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CONCLUSION.

Exhortation à nos adversaires, de retourner à l'unité de l'Eglise.

Après vous avoir proposé ces choses en toute sincérité et candeur, je vous laisse maintenant juger, nos chers Frères, ce que vous devez croire de votre ministre, qui non-seulement vous entretient de si vains discours, mais, ce qui est encore plus insupportable, qui vous débite tant de faussetés sous le titre de Catéchisme. Rappelez en votre mémoire que l'ordre de son discours exigeant de lui qu'il tâchât de mettre quelque différence entre nos ancêtres et nous, il a entrepris de prouver que nous ruinions le fondement du salut : et nous avons fait voir sans difficulté, que, la vérité lui manquant, il a eu recours à la calomnie. Si telle est la sainteté de notre doctrine, qu'il faille la déguiser nécessairement quand on veut la rendre odieuse, avouez que les reproches de votre ministre sont la justification de notre innocence. Je ne vous apporterai point en ce lieu des témoignages qui vous soient suspects; vous pouvez apprendre dans son Catéchisme que c'est la haine et la passion qui produit les invectives sanglantes par lesquelles vos prédicants tâchent de décrier notre foi. Ne vous dit-on pas tous les jours que vos pères ont quitté l'Eglise romaine, comme la Babylone maudite dont il est parlé dans l'Apocalypse'? Et cependant votre catéchiste, qui nous fait le même reproche, confesse qu'elle engendroit les enfants de Dieu; et, par conséquent, il ne peut nier qu'elle ne fût une vraie Eglise. Quel aveuglement ou quelle fureur, de détester, comme Babylone, la mère et la nourrice des enfants de Dieu! Combien de fois vous a-t-on prêché que c'est une idolâtrie de prier les saints? certes, si c'est une idolâtrie, c'est le plus damnable de tous les crimes. Toutefois, le ministre avoue, et il vous enseigne dans un Catéchisme, que cette prière n'empêche pas le salut, et n'en détruit pas les fondements. Donc c'est une horrible infidélité, de la qualifier une idolâtrie, et d'accuser les chrétiens innocents d'un crime si noir et si exécrable. Ne devez-vous pas craindre justement que les autres points de notre créance ne vous soient proposés dans la même aigreur; et êtes-vous si peu soigneux de votre salut, que vous ne vouliez pas donner quelque temps à vous faire éclaircir de la vérité ? souvenez-vous par quelles injures et par combien de titres infàmes on déchire parmi vous l'Eglise romaine.

↑ Voyez ci-dessus, Seconde Vérité, ch. 5. ? Voyez Première Vérité, sect. 1. ch. 5.

