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grâce de Dieu avec moi. Ce qui nous montre de quelle justice les bonnes œuvres des saints doivent être ornées, puisqu'elles tirent leur origine de celui qui est la sainteté même et la source de toute justice.

Outre la coopération de nos volontés, et la justice de nos bonnes œuvres, le mérite demande encore que la vie éternelle leur soit proposée comme leur couronne et leur récompense; et c'est ce que toute l'Ecriture nous prêche. Car je n'y vois rien de plus commun que cette sentence, que Dieu rendra à chacun selon ses œuvres. Mais parce que c'est ici le point principal, il est absolument nécessaire que nous l'examinions davantage. Nous en trouverons l'éclaircissement au chapitre XXV de saint Matthieu, dans lequel le jugement est dépeint avec de si vives couleurs.

Nous posons comme une maxime certaine, que non-seulement la punition des péchés, mais encore la distribution des couronnes nous est représentée dans les Ecritures comme une action de justice. C'est pourquoi, dans l'une et dans l'autre de ces actions, Jésus-Christ notre Sauveur paroît comme juge; par conséquent il y fait justice et ainsi ces deux actions appartiennent à la justice.

De là vient qu'en toutes les deux on produit les pièces; et ces pièces ce sont les œuvres pour cela les livres sont apportés et les consciences ouvertes par cette lumière infinie qui pénètre le secret des cœurs.

Le juge souverain qui prononce, quoiqu'il décide tout en dernier ressort, ne laisse pas de motiver sa sentence pour l'instruction de ses serviteurs; et dans la juste distinction qu'il fait des bienheureux et des malheureux, il n'allègue pour son motif que les œuvres, il rapporte tout à la charité; parce qu'ainsi que nous avons dit, la charité comprend elle seule toute la justice des mœurs chrétiennes.

De là il s'ensuit qu'en cette journée les œuvres feront le discernement; ce sera sur les œuvres qu'on prononcera; ce sera donc une action de justice, parce qu'il n'appartient qu'à la justice de prononcer sur les œuvres.

C'est pour cette raison que l'apôtre voulant faire entendre aux fidèles que toute cette action est un jugement, il leur parle d'un « tribunal, » devant lequel, dit-il, nous comparoîtrons, >> afin que chacun remporte selon ce qu'il aura >> fait en son corps, soit bien, soit mal. » Ce qui montre sans aucun doute que Jésus-Christ en ce dernier jour agira en juge, et que tant la

II. Cor., v. 10.

punition que la récompense se rapportent à la justice.

Mais saint Paul s'explique en termes plus clairs écrivant à son cher Timothée. « J'ai bien >> combattu, dit l'apôtre1; j'ai achevé ma course, » j'ai gardé la foi au reste la couronne de jus>> tice m'est réservée, que le Seigneur, ce juste » juge, me rendra en ce jour. >> Nous disons qu'il n'est pas possible de parler plus clairement en notre faveur. Car, premièrement, l'apôtre saint Paul ne se promet point la couronne qu'après qu'il a raconté ses œuvres; et cette couronne qu'il attend de Dieu, il l'appelle couronne de justice et c'est pourquoi il dit qu'on la lui rendra; et insistant davantage sur cette pensée, le Seigneur, dit-il, ce juste juge, me la rendra. N'est-ce pas nous déclarer nettement qu'il la rendra comme juste juge? Or le juge, agissant en juge, se propose nécessairement la justice; et donc cette dernière rétribution est un ouvrage de la justice divine.

C'est à quoi regardoient les saints Pères, quand ils ont si constamment établi le mérite des bonnes œuvres. Ils considéroient que les Ecritures rapportoient à Jésus-Christ comme juge et la punition des méchants, et le couronnement des fidèles. De là ils ont inféré que cette distribution de biens et de maux se feroit selon les règles de la justice, c'est-à-dire, comme chacun l'aura mérité, parce que c'est le propre de la justice de considérer le mérite. C'est encore pour la même raison qu'ils n'ont fait aucune difficulté d'enseigner positivement que la vie éternelle étoit due; parce que c'est une maxime infaillible que la justice ne rend que ce qu'elle doit.

