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taquer notre doctrine et de défendre celle du luthéranisme

Molanus envoya son second plan, sous le titre de CoGITATIONES PRIVATE. Nous avons sujet d'admirer avec Bossuet la science de l'auteur, et plus encore sa droiture et l'esprit de paix qui l'animoit. Il fait de si grands pas vers la réunion, qu'on est étonné qu'il n'ait pas fait le dernier; et nous déplorons le sort de ce savant, dont les lumières et la candeur étoient admirables, et qui pourtant fut retenu dans le schisme par des préjugés faciles à dissiper, si la conversion eût dépendu des raisonnements humains, et non des coups de la grâce.

Les lecteurs n'exigent pas que nous entrions dans le détail de tous les écrits qui composent cette controverse. Il leur est plus utile de les lire que d'en voir des extraits, dans lesquels il seroit impossible de ne rien omettre d'essentiel. Mais nous ne pouvons nous dispenser de faire connoître les différents caractères des tenants de la dispute, de donner une idée des principales questions qu'ils agitent, et de la manière dont ils s'y prennent pour arriver au but tant desiré de la réunion.

Pour mettre de l'ordre dans ce recueil, nous avons cru devoir le diviser en deux parties. La première contient les dissertations de Molanus et celles de Bossuet : la seconde renferme les lettres de Leibnitz et les réponses de notre prélat.

Quoiqu'en général on se propose, dans tous ces écrits, de chercher des voies de conciliation, cependant les deux parties de ce recueil roulent sur des matières trèsdifférentes. Molanus s'attache à la discussion de dogmes controversés, et Leibnitz s'arrête au seul point de l'autorité de l'Eglise, pour savoir quelle sorte de soumission est due aux décrets des conciles généraux, et en particulier à ceux du concile de Trente. Ainsi ces deux parties sont essentiellement distinguées par le fond des choses qu'on y traite; mais ce qui les distingue encore davantage, c'est le différent caractère des deux antagonistes de Bossuet; et leur manière très-opposée de discuter les points qu'ils entreprennent d'éclaircir.

Molanus, en habile théologien, approfondit les questions toujours modéré, toujours équitable, il examine avec la droiture et la simplicité d'un homme qui cherche la paix souvent il s'élève au-dessus des préjugés de son parti, et vient à bout de démêler la vérité au milieu du chaos dont les équivoques et les chicanes des hérétiques, et quelquefois le peu d'exactitude et de précision de certains controversistes catholiques l'avoient enveloppée : jamais il ne rougit de la reconnoître et de lui rendre hommage loin de chercher à augmenter les difficultés, il fait tous ses efforts pour en diminuer le nombre et pour aplanir celles qui restent: en un mot, on voit un homme savant, droit, ami de la paix, qui rend justice à tout le monde, même aux catholiques, même au concile de Trente, et qui n'oublie aucun des moyens de conciliation qu'il peut imaginer.

:

Leibnitz, plus philosophe que théologien, plus habile à former des doutes qu'à les résoudre, ne semble s'appliquer qu'à mettre des obstacles insurmontables à la paix : imbu du faux principe de la tolérance, qui n'est propre qu'à tout troubler dans la religion, il s'obstine à ne point admettre le principe solide et lumineux de l'infaillibilité de l'Eglise, qui répond à tout, et qui peut seul empêcher que les questions ne soient interminables. C'est contre ce principe qu'il accumule les objections, et qu'il fait jouer tous les ressorts de son esprit pour leur donner une apparence de vérité. On est surpris qu'un homme d'un si grand mérite s'épuise en chicanes, et reproduise sans cesse les mêmes difficultés, en feignant d'oublier les réponses précises et tranchantes de

Bossuet on est fàché qu'un si beau génie, qui se met sur les rangs en qualité de conciliateur, ne concilie rien, brouille les questions, et se rende à la fin l'arbitre de la négociation, en faisant disparoître Molanus, dont les intentions étoient si bonnes, les vues si justes, le travail si solide, et les éclaircissements si propres à mettre un beau jour dans nos controverses, et à les dégager des épines qui les offusquoient, et que les préventions et les fausses subtilités y répandoient de toutes parts.

