblement persuadés qu'ils ne peuvent communier autrement en bonne conscience: la seconde, que, nonobstant cette opinion des protestants, le Pape les peut recevoir à sa communion, sans blesser les sentiments et les présuppositions de son Eglise.

Que les protestants soient invinciblement persuadés qu'ils ne peuvent en conscience communier autrement que sous les deux espèces, cela paroit en ce que c'est une vérité constante, qu'encore que Jésus-Christ n'ait pas absolument commandé de communier, néanmoins, supposé que l'on communie, il veut que l'on communie de cette sorte, parce qu'il veut que l'on reçoive la communion ainsi qu'il l'a instituée or il l'a instituée sous les deux espèces; il veut donc, si l'on communie, qu'on le fasse sous les deux espèces. Et de même que tout le monde n'est pas obligé de se marier; mais, supposé que l'on contracte un mariage, on est obligé de le faire selon que Dieu l'a institué1: ainsi, quoique Jésus-Christ n'ait pas expressément commandé de communier, néanmoins, si l'on communie, on est obligé de le faire conformément à l'institution qu'il a faite de ce mystère.

Gen., 11. 24; Matth., XIX. 4, 5.

Il y a plusieurs exemples semblables. On n'est pas obligé de faire un testament; mais supposé qu'on en fasse un, il le faut faire avec les solennités que la loi prescrit: on n'est pas obligé de prier toujours et à chaque moment; mais supposé qu'on le fasse, il le faut faire avec l'attention requise. Ainsi, sans se tenir obligés à la communion par un commandement exprès et formel, les protestants ont raison, supposé qu'ils communient, de croire qu'on ne le peut faire qu'aux termes de l'institution; et ils ne peuvent agir autrement sans renverser leurs principes et blesser leur conscience.

Mais il n'en est pas ainsi du Pape. Car le concile de Trente, dans la session xxi, ayant remis en son pouvoir d'accorder la communion sous les deux espèces, sans avoir besoin même d'un concile, il est clair qu'il ne fait rien contre ses principes et contre les présuppositions de son Eglise en l'accordant. C'est donc avec raison qu'on lui demande de le faire; d'autant plus que la religion catholique en doit recevoir un grand avantage, et qu'on ne lui demande rien en cela, que ce qui a déjà été accordé autrefois aux Bohémiens en cas pareil.

CHAPITRE IV.

SECONDE DEMANDE. Que le Pape ne presse pas les protestants à recevoir les messes qu'on nomme privées ou particulières, et sans communiants.

Ce n'est pas que les protestants tiennent ces messes pour absolument illicites; puisque même il est reçu parmi eux que les pasteurs, dans le cas de nécessité, et quand il n'y a point d'assistants, se communient eux-mêmes.

Ils ne prétendent pas non plus, après l'union préliminaire, empêcher les leurs d'assister à de telles messes célébrées par les catholiques. Ainsi, ce qui les oblige à faire cette demande, c'est premièrement, que, hors les cas de nécessité, il faut célébrer l'eucharistie comme Jésus-Christ l'a instituée, et qu'elle est décrite dans l'Evangile; en sorte qu'outre le prêtre, il y ait encore quelqu'un à qui on la donne. Secondement, à cause que les messes privées attirent beaucoup d'abus, dont la nation germanique et plusieurs catholiques romains se sont plaints. Troisièmement, à cause qu'il ne reste dans la plupart des églises protestantes aucun vestige des fondations de ces messes, ni de ce qui est nécessaire pour

les célébrer.

CHAPITRE V.

TROISIÈME DEmande.

Que le Pape laisse en son entier aux églises protestantes leur doctrine touchant la justification du pécheur devant Dieu, puisque ces églises enseignent que les adultes, c'est-à-dire ceux qui ont l'âge de discrétion, pour recevoir la rémission de leurs péchés, les doivent connoître, en avoir de la douleur, s'appuyer non sur leurs mérites, mais sur la seule mort et les mérites de Jésus-Christ, pour obtenir le pardon de leurs péchés et le salut éternel, et ensuite ne pécher plus, mais s'appliquer à la sainteté et aux bonnes œuvres ; puisque sans la sainteté personne ne verra Dieu1.

Le reste, c'est à savoir si la justification est, comme le veulent les catholiques, l'infusion de la grâce justifiante, ou, comme le disent les protestants, une simple non-imputation des péchés en vue des mérites de Jésus-Christ, n'étant que dispute de mots, ainsi qu'il a été reconnu d'un côté par les protestants, et surtout par ceux d'Helmstad, et de l'autre par les catholiques, comme par les deux Wallembourg et par le père Denis, capucin, dans son livre intitulé VIA PACIS, la Voie de la paix, cette question se peut terminer par la seule exposition des termes, sans qu'il soit besoin de disputer davantage de part et d'autre.

