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comme nous faisons, ceux qui nioient que la sainte messe fût une institution divine, qui rejetoient la vénération des images, et la primauté de l'Eglise romaine; ce qui montre sans difficulté qu'il n'y a aucun de ces points qui détruise les fondements du salut, puisqu'ils n'ont pas empêché celui de nos pères. D'ailleurs, nous avons lu dans saint Augustin tout ce que l'Eglise catholique enseigne touchant la justification des pécheurs, la vérité de notre justice et le mérite des bonnes œuvres. Et néanmoins le ministre avoue que la religion de saint Augustin n'est point opposée à la sienue'. Enfin, nous avons vu clairement que le même saint Augustin a cru, comme nous, que c'est une pieuse pratique d'implorer le secours des saints, et que les âmes des fidèles peuvent être en tel état hors de cette vie qu'elles reçoivent du soulagement par nos sacrifices. De là il s'ensuit que notre adversaire est contraint nécessairement, ou à désavouer ses propres maximes, ou à confesser que l'Eglise romaine a conservé tous les fondements du salut, et qu'il ne peut trouver en notre créance aucun sujet de séparation.

CHAPITRE IV.

Que la réformation prétendue est une rébellion contre l'Eglise de l'infaillibilité de l'Eglise.

Si la réformation prétendue confesse ellemême sa nouveauté, s'il ne lui est pas possible d'excuser son schisme, elle ne peut aussi nier sa rébellion, en ce qu'elle a refusé d'écouter l'Eglise. Faisons donc connoître à nos adversaires que jamais ils ne se sont soumis à son jugement; et que ce crime est inexcusable.

Je sais bien qu'ils ont témoigné dans les commencements de leur schisme, qu'ils consentiroient volontiers qu'un concile terminat les difficultés. Mais encore qu'en apparence ils reconnussent l'autorité du concile, il n'y avoit rien de plus opposé ni à leur intention, ni à leur doctrine. Et Luther le témoigne assez dans le livre qu'il écrit contre les évêques. Car comme en l'assemblée de l'Empire, à Vormes, il avoit parlé aux évêques avec quelque sorte de déférence, il se repent de sa modestie, il déclare

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évêques, en vérité veut-il reconnoître la sainte autorité des conciles? Et qui ne voit, par son procédé, que si ceux qui ont suivi son parti ont tant sollicité l'Empereur de faire convoquer un concile, ce n'est pas qu'ils eussent dessein de se rapporter à son jugement; mais c'est qu'ils vouloient abuser le peuple par une soumission apparente?

Et certes, sans rechercher dans l'histoire les marques de la rébellion de nos adversaires, il suffit que nous leur montrions que leur doctrine est si peu modeste, qu'elle ne souffre pas que l'on se soumette à l'autorité de l'Eglise. Car d'où vient qu'ils ont enseigné, d'où vient que le catéchiste le prêche, que l'Eglise non-seulement peut errer, mais encore qu'elle a erré souvent 1? N'est-ce pas afin d'avoir un prétexte pour mépriser ses décisions? En effet, leur maître Calvin, bien loin de soumettre les particuliers aux déterminations des conciles, soumet les déterminations des conciles à l'examen des particuliers. Car parlant de l'autorité de ces assemblées vénérables, « Je ne prétends pas en ce lieu, dit-il, » que l'on casse tous les décrets des conciles: » toutefois, poursuit-il, vous m'objecterez que » je les range tellement dans l'ordre, que je >> permets à tout le monde indifféremment de >> recevoir ou de rejeter ce que les conciles au>> ront établi. Nullement, ce n'est pas là ma >> pensée. » Vous diriez qu'il s'en éloigne beaucoup; mais il accordera bientôt dans la suite ce qu'il semble dénier dans les premiers mots. « Lorsque l'on apporte, dit-il, la décision d'un » concile, je désire premièrement que l'on con» sidère en quel temps, et sur quel sujet, et >> pour quel dessein il a été assemblé, et quelles >> personnes y ont assisté après, que l'on exa» mine le point principal selon la règle de l'E» criture, de sorte que la définition du concile >> ait son poids, et qu'elle soit comme un pré» jugé, toutefois qu'elle n'empêche pas l'exa>> men. >> Peut-on se révolter plus visiblement contre la majesté des conciles? Car puisqu'il veut que l'on examine, il veut par conséquent que l'on juge. Et à qui appartiendra ce pouvoir? Sera-ce à un autre concile? Mais il sera sujet au même examen. Si les particuliers l'entreprennent, donc un particulier jugera des assemblées de toute l'Eglise; après qu'elle aura prononcé, il croira que c'est à lui de résoudre si elle a bien décidé les difficultés, et il osera présumer que peut-être il entend mieux l'Ecriture qu'elle? Est-il rien de plus téméraire, et combien étrange est cette doctrine qui nourrit 1 Pag. 49. Lib. v. Inst., ch, 9,

