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munier sous une ou sous deux espèces indifféremment dans l'Eglise même et dans les saintes assemblées, et enfin les autres choses que nous avons vues, avoient naturellement inspiré ce sentiment à tous les fidèles dès les premiers temps de l'Eglise.

Ainsi, quand Jean de Pekam, archevêque de Cantorbéry, au treizième siècle, fit enseigner à son peuple avec tant de soin, que sous la seule espèce qu'on leur distribuoit, ils recevoient JésusChrist tout entier 1, la chose passa sans peine, et personne ne le contredit.

Et ce seroit chicaner de dire que ce grand soin fait voir qu'on y trouvoit de la répugnance, puisque nous avons déjà vu que Guillaume, évêque de Châlons, et Hugues de Saint-Victor, pour ne point à présent remonter plus haut, avoient constamment enseigné, plus de cent ans avant lui, la même doctrine, sans que personne y eût rien trouvé de nouveau ni d'étrange, tant elle entre naturellement dans les esprits. Nous voyons, en tout temps et en tous lieux, la charité pastorale soigneuse de prévenir jusques aux moindres pensées que l'ignorance pouvoit faire tomber dans l'esprit des peuples. Et enfin, c'est un fait constant, qu'il n'y a eu ni plainte, ni contradiction sur cet article durant plusieurs siècles.

J'avance même, sans crainte, qu'aucun de ceux qui ont cru la réalité n'a jamais révoqué en doute de bonne foi cette intégrité, pour ainsi parler, de la personne de Jésus-Christ sous chaque espèce, puisque ce seroit donner un corps mort, que de donner un corps sans sang et sans âme, chose qui fait horreur à penser.

De là vient qu'en croyant la réalité, on est porté à croire la pleine suffisance de la communion sous une espèce. Nous voyons aussi que Luther étoit tombé naturellement dans cette pensée; et longtemps après qu'il se fut ouvertement révolté contre l'Eglise, il est certain qu'il tenoit encore la chose pour indifférente, ou du moins pour peu importante, censurant grièvement Carlostad, qui avoit, contre son avis, établi la communion sous les deux espèces, et qui sembloit, disoit-il, mettre toute la réforme dans ces choses de néant 2.

Il dit même ces insolentes paroles dans le traité qu'il publia en 1523, sur la formule de la messe : « Si un concile ordonnoit ou permettoit » les deux espèces, en dépit du concile, nous >> n'en prendrions qu'une, ou ne prendrions ni >> F'une ni l'autre, et maudirions ceux qui 'Conc. Lambeth., cap. 1. tom. x1; Conc., col. 4459. — 2 Ep. Luth. ad Gasp. Guttol., t. 11. Ep. 56.

» prendroient les deux en vertu de cette ordon>> nance >> paroles qui font assez voir que lorsque lui et les siens se sont depuis tant opiniâtrés aux deux espèces, c'est plutôt par esprit de contradiction, que par un sérieux raisonnement.

En effet, il approuva la même année les lieux communs de Mélanchton, où il range parmi les choses indifférentes la communion sous une ou sous deux espèces. En 1528, dans la visite de la Saxe, il laisse positivement la liberté de n'en prendre qu'une seule, et persiste encore dans ce sentiment en 1533, quinze ans après qu'il se fut érigé en réformateur.

Tout le parti luthérien suppose qu'on ne perd rien d'essentiel ni de nécessaire au salut, quand on manque de communier sous les deux espèces, puisque dans l'Apologie de la Confession d'Augsbourg, pièce aussi authentique dans ce parti, que la Confession d'Augsbourg elle-même, et également souscrite par tous ceux qui l'ont embrassée, il est expressément porté, «que l'Eglise » est digne d'excuse, de n'avoir reçu qu'une seule » espèce, ne pouvant avoir les deux : mais qu'il » n'en est pas de même des auteurs de cette in>> justice.» Quelle idée de l'Eglise qu'on nous représente forcée avant Luther à ne recevoir que la moitié d'un sacrement, par la faute de ses pasteurs! comme si les pasteurs n'étoient pas euxmêmes, par l'institution de Jésus-Christ, une partie de l'Eglise. Mais enfin il paroît par là, de l'aveu des luthériens, que ce que perdit l'Eglise, selon eux, n'étoit pas essentiel, puisqu'il ne peut jamais être excusable ni tolérable de recevoir les sacrements de qui que ce soit contre l'essence de leur institution, et que la droite administration des sacrements n'est pas moins essentielle à l'Eglise, que la pure prédication de la parole.