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cevront les sacrements de la main des ministres protestants après l'union préliminaire, parce que autrement ils seroient toujours dans la crainte; ce qui fait voir que cet article doit être déterminé d'abord, et n'est pas de nature à être renvoyé au concile.

CHAPITRE VIII.

SIXIÈME DEMANDE.

- Que sur la jouissance des biens de l'Eglise, et le droit que les princes, comtes et autres états de l'Empire y ont, ou prétendent y avoir par la transaction de Passau et le traité de paix de Westphalie, le Pape transige avec eux d'une manière qui les rende favorables au saint et salutaire projet de cette réunion. Que le Pape puisse ces choses, et encore de bien plus grandes, les concordats entre l'Eglise romaine et la gallicane le font voir, aussi bien que le sentiment commun des docteurs de Sorbonne, et entre autres de M. Dupin.

Que si le pape daigne accorder ces choses aux protestants, ceux qui seront de notre avis accorderont de leur part ces trois choses à Sa Sainteté.

CHAPITRE IX.

Première chose accordée au Pape.

De le reconnoître pour le premier de tous les évêques, et en ordre et en dignité par le droit ecclésiastique, pour souverain patriarche, et en particulier pour le patriarche d'Occident, et de lui rendre, dans le spirituel, toute l'obéissance qui lui est due.

CHAPITRE X.

Seconde chose accordée au Pape.

De tenir pour frères tous les catholiques romains, nonobstant la communion sous une espèce et les autres articles, jusqu'à la décision. d'un légitime concile.

CHAPITRE XI.

Troisième chose accordée au Pape.

Que les prêtres seront soumis aux évêques; les évêques aux archevêques, et ainsi du reste, selon l'ordre de la hiérarchie de l'Eglise catholique. Je prouve qu'on peut, sans blesser sa conscience, tenir pour frères les catholiques, encore qu'ils ne communient que sous une espèce, et que les protestants croient que les deux sont commandées par Jésus-Christ: premièrement, parce que l'erreur des catholiques sur ce

point paroît jusqu'ici invincible et involontaire, et que les erreurs de cette sorte ne damnent point: secondement, parce qu'en tous cas, quand le Pape ne pourroit pas introduire cette communion en Espagne, en Portugal et en Italie, le précepte de la charité, qui est le plus important et le plus essentiel de tous, du commun accord de tous les chrétiens, doit prévaloir sur le précepte de la communion sous les deux espèces, qui est moins important, par la même règle qui fait que le précepte de tirer son frère d'un péril extrême, qui est plus essentiel, doit prévaloir, le cas arrivant, à celui de l'observation du sabbat ou dimanche, qui est de moindre importance; et la raison de tout cela est ce principe certain que dans le concours de deux préceptes divins, si l'observance de l'un, en un certain cas, est incompatible avec celle de l'autre, il suffit d'observer celui qui est le plus excellent et le plus nécessaire.

CHAPITRE XII.

Manière d'agir.

Quand on sera sincèrement et secrètement d'accord de ces choses, l'empereur sollicitera les électeurs, princes et autres états de l'Empire, tant catholiques que protestants, d'envoyer leurs députés à une assemblée, où l'on conférera de la réunion bien entendu qu'ils n'y enverront que des personnes qui soient d'accord de ce que dessus.

Dans cette assemblée ou dans ce colloque, en présupposant ces demandes préliminaires, on examinera les autres controverses, dont on n'est point du tout, ou dont on n'est pas tout-à-fait d'accord; et il paroîtra qu'elles se réduisent à trois choses ou à trois ordres.