et qui entretient les esprits dans une arrogance si démesurée ? Si nos adversaires répondent que c'est le Saint-Esprit qui les guide, c'est en cela même que l'orgueil est insupportable, que des particuliers osent croire que le Saint-Esprit les instruise de la vérité, et qu'il abandonne à l'erreur le corps de l'Eglise n'est-ce pas se préférer à l'Eglise même? Que si ce sentiment leur paroît horrible, il faut nécessairement qu'ils confessent que le Saint-Esprit gouverne l'Eglise dans toutes les déterminations de la foi; et que ceux qui nient cette vérité, se soulèvent ouvertement contre l'autorité légitime.

Si les calvinistes nous disent que ce privilége d'infaillibilité ne peut appartenir qu'à la vraie Eglise, et qu'il leur faut prouver que la nôtre mérite ce titre, avant que de les obliger à lui obéir; qu'ils se remettent en la mémoire que l'Eglise en laquelle nous sommes étoit encore la vraie Eglise, quand leurs pères s'en sont séparés, puisqu'elle engendroit les enfants de Dieu, ainsi que leur ministre confesse. Que si elle engendroit des enfants, qui doute qu'elle ne pût les nourrir? Certes, la terre qui produit les plantes leur donne leur nourriture et leur aliment; et la nature ne fait jamais une mère qu'elle ne fasse en même temps une nourrice. Que si la Providence divine a établi ce bel ordre dans tout l'univers, aura-t-elle oublié l'Eglise qu'elle a choisie dès l'éternité pour y faire éclater sa sagesse? Par conséquent, si l'Eglise romaine étoit encore la vraie Eglise, lorsque nos adversaires s'en sont retirés, il est clair qu'elle nourrissoit les fidèles de Jésus-Christ. Et qui ne sait que la nourriture des enfants de Dieu, c'est sa parole et sa vérité? De là vient que le Saint-Esprit, qui opère continuellement dans la vraie Eglise, pour la rendre toujours féconde, lui est aussi donné comme maitre qui lui enseigne la saine doctrine, afin qu'elle allaite comme nourrice ceux qu'elle aura conçus comme mère ce qui montre bien que la vérité est inséparable de la sainte Eglise. Si donc les principes de nos adversaires prouvent que l'Eglise qu'ils ont quittée étoit encore l'Eglise de Dieu dans le temps qu'ils en sont sortis, n'est-ce pas une rébellion manifeste de ne s'être pas souInis à son jugement?

Les calvinistes se persuadent que cette doctrine que nous enseignons, de l'infaillibilité de l'Eglise, tend à la faire juge souveraine même de l'Ecriture divine; mais ils sont bien éloignés de notre pensée. Je ne dispute point en ce lieu si l'Ecriture sainte est claire ou obscure; il me suffit que nous confessons tous d'un commun

accord, que c'est sur le sens de cette Ecriture que toutes les questions ont été émues. Nous ne disons donc pas que l'Eglise soit juge de la parole de Dieu, mais nous assurons qu'elle est juge des diverses interprétations que les hommes donnent à la sainte parole de Dieu; et que c'est à elle qu'il appartient, à cause de son autorité magistrale, de faire le discernement infaillible entre la fausse explication et la véritable.

Nos adversaires nous repartirons qu'il faut que chaque fidèle en particulier discerne la bonne doctrine d'avec la mauvaise par l'assistance du Saint-Esprit ; ce que nous accordons volontiers, et jamais nous ne l'avons dénié : aussi n'est-ce pas en ce point que consiste la difficulté. Il est question de savoir de quelle sorte se fail ce discernement. Nous croyons que chaque particulier de l'Eglise le doit faire avec tout le corps et par l'autorité de toute la communion catholique, à laquelle son jugement doit être soumis ; et cette excellente police vient de l'ordre de la charité, qui est la vraie loi de l'Eglise : car lorsque Jésus-Christ l'a fondée, le dessein qu'il se proposoit c'est que ses fidèles fussent unis par le lien d'une charité indissoluble. C'est pourquoi il n'a pas permis que chacun jugeât en particulier des articles de la foi catholique, ni du sens des Ecritures divines; mais, afin de nous faire chérir davantage la communion et la paix, il lui a plu que l'unité catholique fût la mamelle qui donnât le lait à tous les particuliers de l'Eglise, el que les fidèles ne pussent venir à la doctrine de vérité que par le moyen de la charité et de la société fraternelle.