Calixte, qui nous rapporte avec soin tous ces passages, excuse Luther, et les premiers auteurs de la réformation, sur ce que l'ayant entreprise (voici un aveu mémorable, et un digne commencement de la réforme ), sur ce que, dit Calixte, ses premiers auteurs l'ayant entreprise plutôt par la violence d'autrui que de leur propre volonté, c'est-à-dire plutôt par esprit de contradiction que par un amour sincère de la vérité, ils ne purent pas au commencement découvrir la nécessité du précepte de communier sous les deux espèces, ni rejeter la coutume. Voilà ce que dit Calixte; et il ne voit pas combien il détruit luimême l'évidence qu'il attribue à ce précepte, en le faisant voir ignoré par les premiers hommes de la nouvelle réforme, et par ceux qu'on y croit choisis de Dieu pour cet ouvrage. N'auVisit. Sax., t. vi. Ien. — 2 N. 199.

1

roient-ils pas aperçu une chose que Calixte trouve si claire ? ou Calixte n'en a-t-il pas trop dit, quand il nous donne pour si clair ce qui n'est point aperçu par de tels docteurs?

Mais pour ne plus parler d'eux, Calixte luimême, ce Calixte qui a tant écrit contre la communion sous une espèce, à la fin du même traité où il l'a tant combattue 1, bien éloigné de nous en parler comme d'une chose où il s'agisse du salut, déclare qu'il n'exclut pas du nombre des vrais fidèles nos ancêtres, qui ont communié sous une espèce il y a plus de cent cinquante ans, et, ce qui est bien plus remarquable, ceux qui y communient encore aujourd'hui, ne pouvant mieux faire; et conclut en général que tout ce qu'on pense ou ce qu'on pratique sur ce sacrement, ne peut être un obstacle au salut, ni une matière légitime de division, à cause que la réception de ce sacrement n'est pas d'une obligation essentielle. Que ce principe de Calixte soit vrai et que sa conséquence en soit bien tirée, ce n'est pas de quoi il s'agit. C'est assez que cet ardent défenseur des deux espèces soit obligé à la fin de convenir qu'on se peut sauver dans une Eglise où on n'en reçoit qu'une seule par où il est obligé à reconnoître, ou qu'on peut faire son salut hors de la vraie Eglise, ce qu'assurément il ne dira pas; ou, ce qu'il dira aussi peu, que la vraie Eglise peut demeurer telle en manquant d'un sacrement; ou ce qui est plus naturel, et ce qu'en effet nous disons, que la communion des deux espèces n'est pas essentielle à celui de l'eucharistie.

Voilà à quoi aboutissent ces grandes disputes contre la communion sous une espèce ; et après avoir épuisé toute sa subtilité, on en vient enfin par tous ces efforts à reconnoître tacitement ce qu'on a tâché de combattre par des traités si étudiés.

3

Dans le dernier traité que M. Jurieu a mis au jour, il se propose de faire un abrégé de l'histoire du retranchement de la coupe 3, où, quoiqu'il nous donne pour indubitable tout ce qu'il lui plaît d'y débiter, il nous sera aisé de lui faire voir presque autant de faussetés qu'il a raconté de faits.

Il ne dit rien de nouveau sur les Evangiles et sur les Epîtres de saint Paul, dont nous avons assez parlé. Du siècle des apôtres, il passe aux siècles suivants, où il montre, sans peine, que l'usage des deux espèces étoit ordinaire. Mais il s'est bientôt aperçu qu'il ne feroit rien contre