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substance animée, en l'honneur de Dieu et par son commandement auquel sens l'Eglise romaine bien persuadée, aussi bien que la protestante, que Jésus-Christ ne meurt plus et ne répand point de nouveau son sang, ne prétend pas que l'eucharistie soit un sacrifice. Elle veut donc seulement qu'elle soit un sacrifice proprement dit, par opposition aux autres sacrifices, qui sont nommés tels encore plus improprement, comme à celui des lèvres et de la prière, ou à cause que le même sacrifice offert pour nous, et le même sang répandu pour nous à la croix, nous est donné très-réellement dans l'eucharistie, pour y être pris, non-seulement par la foi, mais encore par la bouche du corps; auquel sens les protestants peuvent accorder que l'eucharistie est un sacrifice proprement dit; ce qui nontre, plus clair que le jour, que ce n'est ici qu'une dispute de mots; puisque les parties demeurent d'accord que Jésus-Christ ne meurt pas dans l'eucharistie, que la manière réelle dont il y est présent et mangé en mémoire el avec représentation du sacrifice une fois offert à la croix, et en ce sens irréitérable, peut être appelé un sacrifice proprement ou improprement dit, selon la diverse acception de ces termes. C'est ce que dit expressément Matthieu Gallien, auteur catholique, dans son Catéchisme, Catéch. xIII, pag. 422. J'ajouterai que saint Cyprien et saint Cyrille appellent l'eucharistie a un très-véritable et très-singulier » sacrifice, plein de Dieu, très-vénérable, très» redoutable, très-sacré et très-saint1. » On pourroit peut-être encore accorder que l'eucharistie n'est pas seulement un sacrifice commémoratif, et en ce sens improprement appelé tel, selon la définition des protestants; mais que c'est même une certaine oblation incompréhensible du corps de Jésus-Christ, immolé pour nous à la croix ; et en ce sens un vrai sacrifice, ou si l'on veut, proprement dit d'une certaine manière. Saint Grégoire de Nysse dit expressément, « que Jésus-Christ, à la fois » sacrificateur et victime, s'est offert pour nous » comme une hostie, s'est immolé comme une » victime, lorsqu'il nous a donné sa chair et son » sang; parce que, comme on ne mange point » une victime animée, il falloit que son corps » et son sang, qu'il donnoit à manger et à boire, >> fussent immolés auparavant d'une manière » secrète et invisible. » Et saint Irénée3: « L'o» blation de l'Eglise, que Jésus-Christ lui a >> enseignée, est tenue pour un sacrifice très

1 Cyril., Catech. xxш; Cypr., Epist. LXIII. - Orat. v. de Resurr. Christ. 3 Lib. IV. c. 34.

» pur et très-agréable à Dieu. On fait des obla» tions dans le nouveau Testament comme dans >> l'ancien, et il n'y a que la forme qui en est » changée; parce que l'une de ces oblations est >> offerte par le peuple esclave, et l'autre par le » peuple libre. » Saint Augustin: « Pour tout » sacrifice et pour toute oblation, » c'est-à-dire, au lieu de celles de l'ancien Testament, « dans » le nouveau on offre le corps de Jésus-Christ, » et on le donne à ceux qui y participent. » Le second concile de Nicée : « Jésus-Christ ni les » apôtres n'ont jamais dit que le sacrifice non » sanglant fût une image; mais ils ont dit que » c'étoit le propre corps et le propre sang. » Nicolas Cabasilas (l'un des plus doctes théologiens de l'Eglise grecque) écrit, dans l'Exposition de la Liturgie: « Ce n'est point ici la figure d'un » sacrifice et l'image du sang, c'est vraiment » une immolation et un sacrifice. »

CHAPITRE XIV.

SECOND EXEMPLE. On dispute entre les catholiques si l'intention du ministre est requise dans le sacrement; et l'on est d'accord sur ce point, que l'intention habituelle, qui ne consiste que dans une certaine disposition du corps, qui peut être dans ceux qui dorment, ne suffit pas, que l'actuelle n'est pas nécessaire, que la virtuelle suffit; et qu'il n'est pas requis, pour intention d'en conférer le fruit. Becan convient la validité du sacrement, que le ministre ait de toutes ces choses; et cela étant, il paroît qu'il n'y a ici de dispute que dans les mots.

CHAPITRE XV.

TROISIÈME EXemple.

On demande s'il y a sept sacrements ou deux seulement. Ce n'est là qu'une dispute de mots; car si l'on appelle sacrement tout ce qui est institué pour l'honneur de Dieu, selon saint Augustin, il y en a bien plus de sept: si l'on prend ce mot de sacrement d'une manière un peu plus étroite, on ne doute point que ces cinq autres sacrements (que reconnoît l'Eglise romaine) ne puissent recevoir ce nom. Ainsi toute la question consiste à savoir si ces sacrements sont sacrements de la même sorte que le baptême et l'eucharistie, ou, pour parler plus clairement, si tout ce qui est essentiel au baptême et à l'eucharistie a lieu dans le sacrement de mariage, de l'ordre, de l'extrêmeonction, etc. Or certainement il y faut trois choses premièrement, la parole de l'institution secondement, une promesse de la grâce De Civ. Dei, lib. xv. c. 20. - Act., VI. 3 - * Cap. XXXII.

:

justifiante troisièmement, un signe externe, un élément, ou, comme on l'appelle, une matière; ce que les catholiques ne disent pas, par exemple, qui puisse convenir au mariage; puisque, ni il n'est institué par Jésus-Christ dans le nouveau Testament, mais dès l'origine du monde, ni il n'a aucun élément ou matière, ni aucune promesse de grâce qui lui ait été annexée.

CHAPITRE XVI.