1

Néanmoins, si vous raisonnez selon les principes de votre ministre, vous trouverez qu'elle a retenu tous les fondements de la foi ; et ainsi, que selon vos propres maximes, elle mérite le titre d'Eglise car vous l'accordez par acte public à la secte luthérienne; quoique vous la croyiez infectée d'erreurs, parce que vous jugez qu'elle a conservé les principes essentiels du christianisme. Si donc ils sont entiers en l'Eglise romaine, si ensuite elle est une vraie Eglise, comment pouvez-vous soutenir les injures dont vous la chargez? Et d'ailleurs, si les catholiques possèdent l'Eglise; puisqu'il seroit ridicule de s'imaginer que vous fassiez un même corps avec nous, ne paroît-il pas clairement que, n'étant pas en notre unité, vous ne pouvez pas être en l'Eglise, et que votre perte est indubitable? Que reste-t-il donc, nos chers Frères, sinon que vous retourniez à l'Eglise, en laquelle on vous a prêché que nos ancêtres faisoient leur salut jusqu'au milieu du siècle passé, et à laquelle on ne peut montrer qu'elle ait depuis ce tempslà changé sa doctrine ; de sorte que, si vous étiez en son unité, quoi que l'on objectât contre votre foi, vous auriez la consolation de voir que nos adversaires ne pourroient nier que plusieurs des enfants de Dieu ne soient morts en cette créance, et que Jésus-Christ n'ait reçu en son paradis des chrétiens qui le servoient comme nous? vous auriez la consolation d'être en la société d'une Eglise à laquelle on ne peut reprocher qu'elle soit nouvellement établie, à laquelle, quoi qu'on puisse dire, du moins n'oseroiton dénier que, depuis le temps des apôtres jusqu'à nos jours, elle n'ait confessé sans interruption, et la Trinité adorable, et le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et la rédemption par son sang, et les mystères de son Evangile et les fondements du christianisme. Votre nouveauté s'égalera-t-elle à cette antiquité vénérable, à cette constance de tant de siècles, et à cette majesté de l'Eglise ? Qui êtes-vous, et d'où venez-vous? à qui avez-vous succédé? et où étoit l'Eglise de Dieu, lorsque vous êtes tout d'un coup parus dans le monde? Et ne recourez plus désormais à ce vain asile d'Eglise invisible, réfuté par votre ministre, mais recherchez les antiquités chrétiennes, lisez les historiens et les saints docteurs; montrez-nous que, depuis l'origine du christianisme, aucune Eglise vraiment chrétienne se soit établie en se séparant de toutes les autres. Si jamais les orthodoxes ne l'ont

1 Voyez Seconde Vérité, ch. 4. 2 Voyez Première Vérité, sect. 1. * Voyez ci-dessus, sect. 11. ch. 2.

pratiqué, si tous les hérétiques l'ont fait, si vous êtes venus par la même voie; regardez à qui vous êtes semblables, et craignez la peine de ceux dont vous imitez les mauvais exemples. Vous vous plaignez de nos abus et de nos désordres; êtes-vous si étrangement aveuglés, que vous croyiez qu'il n'y en ait point parmi vous? Toutefois, je ne m'arrête point à vous les décrire; car cette dispute seroit inutile, et je tranche en un mot la difficulté s'il y a des abus en l'Eglise, sachez que nous les déplorons tous les jours; mais nous détestons les mauvais desseins de ceux qui les ont voulu réformer par le sacrilége du schisme. C'est là le triomphe de la charité, d'aimer l'unité catholique, malgré les troubles, malgré les scandales, malgré les déréglements de la discipline qui paroissent quelquefois dans l'Eglise; et celui-là entend véritablement ce que c'est que la fraternité chrétienne, qui croit qu'il n'y a aucune raison pour laquelle elle puisse être violée. Dieu saura bien, quand il lui plaira, susciter des pasteurs fidèles qui réformeront les mœurs du troupeau, qui rétabliront l'Eglise en son ancien lustre, qui ne sorti

ront pas dehors pour la détruire, comme ont fait vos prédécesseurs, mais qui agiront au dedans pour l'édifier. C'est pourquoi nous vous conjurons que vous fassiez enfin pénitence de cette pernicieuse entreprise de nous réformer en nous divisant, et d'avoir ajouté le malheur du schisme à tous les autres maux de l'Eglise. « Et »> ne vous persuadez pas, ce sont les paroles de » saint Cyprien1, que vous défendiez l'Evangile » de Jésus-Christ, lorsque vous vous séparez de >> son troupeau, et de sa paix et de sa concorde, » étant plus convenable à de bons soldats de de» meurer dans le camp de leur capitaine ; et là » de pourvoir d'un commun avis aux choses » qui seront nécessaires. Car puisque l'unité >> chrétienne ne doit pas être déchirée, et que » d'ailleurs il n'est pas possible que nous quit» tions l'Eglise pour aller à vous, nous vous >> prions, de tout notre cœur, que vous reveniez » à l'Eglise, qui est votre mère, et à notre fra» ternité; » afin que les nations infidèles, que nos divisions ont scandalisées, soient édifiées par notre concorde.