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nous, s'il n'en disoit davantage : car il sait bien que nous soutenons que, lors même que les deux espèces étoient en usage, on ne les croyoit pas si nécessaires qu'on ne communiât aussi souvent et aussi publiquement sous une seule, sans que personne s'en plaignît. Pour nous ôter cette défense, et dire quelque chose de concluant, il ne suffisoit pas d'assurer que l'usage des deux espèces étoit ordinaire; il falloit encore assurer qu'on le regardoit comme indispensable, et que jamais on ne communioit d'une autre sorte. M. Jurieu a senti qu'il le falloit dire il l'a dit en effet, mais il n'a pas même tenté de le prouver, tant il a désespéré d'y réussir. Seulement, par une hardie et véhémente affirmation, il a cru pouvoir suppléer au défaut de la preuve qui lui manque : « C'est, » dit-il, un fait d'une notoriété publique, et » qui n'a pas besoin de preuve ; c'est une affaire » qui n'est pas contestée. » Ces manières affirmatives imposent; les prétendus réformés en croient un ministre sur sa parole, et ne peuvent s'imaginer qu'il leur ose dire qu'une chose ne soit pas contestée, quand en effet elle l'est. Cependant c'est la vérité qu'il n'y a rien nonseulement de plus contesté, mais encore de plus faux, que ce que M. Jurieu nous donne ici pour incontestable, et comme également avoué dans les deux partis.

Mais considérons ces paroles dans toute leur suite. «C'est, dit-il, une affaire qui n'est pas » contestée. Durant l'espace de plus de mille >> ans, dans l'Eglise, personne n'avoit entrepris » de célébrer ce sacrement, et de faire commu» nier les fidèles autrement que le Seigneur ne >> l'avoit commandé, c'est-à-dire sous les deux » espèces; excepté que pour faire communier >> plus facilement les malades, quelques gens » s'étoient avisés de tremper le pain dans le vin, » et de faire recevoir l'un et l'autre signe en » même temps. »>

La proposition et l'exception ne sont faites ni l'une ni l'autre de bonne foi.

La proposition est que durant l'espace de plus de mille ans, personne n'avoit entrepris de célébrer ce sacrement ni de le donner autrement que sous les deux espèces. Il confond d'abord deux choses bien différentes, célébrer ce sacrement et le donner. On n'a jamais célébré que sous les deux espèces; nous en convenons, nous en avons dit la raison, tirée de la nature du sacrifice mais qu'on n'ait jamais donné que les deux espèces, c'est de quoi on dispute; et le bon ordre, pour ne pas dire la bonne foi, Examen, pag. 468.

et

ne permettoit pas qu'on mit ensemble ces deux choses comme également incontestables.

Mais ce qui ne se peut souffrir, c'est qu'on avance que durant plus de mille ans on n'ait jamais donné la communion que sous les deux espèces, et encore que ce soit une chose << de »> notoriété publique, une chose qui n'a pas be>> soin de preuve, une chose qui n'est point con>> testée. »

Il faudroit respecter la foi publique, et ne pas abuser de ces grands mots. M. Jurieu sait bien en sa conscience que nous contestons tout ce qu'il dit ici les seuls titres des articles de la première partie de ce discours font assez voir combien il y a d'occasions où nous soutenons qu'on donnoit la communion sous une espèce; je ne suis pas le premier à le dire, à Dieu ne plaise et je ne fais qu'expliquer ce qu'ont dit devant moi tous les catholiques.

Mais y a-t-il rien de moins sincère que de n'apporter ici d'exception à la communion ordinaire, que la communion des malades, et encore de n'y trouver de la différence qu'en ce qu'on y mêloit les deux espèces? Puisque M. Jurieu vouloit rapporter ce qui n'est pas contesté par les catholiques, il devoit parler autrement. Il sait bien que nous soutenons que la communion des malades consistoit, non à leur donner les deux espèces mêlées, mais à leur donner ordinairement la seule espèce du pain. Il sait bien ce que disent nos auteurs sur la communion de Sérapion, sur celle de saint Ambroise, sur les autres que j'ai marquées; et qu'en un mot nous disons que la manière ordinaire de communier les malades étoit de les communier sous une espèce. C'en est déjà trop, d'oser nier un fait si bien établi : mais de pousser la hardiesse jusqu'à dire que le contraire n'est pas contesté, je ne sais comment M. Jurieu a pu s'y résoudre.

Mais que veut-il dire, lorsqu'il assure comme une chose que nous ne contestons pas, que « jamais, durant l'espace de plus de mille ans, >> on n'a donné la communion que sous les deux » espèces, excepté dans la communion des ma» lades, où on les donnoit toutes deux mêlées >> ensemble? » Quelle exception est celle-ci, On a toujours donné les deux espèces, excepté quand on les a données mêlées ensemble? M. Jurieu a voulu mieux dire qu'il n'a dit; en assurant, comme il fait, que durant plus de mille ans on n'a jamais donné la communion que sous les deux espèces, il a bien senti qu'il falloit du moins excepter la communion des malades. Il le vouloit faire naturellement, mais en

même temps il a vu que, par cette seule exception, il perdoit le fruit d'une proposition si universelle; et que d'ailleurs il n'y avoit aucune apparence que l'ancienne Eglise ait envoyé les mourants au jugement de Jésus-Christ, après une communion faite contre son commandement. Ainsi il n'a osé dire ce qui lui étoit d'abord venu dans l'esprit, et il est tombé dans un embarras visible.