Nous examinerons en son lieu quelle est la nature de cette dette par laquelle il a plu à Dieu de s'obliger à ses créatures. Il suffit que nous remarquions maintenant que l'Ecriture nous a enseigné ces trois conditions importantes qui sont requises pour le mérite, c'est-à-dire, la coopération de nos volontés, la justice des bonnes œuvres, et la gloire rendue comme récompense.

L'apôtre a renfermé ces trois choses dans le texte que jai rapporté de la seconde Epitre à Timothée. « J'ai, dit-il, combattu un bon combat; >> j'ai achevé ma course; j'ai gardé la foi. » Cela marque l'opération de la volonté. «La couronne » de justice m'est réservée. » Si c'est la justice que l'on couronne, il Y a donc une véritable justice. « Dieu, ce juste juge, me la rendra. Qui ne remarque ici la justice par laquelle Dieu rend la couronne aux bonnes œuvres que nous 1 II. Tim., IV. 7, 8.

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faisons, comme leur véritable récompense? Ces trois vérités si considérables méritoient sans doute un traité plus ample; mais un si long discours n'est pas nécessaire pour le dessein que je me suis proposé, qui ne doit comprendre autre chose qu'une simple explication de notre doctrine, par laquelle nos adversaires connoissent que nous n'avons de gloire qu'en Jésus-Christ seul.

Certes, si nous présumions de nous-mêmes, nous ne pourrions fonder notre orgueil que sur la coopération du libre arbitre, ou sur la dignité de nos bonnes œuvres, ou sur ce titre de récompense, au sens que nous avons exposé. Repassons donc en peu de paroles sur ces trois vérités excellentes sur lesquelles sont appuyés tous les bons mérites; et montrons à nos adversaires que le saint concile de Trente nous les fait considérer d'un œil si modeste, que nous pouvons assurer sans crainte que rien n'établit mieux la gloire de Dieu et le mérite de Jésus-Christ, que le mérite des bonnes œuvres, comme l'Eglise catholique l'enseigne.

Premièrement, il est véritable que la doctrine du libre arbitre est un des articles de notre créance. Mais que les ministres ne pensent pas que nous vantions notre liberté pour nous confier en nous-mêmes. Car nous reconnoissons devant Dieu que notre volonté est captive jusqu'à ce que le Fils l'affranchisse. Le concile de Trente confesse que nous naissons enfants de colère, et esclaves du péché et du diable1; tellement qu'il est impossible que jamais notre infirmité se relève, si le miséricordieux Médecin ne lui tend sa main charitable. Comment donc nous vanterons-nous d'une liberté qui n'est réparée que par grâce, et de quoi se glorifiera celui qui a été délivré, sinon de la bonté du Libérateur ?

Nous croyons la justice des bonnes œuvres ; et nous disons qu'il est impossible qu'elles ne soient de très-grand prix devant Dieu, puisqu'il les fait lui-même par son Esprit saint, puisqu'elles naissent de cette divine vertu que Jésus-Christ comme chef répand sur ses membres. C'est aussi une des raisons qui nous oblige de les honorer du nom de mérite, pour exprimer leur valeur et leur dignité. Mais c'est aussi pour cette même raison que nous en rapportons tout l'honneur à Dieu après le sacré concile de Trente qui imprime cette vérité en nos cœurs par ces paroles si pieuses et si chrétiennes : « Encore que nous » voyions que les saintes lettres fassent tant d'es>> time des bonnes œuvres, que Jésus-Christ >> nous promet lui-même qu'un verre d'eau

Sess. vi. cap. 1.

» donné à un pauvre ne sera pas privé de sa ré>> compense; et que l'apôtre témoigne qu'un >> moment de peine en ce monde produira un » poids de gloire éternelle toutefois à Dieu >> ne plaise que le chrétien se fie ou se glorifie >> en lui-même, et non point en Notre-Sei» gneur! duquel la bonté est si grande envers >> tous les hommes, qu'il veut que ses dons soient » leurs mérites'. » Paroles vraiment saintes, vraiment chrétiennes, qui ôtent tout orgueil jusqu'à la racine. Car si tout ce que nous pouvons appeler mérite doit être estimé un don de la grâce, de quoi peut présumer l'arrogance humaine? Et ne paroit-il pas clairement qu'établir le mérite, en ce sens, ce n'est pas vouloir glorifier l'homme, mais honorer la grâce de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ?