Ce savant auteur envisage la fin du schisme comme le plus grand de tous les biens, et propose en conséquence, dans son ouvrage intitulé COGITATIONES PRIVATE, de commencer par faire une réunion préliminaire qui rétablisse la concorde et la communion ecclésiastique entre l'Eglise romaine et les Eglises protestantes. Cette réunion préliminaire, telle qu'il l'imagine, devoit être, à proprement parler, une espèce de trève, dont il stipule les conditions savoir, pour les luthériens, qu'ils reconnoîtront le Pape comme le premier des évèques en ordre et en dignité, qu'ils regarderont les catholiques comme leurs frères, et enfin qu'ils se soumettront à la hiérarchie ecclésiastique pour l'Eglise romaine, qu'elle recevra les protestants au nombre de ses enfants, sans exiger d'eux aucune sorte de rétractation, ni qu'ils renoncent à leurs dogmes condamnés par le concile de Trente, dont il demande que les anathèmes soient mis en suspens jusqu'à ce que le futur concile général, que le pape sera prié de convoquer, et dans lequel les protestants auront, comme les catholiques, voix délibérative, ait prononcé définitivement sur les points dont les deux partis ne sont pas d'accord. L'auteur ne pense pas que cette réunion doive être empêchée ou retardée, sous prétexte que de part et d'autre on se croit impliqué dans des erreurs capitales sur le dogme; parce que, pour acquérir le bien inestimable de la paix, on doit surmonter cet obstacle, et se tolérer les uns les autres; ce qui lui paroît d'autant plus équitable, que les protestants promettent de se soumettre aux décisions du futur concile, qui fixera irrévocablement les dogmes de la foi. En attendant la tenue de ce concile, il seroit à propos, dit Molanus, d'engager l'empereur et les autres princes chrétiens à former une assemblée de théologiens savants et pacifiques des deux partis, dans laquelle on travailleroit de concert à la conciliation des points contestés, et l'on réserveroit au jugement du futur concile ceux sur lesquels on n'auroit pu s'accorder.

Molanus fait, sur plusieurs articles importants de nos controverses, l'essai de la conciliation proposée. Il distingue exactement les points sur lesquels on s'impute réciproquement des erreurs qu'on n'a pas, ceux dont on dispute faute de s'entendre, ceux enfin qui ne renferment que des questions de mots. Cette partie de son écrit est très-méthodique. Il y concilie beaucoup d'articles avec tant de précision et de justesse, que souvent Bossuet, ravi de trouver dans un docteur luthérien tant de droiture et d'équité, adopte sa conciliation sans y rien changer. Il l'encourage même à continuer, sur le reste de nos controverses, un travail qu'il juge propre à fixer au juste l'état des questions et à terminer presque toutes les disputes.

Leibnitz nous apprend dans une de ses lettres à M. de Meaux, que l'abbé de Lokkum avoit fait un écrit, dans lequel cinquante articles de nos controverses se trouvoient conciliés. L'auteur avoit dessein de communiquer cet ouvrage à notre prélat 1; mais Leibnitz, qui ne paroit pas avoir eu fort à cœur la réunion, n'en envoya que trois controverses. Bossuet ne s'est point expliqué

Voyez ci-apres, Explic. uller. in Prolog.

sur la conciliation de ces controverses, parce qu'il vouloit voir tout l'ouvrage pour en dire son sentiment. Il seroit à souhaiter que les Allemands nous fissent part de l'écrit entier de Molanus, qui ne peut que faire beaucoup d'honneur à leur illustre et savant compatriote.