'Cypr., Epist. xxix. nune XLIV. p. 58.

CONFÉRENCE AVEC M. CLAUDE,

MINISTRE DE CHARENTON,

SUR LA MATIÈRE DE L'ÉGLISE.

:

AVERTISSEMENT.

Je n'avois pas dessein de mettre au jour cette Conférence, non plus que les Instructions dont elle fut accompagnée. La Conférence et les Instructions avoient pour objet la conversion d'une personne particulière; et ayant eu leur effet, rien n'obligeoit à en faire davantage de bruit. Mais comme je n'affectois pas d'en publier le récit, je n'affectois pas non plus de le tenir caché. J'en donnai un exemplaire à mademoiselle de Duras, qui le souhaita il étoit juste. Je consentis sans peine qu'on le communiquât à quelques-uns de messieurs de la religion prétendue réformée, qui désirèrent le voir, parce qu'on crut qu'il seroit utile à leur instruction. Ce mème motif m'a porté à le communiquer à quelques autres de ces messieurs, ou par moi-même, ou par des amis interposés. Ainsi il a passé en plusieurs mains: il s'en est fait des copies sans que je le susse; elles se sont répandues; elles se sont altérées : quelques-uns ont abrégé le récit que j'avois fait, ou l'ont tourné à leur mode : enfin, on l'a imprimé à Toulouse sur une mauvaise copie; et je ne puis plus m'empêcher de le donner tel que je l'ai rédigé moi-même, avec beaucoup de fidélité et de religion.

Au sortir de la Conférence, je la racontai toute entière à M. le duc de Richelieu, et à madame la duchesse sa femme, en présence de M. l'abbé Testų. Le zèle particulier qu'ils avoient pour la conversion de mademoiselle de Duras le leur fit ainsi désirer. Je leur avois déjà récité les conversations précédentes. Le lendemain, je fis le même récit à quelques-uns de mes amis particuliers, du nombre desquels étoit M. l'évêque de Mirepoix. J'étois plein de la chose, et je la racontai naturellement. Tous ces messieurs m'exhortèrent à la mettre par écrit, pendant que j'en avois la mémoire fraiche, et me firent voir, par plusieurs raisons, que ce soin ne seroit pas inutile. Je les crus. On me vit écrire avec la rapidité qui paroît lorsqu'on écrit des faits qu'on a présents, sans se

mettre en peine du style; et ces messieurs remarquèrent, dans la narration écrite, la même simplicité qu'ils avoient tous ressentie dans le récit de vive voix. Mademoiselle de Duras reconnut, dans mon discours, la vérité toute pure, et j'espère que ceux qui le liront sans prévention en auront la même pensée.

:

Après que mon récit se fut répandu, comme je l'ai dit, il en tomba une copie entre les mains de M. Claude, ainsi qu'il le témoigne lui-même; et il répandit de son côté, avec une Réponse aux instructions que j'avois données en particulier à mademoiselle de Duras, une Relation de notre conférence fort différente de celle-ci. A dire franchement ce que je pense, cette relation ne fait honneur ni à lui ni à moi : nous y tenons tour à tour 'de longs discours assez languissants, assez traînants, assez peu suivis. Dans la relation de M. Claude, on revient souvent d'où on est parti, sans qu'on voie par où on y rentre. Ce n'est pas ainsi que nous agîmes, et notre dispute fut suivie et assez serrée. Dans ces sortes de disputes, on s'échauffe naturellement comme dans une espèce de lutte ainsi la suite est plus animée que ne sont les commencements. On se tâte, pour ainsi dire, l'un l'autre, dans les premiers coups qu'on se porte : quand on s'est un peu expliqué, quand on croit avoir découvert où chacun met la difficulté, et avoir, pour ainsi parler, senti le foible, tout ce qui suit est plus vif et plus pressant. Si tout cela se trouve aussi naturel dans le récit de M. Claude que dans le mien, le lecteur en jugera. De la manière que le sien est tourné, plusieurs auront peine à croire qu'il n'ait pas été du moins rajusté et raccommodé sur la lecture du mien. Mais je ne veux point m'arrêter à ces réflexions. Tout le monde ne sait pas sentir dans les discours, non plus que dans les tableaux, ce qu'il y a d'original, et, pour ainsi dire, de la première main.