De là vient que nous voyons dans les Actes qu'une grande question s'étant élevée touchant les cérémonies de la loi, l'Eglise s'assembla pour la décider; et après l'avoir bien examinée, elle donna son jugement en ces mots : Il a plu au Saint-Esprit et à nous '... Cette façon de parler si peu usitée dans les saintes lettres et qui semble mettre dans un même rang le Saint - Esprit et ses serviteurs; en cela même qu'elle est extraor dinaire, avertit le lecteur attentif que Dieu veut faire entendre à l'Eglise quelque vérité importante; car il semble que les apôtres se devoient contenter de dire que le Saint-Esprit s'expliquoit par leur ministère : mais Dieu qui les gouvernoit intérieurement par une sagesse profonde, considérant par sa providence combien il étoit important d'établir en termes très-forts l'inviolable autorité de l'Eglise dans la première de ses assemblées, leur inspira cette expression magnifique Il a plu au Saint-Esprit et à nous; afiu

t Act., xv. 28.

que tous les siècles apprissent, par un commencement si remarquable, que les fidèles doivent écouter l'Eglise, comme si le Saint-Esprit leur parloit lui-même.

Et il seroit ridicule de nous objecter que cette autorité magistrale, qui décide les questions avec une certitude infaillible, n'a été dans l'Eglise qu'au temps des apôtres; car celte pensée seroit raisonnable, si toutes les questions sur les saintes lettres eussent dû aussi finir avec eux. Mais, au contraire, le Saint-Esprit prévoyant que chaque siècle auroit ses disputes, dès la première qui s'est élevée, nous donne le modèle assuré selon lequel il faut terminer les autres quand il est ainsi nécessaire pour le bien et pour le repos de l'Eglise. Tellement qu'il appartiendra à l'Eglise, tant qu'elle demeurera sur la terre, de dire, à l'imitation des apôtres : Il a plu au Saint-Esprit et à nous. En effet, les anciens docteurs ont attribué constamment à l'esprit de Dieu ce qu'ils voyoient reçu par toute l'Eglise et c'est pour cette raison que saint Augustin parlant de la coutume de communier avant que d'avoir pris aucun aliment, « il a plu, dit-il ', au Saint-Es>> prit que le corps de Notre-Seigneur fût la pre» mière nourriture qui entrât en la bouche du >> chrétien.» Il est digne d'observation qu'encore que cette coutume ne soit appuyée sur aucun témoignage de l'Ecriture, toutefois il ne craint pas d'assurer que le Saint - Esprit le veut de la sorte, parce qu'il voit le consentement de l'Eglise universelle. C'est pourquoi le même saint Augustin disputant du baptême des petits enfants: Il faut, dit-il, « souffrir ceux qui errent » dans les questions qui ne sont pas encore » bien examinées, qui ne sont pas pleinement » décidées par l'autorité de l'Eglise; c'est là que >> l'erreur se doit tolérer mais il ne doit pas »entreprendre d'ébranler le fondement de l'E» glise.» Ainsi cet incomparable docteur, nonseulement ne permet pas qu'on dispute après que l'Eglise a déterminé; mais il estime qu'on sape le fondement quand on révoque en doute ce qu'elle décide. C'est à cause que par un tel doute son infaillibilité est détruite et cette infaillibilité est le fondement parce qu'elle a été donnée à l'Eglise pour affermir les esprits flottants, aussi bien que pour réprimer les présomptueux.