On a vu que Leibnitz étoit entré fort avant dans l'affaire qui se traitoit entre M. de Meaux et l'abbé de Lokkum; mais qu'il n'avoit pas les talents propres à conduire une négociation si délicate. En effet, il ne paroit appliqué dans toutes ses lettres qu'à disputer, et jamais à concilier. Le principal objet, ou plutôt l'unique qu'il se propose, est d'attaquer l'autorité du concile de Trente. Il accumule tout ce qu'on peut dire contre ce concile, et donne à ses objections le tour le plus spécieux, mais ne s'aperçoit pas que tous les coups qu'il porte au concile de Trente retombent à plomb sur tous les anciens conciles, sans en excepter les quatre premiers, dont les protestants reçoivent l'autorité; sans en excepter le concile futur qu'ils demandent pour mettre le dernier sceau à la réunion générale; puisque ce concile n'aura pas plus le privilége de l'infaillibilité, que les conciles qui l'auront précédé. Inconvénient terrible, en ce qu'il òte à l'Eglise la règle fixe de sa foi, et ne lui laisse que des armes impuissantes contre les hérésies, qu'elle ne peut plus condamner irrévocablement; inconvénient toutefois auquel il est impossible de remédier dans le système de Leibnitz et de ceux qui, comme lui, contestent à l'Eglise l'infaillibilité de ses jugements. Leibnitz semble ne point sentir cet inconvénient, que M. de Meaux a pourtant grand soin de lui faire remarquer; et sans dire un seul mot pour répondre à cette accablante objection, qui naissoit de ses propres principes, il marche en avant, et s'efforce d'attaquer d'une manière plus directe le concile de Trente, qu'il prétend convaincre d'innovation et d'erreur.

Il choisit, pour le prouver, le décret où ce concile dresse le canon des saintes Ecritures. Ce canon, selon Leibnitz, est plein d'erreurs, en ce que le concile admet comme écriture canonique des livres qui n'étoient pas dans le canon des Hébreux, et que plusieurs Eglises, dans les premiers siècles du christianisme, avoient ou refusé d'admettre, ou mème expressément rejetés. Mais pour soutenir une accusation aussi grave qu'étoit celle qu'il intentoit contre ce concile, ne falloit-il pas tâcher de le convaincre d'erreur sur un point capital qui mit en péril la foi des fidèles? En effet, quand nous accorderions à Leibnitz tout ce qu'il avance contre le décret de Trente, il s'ensuivroit tout au plus que ce concile se seroit trompé (ce qui n'est pas et ne peut être) sur un point qui n'intéresse en aucune sorte le fond des dogmes. Car enfin est-ce une erreur capitale qui mette en péril la foi des fidèles, que d'admettre comme écriture canonique des livres qu'à la vérité l'ancienne Eglise n'a pas universellement admis; mais qui pourtant ont toujours été reçus comme canoniques presque partout, et principalement par les Eglises les plus considérables et les plus savantes, et qu'on regardoit dans le petit nombre d'Eglises moins considérables, qui ne les admettoient pas sous le nom d'écriture canonique, de la mème manière que les protestants et Leibnitz lui-même le regardent encore aujourd'hui; je veux dire comme des livres bons, utiles, exempts d'erreurs? Après cet aveu des protestants, qu'est-il besoin de tant disputer sur le titre d'écriture canonique, que le concile de Trente donne à ces livres? Cependant Bossuet veut bien entrer dans le détail des preuves de leur canonicité; et nous ne craignons point d'assurer qu'il épuise la matière, et qu'il porte ses preuves jusqu'à l'entière démonstration.

Il prouve encore que Leibnitz, en supposant qu'un livre ne peut être mis dans le canon de l'Eglise univer

selle, par cette seule raison qu'anciennement quelques Eglises ne l'ont pas reçu, se jette dans un embarras d'où son esprit, quoique fertile en ressources, ne pourra jamais le tirer; puisque, selon cette règle, il ne faudroit pas admettre comme canonique l'Apocalypse, l'Epître aux Hébreux, et d'autres écrits des apôtres, qui n'ont pas été reçus unanimement par l'ancienne Eglise, et que néanmoins les protestants reçoivent, aussi bien que les catholiques, comme écriture canonique.

Le lecteur a vu jusqu'à présent les différents caractères des deux négociateurs luthériens, et leur peu d'uniformité dans la conduite d'une même affaire. Essayons de montrer quelle fut la marche et la façon de procéder de M. de Meaux. Nous laisserons au lecteur à décider lequel de ce prélat ou des docteurs luthériens alloit plus sûrement, plus directement et par la voie la plus courte au but qu'on se proposoit.