C'est ainsi que le mérite des bonnes œuvres a été enseigné par saint Augustin et par les anciens docteurs orthodoxes; et le concile de Trente, suivant leur exemple, témoigne, par les paroles que j'ai rapportées, qu'il n'a point de plus grande appréhension que de voir l'homme se confier en lui-même, et non point en NotreSeigneur. Cependant le catéchiste voudroit faire croire que ce concile ne s'est assemblé que pour ruiner cette solide espérance, qui appuie le cœur du fidèle en Jésus-Christ seul certes la sincérité chrétienne ne souffre point ces déguisements, et il n'appartient qu'au mensonge de vouloir se fortifier par des calomnies.

:

Mais achevons de faire connoître la modeste simplicité de notre doctrine dans le point où nost adversaires s'imaginent que nous présumons le plus de nos forces. Nous disons que la couronne d'immortalité est rendue aux bonnes œuvres des saints par une action de justice. Des ministres tâchent de persuader qu'il n'y a point d'arrogance pareille à la nôtre, puisqu'elle ose exiger de Dieu par justice, ce que nous ne devons espérer que de sa seule miséricorde. Défendons notre innocence contre ce reproche, et montrons par des raisons évidentes que nous ne disons rien, en cette matière, que les plus échauffés de nos adversaires ne soient obligés de nous accorder.

Ce seroit une folle témérité de croire que la créature pût avoir par elle-même aucun droit sur les biens de son Créateur. Quelques bonnes œuvres que nous fassions, Dieu ne nous peut devoir que ce qu'il lui plaît : et cela paroît principalement par ces deux raisons. Premièrement,

Absit ut christianus homo in seipso vel confidat, vel glorietur, et non in Domino; cujus tanta est erga omnes homines bonitas, ut eorum velit esse merita, quæ sunt ipsius dona. Sess, vi, cap. 46.

il est notre Créateur, ce qui lui donne un domaine si indépendant, que nous sommes à lui bien plus qu'à nous-mêmes : de sorte qu'il n'y auroit rien de plus ridicule que de disputer contre lui, et lui soutenir qu'il nous doit. Secondement, nous sommes pécheurs; et en cette déplorable qualité, bien loin d'exiger de lui quelque chose, nous devons nous estimer bien heureux qu'il ne décharge pas sur nous toute sa colère que nous avons si justement méritée.

Il est donc absolument impossible que sa justice soit tenue à rien envers nous, si ce n'est que sa bonté l'y oblige. Il ne peut y avoir de justice qu'entre ceux qui doivent être réglés par un droit commun, tellement qu'elle présuppose quelque égalité ; ce qui ne peut être entre Dieu et l'homme à cause de la disproportion infinie. C'est pourquoi ce grand Dieu vivant, dont les miséricordes n'ont point de bornes, voulant établir quelques lois de justice entre sa nature et la nôtre, il nous honore de son alliance, il s'engage à nous par promesses; et ainsi cette Majesté souveraine entre en société avec nous. De là il s'ensuit que la justice qui nous récompense est fondée sur la promesse divine, par laquelle Dieu s'oblige à nous gratuitement à cause de Notre-Seigneur Jésus-Christ; et le saint concile de Trente nous explique cette doctrine en ces termes : « Il faut proposer la vie » éternelle à ceux qui vivent bien jusqu'à la fin, >> et qui ont espérance en Dieu, ET COMME UNE » GRACE QUI EST MISERICORDIEUSEMENT PROMISE AUX >> ENFANTS DE DIEU PAR NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS>> CHRIST, et comme une récompense qui sera » fidèlement rendue à leurs bonnes œuvres et » à leurs mérites EN VERTU DE LA PROMESSE DE >> DIEU1. » Tellement que nous n'avons aucun droit, que celui qui nous est acquis par cette promesse de grâce que le sang de Jésus-Christ a ratifiée, et que le Père nous a faite à cause de lui.

Mais nos adversaires objecteront que nos docteurs ne l'entendent pas de la sorte, qu'ils enseignent un mérite de condignité, et une certaine proportion entre la vie éternelle et nos bonnes œuvres; et qu'ils regardent la récompense qui nous est donnée plutôt comme une dette que comme une grâce. C'est là le plus grand sujet de leurs invectives; et cependant nous ne disons rien que des personnes raisonnables puissent contester.