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Ce qui doit encore nous faire connoitre quelle étoit la déférence de saint Augustin pour les déterminations de l'Eglise, c'est ce qu'il écrit de saint Cyprien, et du baptême donné par les hérétiques. Saint Cyprien avoit enseigné qu'il ne méritoit pas le nom de baptême. Saint Augustin soutenoit avec l'Eglise, qu'un hérétique peut baptiser: « Mais, dit-il 1, nous n'oserions >> pas l'assurer nous-mêmes, si nous n'étions >>> fondés sur l'autorité de l'Eglise universelle; » à laquelle saint Cyprien auroit cédé très-cer>> tainement, si la vérité éclaircie eût été dès lors >> confirmée par un concile universel. » Où je trouve très-remarquable que ce qu'il enseigne si constamment comme une vérité catholique, il avoue qu'il n'oseroit pas l'assurer sans l'autorité de l'Eglise ; il faut donc qu'il estime l'Eglise infaillible, puisqu'elle seule le fait parler hardiment et sans aucun doute. Et ce qui le montre sans difficulté, c'est qu'encore que saint Cyprien eût été ouvertement d'un avis contraire à celui qui étoit reçu dans l'Eglise, il ne doute pas que ce saint martyr n'eût cédé, si elle avoit jugé de son temps. C'est qu'il croit si absolument nécessaire de se soumettre à son jugement, qu'il ne lui entre pas dans l'esprit que jamais un homme de bien puisse avoir une autre pensée. Et, certes, le grand Cyprien a bien témoigné quelle étoit sa vénération pour l'Eglise, lorsqu'interrogé par un de ses collègues sur les erreurs de Novatien, il lui fait cette belle réponse : « Pour ce qui regarde Novatien, duquel vous » désirez que je vous écrive quelle hérésie il a >> introduite, sachez premièrement, mon cher » frère, que nous ne devons pas même être cu>> rieux de ce qu'il enseigne, puisqu'il n'enseigne pas dans l'Eglise. Quel qu'il soit, il » n'est pas chrétien n'étant pas en l'Eglise de >> Jésus-Christ. » Il tient la doctrine de l'Eglise si constante et si assurée, qu'il ne veut pas même que l'on s'informe de ce que disent ceux qui s'en séparent bien loin de permettre qu'on les reçoive à justifier ce qu'ils enseignent, il croit infailliblement qu'ils enseignent mal, dès qu'ils n'enseignent pas dans l'Eglise. Ne falloit-il pas que ce saint martyr fût persuadé, aussi bien que saint Augustin, que « celui qui est hors de » l'Eglise ne voit ni n'entend ; » que « celui qui

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Nec nos ipsi tale aliquid auderemus asserere, nisi univers Ecclesiæ concordissima auctoritate firmati : cui et ipse sine dubio cederet, si jam illo tempore quæstionis hujus veritas eliquata et declarata per plenarium concilium solidaretur. Lib. 11. de Bapt., cap. 4. n. 5. tom. 1x. col. 98.

Scias nos primo in loco nec curiosos esse debere quid ille doceat, cùm foris doceat. Quisquis ille est, et qualiscumque est, christianus non est, qui in Christi Ecclesià non est. Ep. Lt, ad Inton P. 73.

» est dans l'Eglise n'est ni sourd ni aveugle: » c'est-à-dire qu'on est assuré de n'être jamais aveuglé d'erreur, ni jamais sourd à la vérité, tant qu'on suit les sentiments de l'Eglise, et comment cela est-il véritable, si l'Eglise même a erré souvent, ainsi que le ministre l'enseigne?

Mais avant que de sortir de cette matière, écoutons un reproche qu'il fait à l'Eglise sur le sujet de cette autorité souveraine que nous donnons à ses jugements. Il nous objecte que nous croyons qu'elle peut augmenter le symbole et établir de nouveaux articles de foi2; d'où il tire cette conséquence, que notre religion est un accroissement de nouveauté, et qu'elle n'est pas encore achevée. Cette calomnie est insupportable, et la simple proposition de notre doctrine confondra la mauvaise foi du ministre ; car il nous impose trop visiblement, s'il ose dire que nous estimions que la foi de l'Eglise puisse être nouvelle une des choses que nous tenons plus certaine, c'est que sa créance est invariable. Quand donc elle public un nouveau symbole, ou quand elle le propose plus ample, il est ridicule de lui objecter qu'elle veut établir une foi nouvelle, puisqu'elle ne prétend autre chose que d'expliquer plus distinctement la foi ancienne. Nous ne sommes pas si perdus de sens que de nous imaginer que l'Eglise fasse les vérités catholiques: nous disons seulement qu'elle les déclare. Car encore qu'elles soient toujours en l'Eglise, elles n'y sont pas toujours en même évidence. C'est pourquoi il arrive souvent qu'on erre innocemment en un temps, et qu'après la même erreur est très-criminelle; ce qui ne choquera pas ceux qui comprendront que, comme c'est une infirmité excusable de faillir avant que les choses soient bien éclaircies, c'est une pernicieuse opiniâtreté de résister à la vérité reconnue. On peut dire en ce sens que l'Eglise établit en quelque sorte des dogmes de foi, parce que les ayant bien pesés, et après les proposant aux fidèles par l'autorité qui lui est donnée, il n'y a plus qu'une extrême présomption qui ose préférer son sentiment propre à une déclaration authentique de toute l'Eglise; et de là vient que l'erreur est inexcusable. C'est pour cela que celle de saint Cyprien, touchant le baptême des hérétiques, est très justement excusée; et celle des donatistes, sur le même point, très-légitimement condamnée. Car, comme remarque saint Augustin 3, ce bienheureux martyr a erré avant

Extra illam qui est, nec audit nec videt; intra eam qui est, nee surdus nec cæcus est. In Ps. LVII. n. 7. col. 420.