Bossuet n'a jamais paru plus grand que dans cette occasion. Chargé des intérêts de l'Eglise, qui n'en a point de plus cher que celui de ramener dans son sein ses enfants égarés, il sentit combien la négociation dont on le chargeoit demandoit de sa part de ménagements et d'attention; et prenant pour ses modèles les grands négociateurs qui dans les siècles passés avoient pacifié les troubles de l'Eglise et éteint ies schismes, il résolut d'employer tous les moyens dont l'antiquité fournissoit quelques exemples, pour ramener à l'unité catholique des Eglises nombreuses, qu'un esprit de révolte et de vertige en avoit séparées depuis plusieurs siècles. Il falloit en conséquence qu'il se prémunît, non-seulement contre ce qu'on appelle préjugé de parti, mais plus encore contre une sorte de roideur et d'inflexibilité trop ordinaire aux controversistes, qui fait qu'on ne plie sur rien, qu'on ne se prète à rien, et qu'on perd souvent par obstination les avantages réels d'une bonne cause. Bossuet, instruit des règles de l'Eglise et de sa tendre condescendance pour ses enfants, savoit qu'uniquement attentive à conserver l'intégrité de ses dogmes, qui sont à jamais invariables, elle sacrifioit volontiers tout le reste au bien inestimable de l'unité.

Il propose donc aux protestants, de la part de l'Eglise catholique, un projet de réunion, non imaginaire et impraticable, tel qu'étoit celui de Molanus, mais dressé sur le plan des conciliations faites autrefois, dont il cite les exemples les plus célèbres pour faire voir que la première condition que l'Eglise a toujours exigée des errants, et sur laquelle elle ne peut se relâcher, est qu'ils confessent distinctement les dogmes qui sont la matière de la rupture; que ce pas une fois fait, le reste suit aisément; parce que l'Eglise ne se rend difficile, ni sur les formalités, ni sur les points de pure discipline, qui peuvent varier, et qu'elle change en effet pour l'utilité commune, suivant les circonstances des temps, des lieux et des personnes.

Ce principe posé, le système d'une réunion préliminaire, tel que l'imagine Molanus, tombe de lui-même, puisque ce système suppose que les protestants seront réunis à l'Eglise, non-seulement sans convenir avec elle d'une même foi, mais même en persistant dans tous les points de doctrine qu'ils ont fait servir de prétexte à leur schisme, et en continuant d'accuser l'Eglise catholique d'innovations et d'erreurs capitales. C'est le préalable que cet auteur exige, afin d'en venir ensuite à sa discussion des articles contestés, qui seront conciliés, dit-il, dans des conférences pacifiques, par des théologiens des deux partis, et décidés, s'il est nécessaire, par l'autorité souveraine du concile général qu'on assemblera.

Molanus renverse manifestement l'ordre qu'on doit suivre; et Bossuet démontre que le seul fondement sur lequel ou puisse appuyer la réunion, est de commencer

par s'accorder sur le dogme. Or cet accord est impossible, si l'on ne convient de part et d'autre d'une règle de la foi, qui soit invariable et infaillible. Les protestants reconnoissent avec nous l'Ecriture sainte pour première règle de la foi des chrétiens; mais nous serons réduits à l'esprit particulier, si l'on n'admet pas pour seconde règle la tradition universelle, et si l'on ne reconnoît pas qu'une autorité infaillible peut seule attester cette tradition. Il s'agit donc de déterminer où réside cette autorité; et peut-elle résider ailleurs que dans l'Eglise catholique et dans ses conciles généraux? Il faut donc, avant toutes choses, croire l'infaillibilité de l'Eglise; puisque, si l'Eglise n'étoit pas infaillible, nous n'aurions sur la terre aucune autorité capable de condamner irrévocablement les erreurs et d'écarter tous les obstacles qui s'opposent au triomphe de la vérité. L'Eglise, assurée de son infaillibilité par ces paroles décisives du Seigneur : Je suis avec vous jusqu'à la consommation du siècle, ne peut admettre dans son unité ceux qui lui contesteroient un privilége sans lequel la foi des fidèles seroit éternellement vacillante : c'est là l'un des dogmes invariables de sa foi, sur lequel elle n'a pas plus le pouvoir de composer que sur ceux de la Trinité et de l'incarnation.