Bene operantibus usque in finem, et in Deo sperantibus, proponenda est vita æterna, et tanquam gratia filiis Dei per Jesum Christum misericorditer promissa, et tanquam merces ex ipsius Dei promissione bonis ipsorum operibus et meritis fideliter reddenda. Sess. vi. cap. 46.

Nous croyons qu'il y a quelque sorte de proportion entre la vie éternelle et les bonnes œuvres, telle qu'elle est entre les moyens et la fin, entre la semence et le fruit, entre le fondement et l'édifice, entre le commencement et la perfection.

Nos adversaires ne nieront pas que l'ouvrage de notre régénération ne comprenne tous ces merveilleux changements, qui se doivent faire en nous par l'Esprit de Dieu, depuis la grâce du saint baptême jusqu'à la glorieuse résurrection; car la fin de tout cet ouvrage, c'est de nous rendre semblables à notre Sauveur. C'est pourquoi le Saint-Esprit, répandu sur nous, opère continuellement en l'homme fidèle, y formant peuà peu Jesus-Christ. Il commence sur la terre, et il n'achève que dans le ciel; tellement que nous pouvons dire que la grâce qui agit en nous c'est la gloire commencée; et que la gloire c'est la grâce consommée. De là vient que le Fils de Dieu nous promet une eau qui jaillit à la vie éternelle1; c'est la grâce qui tend à la gloire, et qui venant du ciel va chercher sa perfection dans le ciel.

Davantage : les vertus divines que le SaintEsprit fait en nous, comme la foi, l'espérance et la charité, s'attachent à Dieu d'une telle ardeur, qu'elles ne peuvent goûter que lui seul; il les a faites d'une nature si noble, et d'une si vaste capacité, qu'il ne lui est pas possible de les satisfaire, à moins qu'il ne se donne luimême.

Ces vérités étant supposées, dire que Dieu doit la vie éternelle aux œuvres qu'il produit en nous par la grâce, c'est dire qu'il se doit cela à lui-même, d'accomplir l'ouvrage qu'il a commencé, d'achever le merveilleux édifice dont il a posé les fondements, de contenter les désirs qu'il a inspirés, et de rassasier une avidité qu'il a faite; est-il rien de plus digne de sa sagesse !

Enfin, il y a grande différence de considérer l'homme en qualité d'homme, et l'homme comme membre de Jésus-Christ. Car lorsque les fidèles agissent comme membres de JésusChrist, leurs actions appartiennent à Jésus-Christ même2, parce qu'elles viennent de la vertu qu'il répand en eux, c'est-à-dire, de son Esprit, qui les prévient, qui les suit, qui les accompagne, qui fait qu'elles sont actions divines, et desquelles par conséquent la dignité ne peut être assez exprimée.

On peut comprendre par ces principes tout ce que nous croyons du mérite. Il faut premièrement poser l'action, c'est-à-dire, l'opération › Joan., Av. A4. - Conc. Trid., Sess. vi. c. 46.

libre de nos volontés après que la grâce les a délivrées; secondement, la dignité de l'action qui vient toute de Jésus-Christ, comme nous l'avons assez expliqué; et enfin la promesse divine, sur laquelle est appuyée notre confiance : parce que le véritable fidèle ayant persévéré jusqu'à la fin dans la foi qui agit par la charité, et ayant par ce moyen accompli la loi selon la mesure de cette vie, à la manière que nous avons exposée, peut dire qu'en vertu de cette promesse il a droit sur l'héritage céleste. C'est ce que nos théologiens appellent mérite de condignité. Je ne pense pas que nos adversaires trouvent rien à reprendre en la chose : et il n'est pas bienséant à des chrétiens de se débattre pour des paroles; et moins encore pour celle-ci, dont le concile de Trente ne se sert pas, et qui n'est usitée en l'école que pour exprimer avec plus de force la valeur et la dignité que le mérite de Jésus-Christ donne aux bonnes œuvres.