Pag. 40. Lib. 1. de Bapt. cont. Donat., cap. 18. n. 28. tom. I. col. 93.

que le consentement de toute l'Eglise eût confirmé ce qu'il falloit faire; et d'ailleurs il nous a appris que nous devons supporter l'erreur dans les choses qui n'ont pas été décidées par l'autorité de l'Eglise. Ainsi, avant le concile de Jérusalem, plusieurs fidèles avoient estimé que l'obsérvation de la loi étoit nécessaire : leur erreur étoit tolérable alors; mais leur témérité n'eût pas en d'excuse, s'ils avoient persisté dans leurs sentiments après la décision des apôtres. Nous enseignons en ce même sens qu'il appartient à la sainte Eglise de déclarer nettement aux peuples quelles sont les vérités catholiques, et qu'après sa déclaration tous les doutes sont criminels. Est-ce une médiocre infidélité d'inférer de cette doctrine, que notre religion n'est pas achevée? ou pourquoi le ministre ne dit-il pas qu'elle ne l'étoit non plus du temps des apôtres, ni du temps de saint Cyprien? Mais c'est à lui que nous reprochons justement qu'il nous a représenté une Eglise dont la religion n'est pas achevée. L'Eglise, à son avis, n'est pas infaillible ; elle a même erré souvent, si nous le croyons. Si elle peut errer en sa foi, elle se peut aussi corriger : donc son Eglise peut changer sa foi; et si celui qui augmente sa religion confesse qu'elle n'est pas achevée, à plus forte raison celui qui la change. Ainsi, l'hérésie inconsidérée se trouve effectivement convaincue du crime dont elle nous charge avec injustice.

CHAPITRE DERNIER.

Que le ministre corrompt manifestement le sens des auteurs qu'il allègue pour justifier la nécessité de la réformation prétendue.

Le ministre tâche d'appuyer la réformation prétendue sur le témoignage des catholiques; il rapporte plusieurs passages qui parlent de la corruption de l'Eglise, afin de persuader au peuple crédule que l'Eglise catholique est bien éloignée d'avoir cette infaillibilité dont elle se vante puisque ses propres docteurs reconnoissent qu'elle a besoin d'être réformée. Mais la seule lecture des auteurs qu'il cite, convaincra les plus passionnés qu'il abuse visiblement de l'autorité que les siens lui donnent, et de leur trop facile créance.

Considérons avant toutes choses quel étoit le dessein de réformation que nos adversaires se sont proposé; qu'ils nous disent s'ils vouloient réformer, ou la foi que l'on professoit en l'Eglise, ou l'ordre de la discipline ecclésiastique. Pour la discipline ecclésiastique, nous accorCi-dessus, pag. 235. — 2 - 2 Pag. 49.

dons sans difficulté qu'elle peut souvent être réformée; ainsi ce n'est pas là qu'est la question. Mais parce qu'il est clair que les calvinistes ont prétendu réformer la foi, les catholiques s'y sont opposés, soutenant qu'une telle réformation est un attentat manifeste contre l'infaillibilité de l'Eglise. D'où il s'ensuit que si le ministre veut venir au point contesté, il faut qu'il prouve la nécessité de réformer la foi de l'Eglise; et s'il est plus clair que le jour que tous les auteurs qu'ils rapportent ne parlent que de la corruption de la discipline, il sera contraint d'avouer qu'il s'écarte bien loin de la question, et qu'il a tort de remplir son livre de tant d'allégations inutiles.