Le dogme de l'infaillibilité de l'Eglise répand une luinière infinie sur toutes nos controverses, puisqu'il ne s'agit plus après cela que d'examiner de bonne foi ce que croit l'Eglise, ce qu'elle condamne. Or l'Eglise s'exprime toujours d'une manière nette, intelligible et sans équivoque. La coutume de l'Eglise catholique, dit excellemment Bossuet dans un de ses plus beaux ouvrages, « est » de trancher les difficultés, en opposant à l'hérésie une » déclaration précise des dogmes révélés;..... et le fruit » qu'elle recueille ( des hérésies) consiste à mettre dans » un plus grand jour les vérités qu'on savoit plus confu» sément avant la dispute 1. >>

La méthode la plus sûre pour connoître au juste la foi de l'Eglise est sans difficulté celle de l'Exposition, employée avec tant de succès par notre illustre prélat dans le petit livre dont nous avons déjà parlé plus d'une fois. Après qu'on aura dressé de la manière la plus claire et la plus précise l'Exposition de la foi catholique, on pourra, si l'on veut, modifier tous les articles, comme Molanus l'a fait avec succès sur quelques-uns, la doctrine de la Confession d'Augsbourg et des autres livres symboliques des protestants, pour les rapprocher autant qu'il sera possible des dogmes contenus dans l'exposition. En s'attachant à cette méthode, tous les points contestés se trouveront conciliés par forme de déclaration et d'explication, ce qui épargnera aux protestants la honte d'une rétractation qu'ils semblent redouter.

On pourra même, en suivant cette méthode, lever l'obstacle, qui paroît insurmontable aux protestants, des décrets et anathématismes du concile de Trente. Ils prétendent que ce concile ayant été tenu sans eux, ils ne sont pas obligés de s'y soumettre, et que ses décrets ne peuvent être regardés comme ceux d'un concile œcuménique, puisqu'ils ont été dressés sans le secours de leurs Eglises. Mais, dit Bossuet, les protestants sont précisément dans le cas où se trouvèrent autrefois les évêques d'Espagne par rapport au sixième concile, auquel ils n'avoient point eu de part, et qu'ils refusoient pour cette raison de recevoir comme œcuménique. On concilia ce différend de cette manière : les évêques d'Espagne s'assemblèrent, examinèrent les actes du sixième concile, l'acceptèrent, et le firent leur par cette acceptation. Rien n'empêche les protestants de faire la même chose, et d'autoriser de leur suffrage le concile de Trente, afin de

'Def, decl, Cleri Gall. in Append., lib. 1. c. 1.

le rendre œcuménique à leur égard, comme il l'est à l'égard de toutes les Eglises catholiques.

Il ne sera pas difficile après cela de consommer l'ouvrage de la réunion; puisqu'il ne s'agira plus que de quelques articles de discipline, sur lesquels M. de Meaux promet de la part de l'Eglise toute la condescendance que des enfants infirmes, mais soumis, peuvent raisonnablement espérer d'une mère qui les affectionne.

Il promet que l'Eglise accordera volontiers aux protestants réunis l'usage du calice, comme autrefois elle l'accorda dans le concile de Bâle aux calixtins de Bohême; qu'elle consentira d'élever leurs ministres et leurs surintendants au sacerdoce et à l'épiscopat, de leur laisser leurs femmes pendant leur vie, à condition qu'après leur mort on suivra dans l'élection et dans la consécration de leurs successeurs la discipline présente de l'Eglise; que, sur plusieurs autres points moins importants qu'il détaille, elle ne fera pas difficulté d'entrer en composition avec eux, et d'aplanir tous les obstacles qui pourroient se rencontrer.