Je ne veux non plus employer ici le reproche odieux de mauvaise foi. On ne se souvient pas toujours si exactement ni des choses qui ont été dites,

ni de l'ordre dont elles l'ont été souvent on confond dans son esprit ce qu'on a pensé depuis, avec ce qu'on a dit en effet dans la dispute ; et sans dessein de mentir, il se trouve qu'on altère la vérité. Ce que je dirai de M. Claude, il le pourra dire de moi. Notre conversation s'est faite en particulier; et aucun de nous ne peut produire des témoins indifférents ainsi chacun jugera de la vérité de nos récits suivant ses préventions. Je ne prétends point tirer avantage du succès de la conférence, qui fut suivie de la conversion de mademoiselle de Duras: c'est l'œuvre de Dieu, dont il faut lui rendre grâces: c'est un exemple pour ceux qui se trouvent bien disposés : mais ce n'est pas un argument pour des opiniâtres. Les catholiques regarderont ce changement d'une façon, et les prétendus réformés d'une autre. Ainsi, quand nous nous mettrons, M. Claude et moi, à soutenir chacun son récit, il n'en résultera qu'une dispute, dont le public n'a que faire. Et qu'importe au fond, dira le lecteur, qui des deux ait eu l'avantage? La cause ne réside pas dans ces deux hommes, qui se montreroient trop vains, et par là même trop peu croyables, s'ils vouloient que tout le monde, et leurs amis aussi bien que leurs adversaires, les en crussent également sur leur parole. Dans ces altercations, ce que le sage lecteur peut faire de mieux, c'est de s'attacher au fond des choses; et sans se soucier des faits personnels, considérer la doctrine que chacun avance.

La matière qui est traitée dans tout ce récit est aussi claire qu'elle est importante. C'est la matière de l'Eglise. Nos adversaires font peu de cas de cette dispute, et on leur entend toujours dire qu'il en faut venir au fond, en laissant à part, comme une formalité peu nécessaire, tous les préjugés qu'on tire de l'autorité de l'Eglise : comme si ce n'étoit pas une partie essentielle du fond, d'examiner par quelle autorité et par quel moyen Jésus-Christ a voulu que les chrétiens se résolussent sur les disputes qui doivent naître dans son Eglise. Les catholiques prétendent que ce moyen, c'est d'écouter l'Eglise même. Ils prétendent qu'un particulier ne se doit résoudre qu'avec tout le corps, et qu'il hasarde tout quand il se résout par une autre voie. Ils prétendent que pour savoir en quelle Eglise il faut demeurer, il ne faut que savoir quelle est celle qu'on ne peut jamais accuser de s'être formée en se séparant; celle qu'on trouve avant toutes les séparations; celle dont toutes les autres se sont séparées. Sans sortir de notre maison, nos parents mêmes nous montreront cette Eglise. Interrogez votre père, et il vous le dira; demandez à vos ancêtres, et ils vous l'annonceront'. Selon cette règle, quiconque peut montrer à toute une Eglise, à toute une société de pasteurs et de peuple, le

1 1 Deut., XXXII. 7.

commencement de son être, et un temps, quel qu'il soit, durant lequel elle n'étoit pas, l'a convaincue dès là de n'être pas une Eglise vraiment chrétienne. Voilà notre prétention; et nous ne prétendons pas que, dans cette question, il s'agisse d'une simple formalité. Nous soutenons qu'il s'agit d'un article fondamental, contenu dans ces paroles du Symbole, Je crois l'Eglise catholique ; article d'ailleurs de telle importance, qu'il emporte la décision de tous les autres. Mais autant que ce point est décisif, autant est-il clair; et on n'en peut pas parler longtemps sans que le foible paroisse bientôt de part ou d'autre. Disons mieux : lorsqu'un catholique, tant soit peu instruit, entreprend un protestant sur ce point, ce protestant, quelque habile et quelque subtil qu'il soit, se trouvera infailliblement réduit, non pas toujours à se taire, mais, ce qui n'est pas moins fort que le silence, à ne dire, quand il voudra parler, que de visibles absurdités.