Enfin, pourquoi ne parle-t-il que de la communion des malades? D'où vient qu'il n'a rien dit dans ce récit de la communion des petits enfants, et de la communion domestique; qu'il sait bien que nous alléguons toutes deux, comme faites sous une seule espèce ? Pourquoi dissimule-t-il ce que nos auteurs ont soutenu, ce que j'ai prouvé après eux par les décrets de saint Léon et de saint Gélase, qu'il étoit libre de communier sous une ou sous deux espèces, je dis à l'Eglise même, et au sacrifice public? M. Jurieu a-t-il ignoré ces choses, pour ne rien dire du reste? A-t-il ignoré l'office du vendredi saint, et la communion qu'on y faisoit sous une seule espèce? Un homme aussi instruit n'a-t-il pas su ce qu'en ont écrit Amalarius et les autres auteurs du huitième et neuvième siècle, que nous avons rapportés? Savoir ces choses, et poser comme un fait non contesté que, durant plus de mille ans, jamais on n'a donné la communion que sous les deux espèces, n'est-ce pas trahir manifestement la vérité et sa propre conscience?

Les autres auteurs de sa communion qui ont écrit contre nous, agissent de meilleure foi. Calixte, M. du Bourdieu, et les autres, tâchent de répondre à ces objections que nous leur faisons. M. Jurieu prend une autre voie, et se contente de dire hardiment, « que durant plus » de mille ans, on n'a jamais entrepris de faire >> communier les fidèles autrement que sous les >> deux espèces, et que la chose n'est pas con>> testée. » C'est le plus court, et c'est le plus sûr, pour tromper les simples; mais il faut croire que ceux qui aimeront leur salut ouvriront les yeux, et ne souffriront pas qu'on leur impose davantage.

Il ne reste à M. Jurieu qu'un seul refuge : c'est de dire que ces communions, qu'on faisoit si souvent dans l'ancienne Eglise sous une espèce, n'étoient pas le sacrement de Jésus-Christ, non plus que la communion qu'on donne dans ses Eglises avec le pain seul à ceux qui ne boivent pas de vin. En répondant de cette sorte, il répondra selon ses principes, je l'avoue: mais je soutiens, après tout cela, qu'il n'oseroit se

servir de cette réponse, ni imputer à l'ancienne les défendre sévèrement, quand on en abuse.

Eglise cette monstrueuse pratique, où l'on donne un sacrement qui n'en est pas un, et une chose humaine dans la communion.

En tout cas, il falloit toujours, dans une histoire telle qu'il l'avoit promise, rapporter des faits si considérables. Il n'en dit pas un mot dans son récit : je ne m'en étonne pas; il n'auroit pu parler de tant de faits importants, sans montrer qu'il y avoit du moins sur ce point une grande contestation entre eux et nous; et il lui plaisoit de dire que c'est une chose qui n'a pas besoin de preuve, et qui n'est pas contestée.

Il est vrai que hors le lieu du récit, et en répondant aux objections, il dit un mot de la communion qu'on faisoit à la maison. Il se sauve, en répondant « qu'il n'est pas certain que ceux >> qui emportoient ainsi l'eucharistie avec eux » n'emportassent pas aussi le vin, et que ce der>> nier est beaucoup plus apparent. » Il n'est pas certain; ce dernier est beaucoup plus apparent. Un homme si affirmatif se défie bien de sa cause, quand il parle ainsi; mais du moins, puisqu'il doute, il ne doit pas dire que « c'est un fait sans » contestation, qu'on n'a jamais entrepris du>> rant plus de mille ans de communier les >> fidèles autrement que sous les deux espèces. >> Voilà, dès les premiers siècles de l'Eglise, une infinité de communions que lui-même n'a pas osé assurer avoir été faites sous les deux espèces. C'étoit un abus, dit-il. N'importe, il falloit rapporter le fait, la question de l'abus viendroit après, et on verroit s'il faut condamner tant de martyrs et tant d'autres saints, et toute l'Eglise des premiers siècles, qui a pratiqué cette communion domestique.