QUATRIÈME EXEmple.

Si les péchés sont vraiment ôtés par la justification. Question aisée à résoudre par l'explication des termes. Car les péchés sont ou actuels, comme un vol, un homicide, ou habituels, comme le péché originel et ses habitudes vicieuses, et il faut regarder, dans tous les deux, ou la matière ou la forme.

Quand on demande si le péché est ôté, ou dans les péchés actuels, ou dans les péchés ha bituels, ou l'on parle du matériel ou du formel du péché. Le matériel du péché actuel est ou l'acte même qui passe, et qui par conséquent n'est point ôté par la justification, ou le rapport de l'acte avec celui qui le commet, ce qui ne peut non plus être ôté; puisque de là il s'ensuivroit que la justification pourroit opérer que le pécheur n'eût point péché, que celui qui auroit fait un vol ne l'eût point fait; ce qui ne se peut.

Quant au péché habituel, le matériel est la pente au mal, qui est affoiblie, mortifiée, subjuguée, en sorte que le péché ne domine plus ; mais non pas ôtée tout-à-fait, tant que nous sommes dans ce corps mortel. Et cet affoiblissement de l'habitude du péché est l'effet de la régénération et de la sanctification, et non pas de la justification. Les catholiques accordent tout cela aux protestants.

Reste donc à considérer le formel du péché; c'est-à-dire, ce qui fait qu'on est coupable et qu'on mérite la peine; et sur cela les protestants accordent aussi aux catholiques que cela est vraiment et totalement ôté par la rémission, par le pardon, par la non-imputation, qui est ce qu'ils appellent justification. Et quand quelques-uns d'eux enseignent que le péché n'est point ôté par la justification, ils l'entendent du péché originel, et en particulier de la convoitise, laquelle demeure dans les baptisés, quant à son matériel seulement, mais non pas quant à son formel; c'est-à-dire, quant à la coulpe et au mérite de la peine, parce que l'inclination habituelle au mal demeure toujours dans l'homme, mais elle n'y domine pas.

CHAPITRE XVII.

Cinquième exemple.

Si la foi seule justifie. On sait le tumulte qu'a excité cette proposition, insérée Luther dans le texte de l'Ecriture; par quoiqu'elle ne soit pas véritable, à la prendre proprement, et que la chose puisse être expliquée par d'autres propositions de l'Ecriture, et très-reçues dans l'Eglise. Car, à proprement parler, c'est Dieu et non pas la foi qui justifie. Lorsque Dieu nous justifie, il n'y a qu'une cause, ou le motif intérieur, qui le pousse à nous accorder ce bienfait, et c'est sa grâce et sa miséricorde il n'y a non plus qu'un motif extérieur principal, qui est le seul mérite de Jésus-Christ, ni qu'un seul motif extérieur moins principal, qui est la foi. Et quand on dit que la foi seule est ce motif principal, c'est sans exclure les autres motifs qui portent Dieu à nous justifier; c'est-à-dire, sa grâce, sa bonté, et le mérite de Jésus-Christ. Au surplus, cette foi, qui justifie seule, n'est pourtant pas seule ou solitaire dans le cœur, quand elle nous justifie; puisque la foi qui nous justifie n'est pas la foi morte, destituée de la charité et du bon propos. En disant donc que la foi justifie seule, on veut dire que ni l'espérance, ni la charité, ni quelque bonne œuvre que ce soit, ne sont pas ce qui nous justifie immédiatement; mais que c'est la foi qui croit que Jésus-Christ a satisfait pour nos péchés, avec la confiance que nous avons d'en obtenir la rémission par ses mérites, laquelle foi n'est pas morte, mais vive et efficace par la charité.

CHAPITRE XVIII.

SIXIÈME EXEMPLE. Si l'on peut être assuré de sa justification ou de sa persévérance. Les catholiques romains ne le nieront pas, si la question est bien expliquée. On ne doute point que nous ne soyons justifiés par la foi. Or celui qui croit, sait qu'il croit: il est donc absolument assuré de sa foi, et par conséquent de son salut. Cependant personne n'enseigne parmi nous que l'on soit autant assuré de sa persévérance et de son salut, que de sa justification. Car nous sommes absolument assurés de celle-ci, et de l'autre seulement sous condition; c'est-à-dire, si l'on se sert des moyens que la foi prescrit pour persévérer, et si l'on continue à demander cette grâce jusqu'à la fin de sa vie ; sous laquelle condition l'on est aussi assuré de son salut. Martin Eisengrinius, docteur catholique, enseigne « que ce ne fut jamais le sentiment du

4 Lib. Germ, cui titul. Modesta et pro statu temporis necess, declaratio v. art. fidei. Edit. Ingolst., 1568.

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