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Ecoutons premièrement saint Bernard, qui est le plus ancien des auteurs qu'il cite. « Il a, » dit-il, prêché hautement, qu'une maladie » lente et puante, s'étoit répandue par tout le » corps de l'Eglise '. » Considérons quelle est cette maladie. Ce saint homme distingue en ce lieu quatre tentations de l'Eglise la première comprend les persécutions; la seconde les hérésies. « Les temps où nous sommes, dit-il, sont » libres de ces deux maux; mais ils sont entiè>>rement corrompus par l'affaire qui marche » en ténèbres. » Ces paroles font bien connoître que par cette affaire qui marche en ténèbres il n'entend ni les persécutions ni les hérésies, puisqu'il les exclut en termes exprès. Il parle de la troisième tentation que l'Eglise souffre, non par la fureur des païens, ni par la malice des hérétiques, mais par le désordre de ses enfants. Telle est cette maladie générale, par laquelle ce saint docteur nous exprime une horrible dépravation dans les mœurs, de sorte qu'il n'y a rien de moins à propos au sujet de la question contestée entre nous et nos adversaires, que cette plainte de saint Bernard. Que s'il dit qu'il ne reste plus autre chose sinon que l'Antechrist paroisse, c'est qu'à la troisième tentation, qui est le désordre des mœurs, la quatrième doit succéder, qui sera le règne de l'Antechrist, auquel nos péchés préparent la voie, et que les fidèles serviteurs de Dieu ont toujours regardé comme proche d'eux; parce que le Maître n'ayant pas dit l'heure, ils tâchent de se tenir toujours prêts à cette grande persécution.

Le ministre produit encore deux passages de saint Bernard3, mais il en corrompt tout le sens avec une extrême imprudence. « L'Eglise ro

1 Serm. XXXIII. in Cant., n. 44. col. 4392 et seq. 2 Pax a paganis, pax ab hæreticis, sed non profectò à filiis. Serm, xxx111, in Cant., n. 16. - 3 Ep. cxxiv et CXXV.

>>

» maine, dit-il', s'est quelquefois séparée de >> ses papes; et saint Bernard a bien osé dire » que de son temps la bête de l'Apocalypse avoit occupé le siége de saint Pierre. » Grande hardiesse de saint Bernard! mais s'il parle d'un antipape qui avoit occupé le siége au préjudice d'une élection canonique, et qui avoit chassé par force de Rome le pape légitime Innocent II2; si, bien loin de dire dans cette Epître que le pape étoit la bête de l'Apocalypse, comme le ministre veut qu'on l'entende, il dit que celui qui ne se joint pas au pape Innocent est à l'Antechrist, ou l'Antechrist même, quelle est l'infidélité du ministre, qui abuse de ce passage contre les véritables pontifes; et quelle estime pouvons-nous faire de son Catéchisme, après une tromperie si visible, qu'il ne faut que lire pour la convaincre ?

Mais je m'étonne que les ministres osent bien citer saint Bernard pour autoriser leur réformation, puisqu'il est clair que ce saint docteur l'auroit infiniment détestée, lui qui prie si dévotement la très-sainte Vierge, qui honore avec tant de respect la primauté du souverain pontife; qui voyant que le diable tâchoit d'introduire quelques articles de la réformation prétendue, en suscitant certains hérétiques qui nioient qu'il fallût prier pour les morts, et implorer le secours des saints, rejette leur doctrine comme pernicieuse; qui relève si fort l'état monastique, et duquel non-seulement les écrits, mais encore la profession et la vie condamnent la doctrine de nos adversaires.

Et, certes, il semble que le catéchiste ait fait un choix particulier de ceux qui lui sont le plus opposés entre tous les auteurs ecclésiastiques, et nous lisons sa condamnation presque dans tous les lieux qu'il allègue. « Gerson, dit-il, >> introduit l'Eglise, demandant au pape la ré>> formation, et qu'il rétablisse le royaume d'Is>> raël. » C'est au sermon de l'Ascension de Notre-Seigneur que ce grand personnage parle de la sorte". Mais il nous explique lui-même ce qu'il faut faire pour rétablir ce royaume. Il veut que l'on travaille sérieusement à réunir à l'Eglise romaine les peuples qui s'en sont séparés. « Pourquoi n'envoyez-vous pas aux In» diens, dit-il, où la sincérité de la foi peut être >> facilement corrompue, puisqu'ils ne sont pas >> unis à l'Eglise romaine, de laquelle se doit » tirer la certitude de la foi?» Combien étoit-il

Pag. 142. Epist. cxxv. tom. 1. col. 430, -3 Ep. CXXIV, col. 129.- Lib. 1. de Consider. ad Eug., cap. 8. tom. 1. col. 422. -Serm. LXVI. in Cant., n. 1 et seq. col. 4494 et seq. Gerson, edit. 1706. tom. 11. part. 1. p. 434 et seq.

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