M. Jurieu tranche le mot trop hardiment : « Y a-t-il de la bonne foi, dit-il, à tirer une » preuve d'une pratique opposée à celle des » apôtres, que l'on condamne aujourd'hui, et >> qui passeroit dans l'Eglise romaine pour le » dernier de tous les attentats? >>

Ne falloit-il pas encore faire croire au monde que nous condamnons, avec lui et avec les siens, la pratique de tant de saints, comme contraire à celle des apôtres ? Mais nous sommes bien éloignés d'une si horrible témérité. M. Jurieu le sait bien; et un homme qui nous vante tant la bonne foi, en devoit avoir assez pour remarquer (ce que j'ai fait voir en son lieu) que l'Eglise ne condamne pas toutes les pratiques qu'elle change; et que le Saint-Esprit, qui la conduit, lui fait non-seulement condamner les mauvaises pratiques, mais encore en quitter de bonnes, et ' Examen, etc., Sect. vII. p. 483, 484.

Je crois que l'on voit assez la fausseté de l'histoire que nous fait M. Jurieu des premiers siècles de l'Eglise, jusqu'à mille et onze cents ans ce qu'il nous dit sur le reste n'est pas moins contraire à la vérité.

Je n'ai pas besoin de parler de la manière dont il raconte l'établissement de la présence réelle et de la transsubstantiation durant le dixième siècle : cela n'est pas de notre sujet, et d'ailleurs rien ne nous oblige à réfuter ce qu'il avance sans preuve. Mais ce qu'il faut remarquer, c'est qu'il regarde la communion sous une espèce, comme une chose qui n'est venue qu'en présupposant la transsubstantiation. A la bonne heure quand on verra désormais, comme nous l'avons fait voir invinciblement, la communion sous une espèce pratiquée dès les premiers siècles de l'Eglise et dans le temps des martyrs, on ne pourra plus douter que la transsubstantiation n'y fût dès lors établie; et M. Jurieu lui-même sera obligé d'avouer cette conséquence. Mais revenons à la suite de son histoire.

Il nous y montre la communion sous une espèce, comme une chose dont on s'avisa dans l'onzième siècle, après que la présence réelle et la transsubstantiation fut bien établie car on s'aperçut alors, dit-il 2, «< que sous une miette de >> pain, aussi bien que sous chaque goutte de vin, » étoient renfermés toute la chair et tout le sang » de Notre-Seigneur. » Qu'en arriva-t-il? Ecoutons. « Cette mauvaise raison prévalut de telle >> manière sur l'institution du Seigneur, et sur » la pratique de toute l'Eglise ancienne, que la >> coutume de communier sous la seule espèce >> du pain s'établit insensiblement dans le dou>> zième et treizième siècle. » Elle s'y établit insensiblement; tant mieux pour nous. Ce que j'ai dit est donc véritable, que les peuples se réduisirent sans contradiction et sans peine à la seule espèce du pain, tant ils étoient préparés par la communion des malades, par celle des petits enfants, par celle qu'on faisoit à la maison, par celle qu'on faisoit à l'Eglise même, et enfin par toutes les pratiques que nous avons vues, reconnoître une véritable et parfaite communion sous une espèce.

à

C'est une chose fâcheuse pour nos réformés : ils ont beau vanter ces changements insensibles, où ils mettent toute la défense de leur cause; jamais ils n'ont produit et jamais ils ne produiront aucun exemple de ces changements dans les choses essentielles. Qu'on change inSect. v. pag. 469. — 2 Nid., pag. 470.

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sensiblement et sans contradiction des choses indifférentes, il n'y a rien en cela de fort merveilleux mais, comme nous avons dit, on ne change pas si aisément la foi des peuples, ni les pratiques qu'on croit essentielles à la religion. Car alors la tradition, l'ancienne créance, la coutume même, et le Saint-Esprit qui anime le corps de l'Eglise, s'opposent à la nouveauté. Quand donc on change sans peine et sans s'en apercevoir, c'est signe qu'on ne croyoit pas la chose si nécessaire.