Cette doctrine fait bien entendre ce que saint Augustin nous a enseigné par l'autorité des lettres sacrées, que la vie éternelle est donnée aux œuvres, et néanmoins qu'elle ne laisse pas d'être grâce. Elle est donnée aux œuvres, parce que Dieu rendra à chacun selon ses œuvres1. Et cependant il est certain que c'est une grâce, parce qu'elle nous est promise par grâce; elle nous est préparée dès l'éternité par la grâce de celui qui nous a choisis en Jésus-Christ, afin que nous fussions saints. Les bonnes œuvres qui nous l'acquièrent ne sont point en nous comme par nous-mêmes, mais nous y sommes créés par la grâce, qui opère en nous le vouloir et le faire; et si nous persistons jusqu'à la fin, c'est par ce don spécial de persévérance, qui est le plus grand bienfait de la grâce : si bien qu'il ne reste plus autre chose à l'homme sinon de se glorifier en Notre-Seigneur, qui donne la vie éternelle aux mérites; mais qui donne gratuitement les mérites, selon ce que dit le concile de Trente que les mérites sont des dons de Dieu.

Ainsi, comme remarque saint Augustin, qui finira cette question après l'avoir si bien commencée, tous les desseins de la Providence se rapportent à ces trois choses: Car ou Dieu rend le mal pour le mal, ou il rend le bien pour le mal, ou il rend le bien pour le bien. Il rend le mal pour le mal, le supplice pour le péché, parce qu'il est juste; il rend le bien pour le mal, la grâce pour l'injustice, parce qu'il est bon; enfin, il rend le bien pour le bien, la gloire éternelle pour la bonne vie, parce qu'il est juste et bon

1 Apoc., xx11. 42. — 2 Eph., 1. 4. — 3 Ibid., 11. 40. — ' Phil.,

11. 13.

tout ensemble '. C'est pourquoi nous disons avec le Psalmiste, O Seigneur ! je vous chanterai miséricorde et jugument: parce que tous les ouvrages de Dieu sont compris sous la miséricorde et sous la justice. La condamnation des méchants est une action de pure justice, la justification des pécheurs est une pure miséricorde, le couronnement des saints est une miséricorde mêlée de justice, avec un si juste tempérament que l'une ne diminue point la gloire de l'autre, la justice nous étant proposée pour nous relever le courage, et la sainte miséricorde pour fonder solidement notre humilité.

CHAPITRE DERNIER.

Conclusion de la seconde section. Injustice du ministre qui nie que nous avons notre confiance en JÉSUSCHRIST.

Après que nous avons fait voir clairement quelle est la pureté de notre doctrine, revenons à nos adversaires, et exhortons-les en NotreSeigneur, par les entrailles de la charité chrétienne, qu'ils ouvrent enfin les yeux à la vérité, et qu'ils cessent de nous reprocher que nous nous confions en nous-mêmes, et non point au Fils de Dieu, qui nous a aimés et qui a donné son âme pour nous. Laissons les disputes et les questions; laissons les contentions échauffées. Nous écouterons volontiers leurs plaintes; qu'ils entendent aussi nos raisons en paix : toutes leurs accusations seront réfutées sitôt que notre foi sera éclaircie.

Ils se plaignent que nous attribuons tout à nos bonnes œuvres, et que nous anéantissons la grâce de Dieu. Mais nos conciles ont déterminé que nos péchés nous sont pardonnés par une pure miséricorde, que nous devons à une libéralité gratuite la justice qui est en nous par le Saint-Esprit ; et que toutes les bonnes œuvres que nous faisons sont autant de dons de la grâce.

Mais il faut confesser, disent-ils, que Dieu ne nous approuve et ne nous reçoit qu'à cause de la justice de Jésus-Christ, et non point à cause de nos bonnes œuvres. Nous les conjurons au nom du Sauveur qu'ils nous expliquent nettement quelle est leur pensée. Est-ce que Dieu en nous donnant la vie éternelle, ne fait aucune considération de nos bonnes œuvres? A Dieu ne

plaise que nous ayons un tel sentiment de celui dont il est écrit qu'il rend à chacun selon ses

Reddet omnino Deus et mala pro malis, quoniam justus est; et bona pro malis, quoniam bonus est; et bona pro bonis, quoniam bonus et justus est. De Grat, et lib. arb., cap. 23. n. 45. tom. x. col. 744.