Telles sont les offres du grand Bossuet, et les voies qu'il emploie pour ramener à l'Eglise les peuples que le schisme en a séparés. Ses vues sont droites, ses propositions équitables, sa manière de procéder à la réunion, régulière, et nullement sujette aux inconvénients inévitables dans tout autre projet, et singulièrement dans celui de Molanus. Il est étonnant, sans doute, qu'un plan si beau, si suivi, donné par un prélat parfaitement instruit des droits de l'Eglise, de ses intérêts et de son véritable esprit, ait été sans aucun succès. Nous ne pouvens nous empêcher d'accuser Leibnitz d'en être la cause et d'avoir traversé la conciliation, si bien commencée entre Bossuet et Molanus, par ses disputes à contretemps, et par l'éloignement affecté de ce docteur, à la place duquel il se fit, pour ceux de son parti, l'arbitre d'une affaire qu'il étoit incapable de bien manier; puisqu'il s'agissoit de concilier, et non de subtiliser et de disputer.

Au reste, nous nous faisons un plaisir et un devoir de donner au public toutes les pièces de cette grande affaire, dans l'espérance qu'on pourra quelque jour la renouer, et même, si les moments de Dieu sont venus, la terminer et la consommer, en suivant le plan tout dressé que laisse Bossuet.

On ne doit pas nous faire un crime de mettre devant les yeux des lecteurs les écrits des hérétiques, et même ceux de Leibnitz, dans lesquels il déploie avec tout l'art dont est capable un homme de beaucoup d'esprit, qui veut séduire, les plus fortes objections qu'on peut faire contre l'Eglise. Ces objections ne font courir aucun danger à la foi catholique; parce que Bossuet leur oppose des réponses si solides, qu'elles ne servent qu'à mettre la vérité dans un plus beau jour. Il est même utile à l'Eglise de montrer combien elle a d'avantages sur tous ceux qui la combattent puisqu'attaquée par les plus habiles de ses adversaires, non-seulement ils ne peuvent porter à sa foi le plus léger préjudice, mais qu'il faut que toutes leurs armes se brisent contre cette pierre inébranlable, que la vérité triomphe, et que l'erreur soit confondue.

Pour épargner aux lecteurs divers embarras qui pourroient les arrêter dans la lecture des pièces qui composent la première partie de ce recueil, il est à propos de leur donner quelques éclair

cissements.

LE PLEIN POUVOIR adressé par l'empereur à l'évêque

de Neustadt, quoique mis à la tête du recueil, n'est pas la pièce la plus ancienne, puisque l'écrit intitulé REGULE, etc., avoit été fait longtemps auparavant. On l'a mis à la tête, tant parce qu'il étoit ainsi arrangé dans le portefeuille de Bossuet, que parce qu'on ne pouvoit pas lui donner une autre place.

L'écrit intitulé REGULÆ, etc., est le mémoire remis à l'évêque de Neustadt par les théologiens d'Hanovre, plusieurs années avant que ce prélat eût reçu le plein pouvoir de l'empereur. La date qu'il porte, 1691, est celle, non de la composition du mémoire, mais du second envoi qu'on en fit d'Allemagne à Bossuet, comme nous l'avons expliqué dans l'Avertissement. Nous n'avons pas voulu supprimer cette date, qui se trouve dans le manuscrit original, parce qu'il nous étoit aisé d'en lever l'équivoque.

Nous avons mis la même date à la traduction de ce mémoire.

COGITATIONES PRIVATE, etc. Cet ouvrage est de Molanus. Nous en avons parlé fort au long dans l'Avertissement.

La traduction de cet écrit est de Bossuet. Voyez ce qu'il en dit lui-même ci-après lettre xvi.

DE SCRIPTO CUI TITULUS, etc. Cet ouvrage est la réponse de Bossuet à Molanus, sur lequel nous nous sommes suffisamment étendus dans l'Avertissement.

Ce prélat crut devoir traduire son ouvrage en françois pour les raisons qu'il détaille dans la lettre xvI.

DE PROFESSORIBUS, etc. Bossuet fit cet ouvrage pour satisfaire à la demande du pape Clément XI. Voyez notre Avertissement à la tète de cet écrit.

EXPLICATIO ULTERIOR, etc. C'est une réplique de Molanus à la réponse de M. de Meaux. Elle ne fut envoyée qu'en 1694.