M. Jurieu a vu cette conséquence; et après avoir dit' que « la coutume de communier sous » la seule espèce du vin s'établit insensiblement » dans le douzième et treizième siècle, » il ajoute incontinent après : « Ce ne fut pourtant » pas sans résistance : les peuples souffroient » avec la dernière impatience qu'on leur ôtât la » moitié de Jésus-Christ; on en murmura de > toutes parts. » Il avoit dit un peu au-dessus, que ce changement, bien différent de ceux qui se font d'une manière insensible, sans opposition et sans bruit, s'étoit fait au contraire avec éclat 2. Ces messieurs content les choses comme il leur plait la difficulté présente les entraîne; et, pressés de l'objection, ils disent dans le moment ce qui semble les tirer d'affaire, sans trop songer s'il s'accorde, je ne dis pas avec la vérité, mais avec leurs propres pensées. La cause le demande ainsi, et il ne faut pas s'attendre qu'on puisse défendre une erreur d'une manière suivie. C'est l'état où s'est trouvé M. Jurieu. Cette coutume, dit-il, c'est-à-dire celle de communier sous une espèce, s'établit insensiblement; il n'y a rien de plus tranquille. Ce ne fut pourtant pas sans résistance, sans éclat, sans avoir la dernière impatience, sans murmurer de toutes parts; voilà une grande commotion. La vérité fait dire naturellement le premier, et l'attachement à sa cause fait dire l'autre. En effet, on ne trouve rien de ces murmures universels, de ces extrêmes impatiences, de ces résistances des peuples; et cela porte à établir un changement insensible. D'un autre côté, on ne veut pas dire qu'une pratique qu'on représente si étrange, si fort inouïe, si évidemment sacrilége, s'établisse sans répugnance, et sans qu'on y prenne garde. Pour éviter cet inconvénient, il faut s'imaginer de la résistance, et si on n'en trouve pas, en in

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reste. Ce qui causa ces murmures, « c'est, dit» il', que les peuples souffroient avec la der» nière impatience qu'on leur ôtât la moitié de » Jésus-Christ. » A-t-il oublié ce qu'il vient de dire, que la présence réelle leur avoit fait voir que « sous chaque miette de pain étoient ren» fermés toute la chair et tout le sang du Sei» gneur? » Songe-t-il à ce qu'il va dire dans un moment', « que si la doctrine de la trans» substantiation et de la présence réelle étoit » véritable, il est vrai que le pain renfermeroit » la chair et le sang de Jésus-Christ? » Où étoit donc ici cette moitié de Jésus-Christ retranchée, que les peuples souffroient, selon lui, avec la dernière impatience? Si on veut leur donner des plaintes, qu'on leur en donne du moins qui soient conformes à leurs sentiments, et qu'on les fasse vraisemblables.

Mais c'est qu'en effet il n'y en eut point. Aussi M. Jurieu ne nous en fait-il paroître aucune dans les auteurs du temps. La première contradiction est celle qui donna lieu à la décision du concile de Constance, en l'an 1415. Elle commença en Bohême, ainsi que nous l'avons vu, sur la fin du quatorzième siècle : et si, selon le récit de M. Jurieu, la coutume d'une seule espèce commence au siècle onzième, si on ne commence à s'en plaindre, et encore dans la Bohême toute seule, que vers la fin du quatorzième siècle, de l'aveu de notre ministre, trois cents ans entiers se seront passés sans qu'un changement si étrange, si hardi, si nous l'en croyons, si visiblement opposé à l'institution de Jésus-Christ, et à toute la pratique précédente, ait fait aucun bruit. Le croira qui voudra : je sais bien, pour moi, que pour le croire il faut avoir étouffé les reproches de sa conscience.

M. Jurieu en aura, sans doute, de se voir forcé par sa cause à déguiser la vérité en tant de manières dans un récit historique, c'est-àdire, dans un genre de discours qui demande plus que tous les autres la candeur et la bonne foi.

Il ne propose pas même l'état de la question sincèrement. « L'état de la question, dit-il, est >>fort aisé à comprendre » il le va donc dire nettement. Voyons. « On demeure d'accord, » poursuit-il, que, quand on communie les fi» dèles, tant du peuple que du clergé, on est » obligé de leur donner le pain à manger: mais » on prétend qu'il n'en est pas de même de » la coupe. » Il ne veut pas seulement songer que nous croyons la communion également va

1 Sect. v. pag. 470. — Ibid., p. 469.3 Sect. vI. p. 480.4 Sect. v. p. 464.

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