C'est ce qui est ici arrivé à M. Claude, par le seul défaut de sa cause; car on verra qu'il l'a défendue avec toute l'habileté possible, et si subtilement, que je craignois pour ceux qui écoutoient; car je sais ce qu'écrit saint Paul, de tels discours. Mais enfin, il le faut dire à pleine bouche: la vérité a remporté une victoire manifeste. Ce que M. Claude avoue ruine sa cause : les endroits où M. Claude est demeuré sans réponse, sont des endroits qui, en effet, n'en souffrent point.

Et afin qu'on ne dise pas que j'avance ce que je veux, ou que je veux maintenant, contre ce que je viens de déclarer, qu'on m'en croie sur ma parole: deux choses vont faire voir, quelque opinion qu'on veuille avoir de moi, qu'en ce point il faut me croire nécessairement.

La première, c'est qu'appuyé sur la force de la vérité, et sur la promesse de celui qui dit, qu'il nous donnera une bouche, et une parole, à laquelle nos adversaires ne pourront pas résister'; partout où M. Claude dira qu'il n'a pas avoué ce que je lui fais avouer dans le récit de la conférence, je m'engage, dans une seconde conférence, à tirer de lui encore le même aveu ; et partout où il dira qu'il n'est pas demeuré sans réponse, je le forcerai, sans autre argument que ceux qu'il a déjà ouïs, à des réponses si visiblement absurdes, que tout homme de bon sens avouera qu'il valoit encore mieux se taire que de s'en être servi.

Et de peur qu'on ne dise (car dans une affaire où il s'agit du salut des âmes, il faut, autant qu'on peut, tout prévenir): de peur donc, encore une fois, qu'on ne dise que M. Claude peut-être aura pris un mauvais tour, par lequel il se sera engagé dans des inconvénients; je soutiens, au contraire, que cet avantage est tellement dans notre cause,

'Luc., XXI. 15.

que tout ministre, tout docteur, tout homme vivant succombera de la même sorte à de pareils arguments.

Ceux qui voudront faire cette épreuve, verront que ma promesse n'est pas vaine. Que si on dit que je présume de mes forces; maintenant que je m'examine moi-même devant Dieu, si cette présomption m'avoit fait parler, je désavouerois tout ce que j'ai dit. Au lieu de me promettre aucun avantage, je me tiendrois pour vaincu en ne me fiant qu'à mon bras et en mes armes; et, loin de défier les forts, à l'exemple de David', je me rangerois avec ceux dont le même David a chanté, que les flèches des enfants les ont percés, et que leur propre langue, trop foible pour les défendre, s'est enfin tournée contre eux-mêmes 2.

L'instruction que j'offre en général aux prétendus réformés, je l'offre en particulier à ceux du diocèse de Meaux, que je dois porter plus que tous les autres dans mes entrailles. Ceux qui refuseront cette Instruction chrétienne, pacifique, fraternelle et paternelle, autant que concluante et décisive, je leur dirai, comme saint Paul, avec douleur et gémissement, car on ne se console pas de la perte de ses enfants et de ses frères : Je suis net du sang d'eux tous 3.

Voilà la première chose qui fera voir que je n'impute rien à M. Claude pour me donner de l'avantage. La seconde, c'est que M. Claude lui-même, au milieu de ce qu'il m'oppose, et parmi tous les tours qu'il donne à notre dispute, avoue encore au fond ce dont il s'agissoit entre nous, ou le tourne d'une manière à faire voir qu'il ne peut pas entièrement le désavouer. Mais tout ceci s'entendra mieux quand, après les Instructions et la Conférence, on lira encore les réflexions que je ferai sur l'écrit de M. Claude.