Nous avons cru devoir traduire cette réplique en françois. Mais comme Bossuet n'y avoit point répondu pour les raisons qu'on peut voir dans l'Avertissement, nous nous sommes fait un devoir de réfuter dans des notes ce qui nous a paru propre à séduire quelques lecteurs, et à rendre la doctrine de l'Eglise incertaine.

RECUEIL

DE DISSERTATIONS ET DE LETTRES.

PREMIÈRE PARTIE,

QUI CONTIENT LES DISSERTATIONS.

COPIE DU PLEIN POUVOIR

Donné par l'empereur Léopold à M. l'évêque de Neustadt en Autriche, pour travailler à la réunion des protestants d'Allemagne *.

LEOPOLD, par la grâce de Dieu, empereur des Romains, etc., à tous les fidèles de notre royaume de Hongrie et de Transilvanie, états, ou autres, de quelque condition, dignité ou religion qu'ils soient, qui verront, liront ou entendront lire ceci, salut et notre grâce.

Nous n'avons pas trouvé dans les papiers de Bossuet Poriginal latin de cet acte. (Edit. de Puris.)

Toutes les lois divines et humaines contenant une obligation formelle, et les conclusions des dièles de l'empire, aussi bien que les lettres de fraiche date de la plus grande partie des protestants, qui depuis peu sont entrés en conférence avec notre féal et bien amé le très-révérend Christophe, évêque de Neustadt, marquant la grande nécessité qu'il y a que nous aspirions à ce que dans les royaumes et provinces des chrétiens, tant dedans que dehors de l'empire, il y ait une parfaite union, non-seulement à l'égard du temporel, mais encore à l'égard du spirituel, autant qu'il concerne la foi orthodoxe et le vétable culte d'un même Dieu ; et que, sinon toutes (comme la sainte Ecriture et la raison nous font pourtant espérer avec l'aide de Dieu), au moins les essentielles controverses, difformités et méfiances soient levées ou diminuées; d'autant qu'il paroît à plusieurs, et se trouve ainsi en effet en grande partie, que les diversités de sentiment sur les points principaux viennent du défaut de la charité mutuelle, et de la patience nécessaire pour bien entendre et expliquer sincèrement le vrai sens et opinion d'un chacun, et les significations différentes qu'on donne aux termes ou mots qu'on emploie : et ayant de plus considéré avec combien de succès et d'utilité ledit évêque a travaillé dans la diète de l'Empire et ailleurs, tant sur cette matière sainte, qu'à l'égard de la conservation de notre dit royaume de Hongrie;

A ces causes, nous avons jugé à propos de lui donner par la présente plein pouvoir, en tout ce qui regarde notre autorité et protection royale, et une commission générale, de notre part, de traiter avec tous les états, communautés, ou même particuliers de la religion protestante dans tous nos royaumes et pays, mais particulièrement avec ceux de Hongrie et de Transilvanie, touchant ladite réunion en matière de foi, et extinction ou diminution des controverses non nécessaires, soit immédiatement, ou par députés ou lettres, et de faire partout avec eux, bien que sous ratification ultérieure, pontificale et royale, tout ce qu'il jugera le plus convenable et utile à gagner les esprits, et à obtenir cette sainte fin de la réunion qu'on se propose. Et en ce point, nous donnons aussi à tous susdits protestants, nos sujets de Hongrie et de Transilvanie, y compris encore leurs ministres ou prédicateurs, une pleine faculté de venir trouver ledit évêque au lieu où il pourra être, et d'envoyer à lui publiquement ou secrètement.

Mandons sérieusement et sévèrement, en

vertu de celle-ci, sous grièves peines, à tous ceux que leur charge oblige d'avoir égard à ces choses, de ne faire ni laisser faire aucun empêchement à ceux qui viendront ou enverront audit évêque, sur l'invitation qu'il leur aura faite pour la sainte fin susdite; mais de leur faire toutes sortes de faveurs comme aussi nous assurons ledit évêque de notre très-clémente protection pour tous les cas et lieux où besoin sera, et particulièrement à l'égard de cette sainte occupation, et de la sollicitation qu'il pourra faire touchant l'exercice de religion, ou tolérance, ou autres matières appartenantes; le tout en vertu et témoignage de nos présentes lettres patentes, en forme de sauf-conduit et plein pouvoir. Donné en notre cité de Vienne en Autriche, le 20 du mois de mars de l'an 1691. Signé LEOPOLDUS. BLASIUS JACHLIN, E. L. Nitrensis. JOANNES MAHOLANUS.

(L. S.)

REGULÆ

CIRCA

CHRISTIANORUM OMNIUM ECCLESIASTICAM REUNIONEM.

et

Tam à sacra Scripturà, quàm ab universali Ecclesià, Augustana Confessione præscriptæ, et à nonnullis, iisque professoribus, zelo pacis collectæ, cunctorumque christianorum correctioni ac pietati subjectæ. 1691.

REGULA PRIMA. Hæc omnium reunio est possibilis, ac per se cuilibet statui ac personæ temporaliter ac spiritualiter utilis, ejusdemque procuratio à Deo, à naturâ, à recessibus Imperii, juxta cujusvis vires et occasionem, ac pro quovis tempore, cuilibet christiano ita præcepta, ut, qui contrarium dixerit, meritò ut seditiosus et hæreticus sit habendus.

Hæc nullus doctus et discretus ignorat aut negabit.

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plebem suam creditum in minimo diminuas, radicem totam reunionis evellis.

Quia apostoli, Judæos et Gentiles in una Christi Ecclesià uniendo, errores omnes ipsis etiam Judæis manifestare minimè sunt ausi; nam, verbi gratià, sciebant esse errorem sibi persuadere quòd in novâ lege ab esu sanguinis. et suffocato esset abstinendum; hunc tamen ipsis detegere non audebant: nam videbant, quòd hi potiùs totam fidem Christi essent derelicturi, quàm hanc à sanguine et suffocato abstinentiam. Unde ob hoc, et ob necessariam uniformitatem, aliis quoque christianis eamdem expressè injunxerunt ut necessariam.

Quia imprimis, dum Ecclesia latina et græca sese in conciliis Lugdunensi et Florentino reunierunt, id nunquam ita factum est, ut episcopi ullius partis errorem pristinum circa fidei doctrinam expressè et publicè confiterentur; sed sese in aliquo utrinque acceptabili sensu explicarunt talisque explicatio, apud prudentes, idem fuit ac honesta quædam revocatio. Ratio verò hujusmodi agendi est, quia, si pastores publicè et expressè errores suos, quibus populos sibi commissos deceperunt, profiterentur; hi, ob communem plebis simplicitatem, in mentis confusionem et in atheismi periculum inciderent. Cùm enim erga alterius partis pastores necdum habeant fiduciam et notitiam, et proprii errones esse confiteantur, qui illis hactenùs, verbum Dei allegando, adeo firmiter impresserunt, quò se vertant subitò, nescient, facilèque hos confessores lapidabunt.

REGULA QUARTA. Ad hanc requiritur, ut partes conveniant implicitè circa omnia omnino revelata et definita; id est, ut conveniant circa easdem fidei regulas, eumdemque ultimum judicem controversiarum.

Quia perpauci sunt christiani, qui sciant expressè et explicitè omnes fidei doctrinas à Deo veterique et modernà Ecclesià definitas. Per hoc tamen benè informatis in omnibus sufficienter uniti censentur, quòd expressè iisdem sese fidei. regulis eidemque ultimato judici subjiciant. Quænam illæ ? quis iste? Respondeo: Spiritus sanctus primo loco dirigit et definit ad intus, verbum verò Dei ad extra secundum locum obtinet interpretatio illius verbi data per Ecclesiam universalem. Vide infrà, Reg. ix.

REGULA QUINTA. Requiritur ut conveniant. explicitè circa illa, quæ à doctrinâ et moribus tollunt omninò idololatriam et hujus apparentiam vel suspicionem, omnem summum à creaturis cultum, fiduciam, et amorem soli Deo

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