Il faut de l'attention pour prendre toute la suite de ces Instructions: car, quelque facilité qu'il ait plu à Dieu nous faire trouver dans une matière où il montre aux plus ignorants comme aux plus habiles la voie du salut ouverte, il n'a voulu décharger personne de l'attention dont il est capable; et comme les entretiens qu'on va voir sont nés à l'occasion des articles XIX et xx de mon traité de l'Exposition, la lecture de ces deux articles, qui ne coûtera qu'un demi-quart d'heure, facilitera l'intelligence de tout cet ouvrage, quoique j'espère d'ailleurs qu'il se soutiendra par lui-même.

Au reste, cette lecture ne sera pas inutile aux catholiques; ordinairement ils négligent trop les livres de controverse. Appuyés sur la foi de l'Eglise, ils ne sont pas assez soigneux de s'instruire dans les ouvrages où leur foi seroit confirmée, et où ils trouveroient les moyens de ramener les errants. On n'en usoit pas ainsi dans les premiers

' 1. Reg., xvII. 45. - Ps. LXIII. 8, 9. .-3 Act., xx. 29.

siècles de l'Eglise : les traités de controverse, que faisoient les Pères, étoient recherchés par tous les fidèles. Comme la conversation est un des moyens que le Saint-Esprit nous propose pour attirer les infidèles et ramener les errants, chacun travailloit à rendre la sienne fructueuse et édifiante par cette lecture. La vérité s'insinuoit par un moyen si doux; et la conversation attiroit ceux qu'une dispute méditée n'auroit peut-être fait qu'aigrir. Mais afin qu'on lise les ouvrages que nous faisons sur la controverse, comme on lisoit ceux des Pères, tâchons, comme les Pères, de les remplir, nonseulement d'une doctrine exacte et saine, mais encore de piété et de charité; et autant que nous pourrons, corrigeons les sécheresses, pour ne point dire l'aigreur, qu'on trouve trop souvent dans de tels livres.

CONFÉRENCE AVEC M. CLAUDE,

MINISTRE DE CHARENTON,

SUR LA MATIÈRE DE L'ÉGLISE.

Mademoiselle de Duras, ayant quelque doute sur sa religion, m'avoit fait demander par diverses personnes de qualité si je voudrois bien conférer en sa présence avec M. Claude. Je répondis que je le ferois de bon cœur, si je voyois que cette conférence fût nécessaire à son salut. Ensuite elle se servit de l'entremise de M. le duc de Richelieu, pour m'inviter à me rendre à Paris le mardi, dernier février 1678, et à entrer en conférence le lendemain avec ce ministre, sur la matière dont elle me parleroit. C'étoit pour me l'indiquer qu'elle souhaita de me voir avant la conférence. Comme je me fus rendu chez elle au jour marqué, elle me fit connoître que le point sur lequel elle désiroit s'éclaircir avec son ministre étoit celui de l'autorité de l'Eglise, qui lui sembloit renfermer toute la controverse. Il me parut qu'elle n'étoit pas en état de se résoudre sans cette conférence; si bien que je la jugeai absolument nécessaire.

Je lui dis que ce n'étoit pas sans raison qu'elle s'attachoit principalement, et même uniquement, à ce point qui renfermoit en effet la décision de tout le reste, comme elle l'avoit remarqué; et sur cela je tâchai de lui faire encore mieux entendre l'importance de cet article.

C'est une chose, lui dis-je, assez ordinaire à vos ministres de se glorifier que la créance des fondements de la foi ne leur peut être contestée. Ils disent que nous croyons tout ce qu'ils croient, mais qu'ils ne croient pas tout ce que nous

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