2 Ps. c. 4.

œuvres. Certainement il les considère, puisqu'il les récompense et qu'il les couronne; et je ne puis croire que nos adversaires veulent nier une vérité si constante. Mais peut-être qu'ils veulent dire que les bonnes œuvres ne sont point toute la raison pour laquelle Dieu nous considère, ou bien qu'il ne les considère elles-mêmes qu'à cause de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Si c'est là tout ce qu'ils prétendent, ils ne disputent pas contre nous; nous confessons de tout notre cœur cette salutaire doctrine.

des élus de Dieu n'est que souillure et iniquité : c'est ce que nous ne pouvons accorder; et nous les conjurons en Notre-Seigneur qu'ils cessent d'outrager l'esprit de la grâce, se souvenant que cette justice vient de Jésus-Christ, et que c'est Dieu même qui la fait en nous. A Dieu ne plaise que nous croyions que Jésus-Christ, amenant ses élus au Père, ne lui présente que des ordures qu'il aura laissées, et non point une justice qu'il aura faite. Car si son Esprit saint agit en nos cœurs, qu'est-ce qu'il y peut former sinon la

Dieu aime ses élus par un double amour; il justice? Or la justice qui n'est telle que devant

y a un amour qui suit leurs œuvres, et il y a un amour qui prévient leurs œuvres. Mon Père vous a aimés, dit le Fils de Dieu 1, parce que vous m'avez aimé. Cet amour du Père éternel suit nos œuvres mais il y a un autre amour qui les prévient. Car, comme remarque saint Augustin', c'est Dieu qui fait en nous cet amour par lequel nous aimons son Fils et il l'aime parce qu'il le fait; mais il ne feroit pas en nous ce qu'il aime, si, avant que de le faire, il ne nous aimoit. D'où il s'ensuit que les bonnes œuvres ne peuvent pas être tout le motif pour lequel Dieu nous favorise, puisqu'il y a en Dieu un amour. qui est le principe des bonnes œuvres.

Davantage nous ne croyons pas que lorsque Dieu couronne les œuvres, il termine son affection simplement aux œuvres. Car, après le malheur de notre péché, il est certain que la bonne vie ne nous auroit acquis aucun droit sur la couronne d'immortalité, si Dieu par sa bonté ne l'avoit promise à cause de Notre-Seigneur JésusChrist, comme dit le concile de Trente, et si en conséquence de cette promesse il n'agréoit au nom de son Fils les bonnes œuvres que nous faisons. C'est pourquoi le même concile parlant des œuvres de pénitence, dit, «qu'elles tirent. >> de Jésus-Christ toute leur vertu ; que c'est lui >> qui les offre à son Père; qu'en lui elles sont >> reçues par son Père 3. » Tellement que nous confessons que Dieu ne nous aime qu'en JésusChrist, qu'il ne nous considère qu'en JésusChrist, qu'il ne reçoit nos œuvres que par JésusChrist. Une profession de foi si sincère ne surmontera-t-elle jamais l'opiniâtreté de nos adversaires?

Mais ils ne seront pas satisfaits de nous jusqu'à ce que nous disions avec eux que toute la justice

'Joan., xvi. 27.

2 Amorem itaque nostrum pium fecit Deus; et vidit quia honum est; ideo quippe amavit ipse quod fecit; sed in nobis non faceret quod amaret, nisi, antequam id faceret, nos amaret. Tract. c. in Joan., n. 5. tom. III. part. 11. col. 755.

3 Ab ipso vim habent, per ipsum offeruntur Patri, per ipsum acceptantur à Patre. Sess. XIV. cap. 8.

les hommes, n'est autre chose qu'une hypocrisie. Donc la justice des prédestinés sera justice même aux yeux de Dieu.

Et certes il ne meurt aucun des élus dans lequel la grâce de Dieu n'ait affermi le règne de la charité sur la convoitise, ainsi qu'il a été expliqué ailleurs'. Par conséquent, ces péchés énormes qui éteignent la charité ne se rencontrent plus en leurs âmes; et leurs affections sont dans un bon ordre, parce qu'ils meurent attachés à Dieu. Telle est la justice des prédestinés. Mais ils n'auront pas pour cela de quoi se glorifier en eux-mêmes; parce que Dieu, qui les trouvera justes, les trouvera tels qu'il les a faits, et il ne couronnera que ses propres dons.

Cessez donc de nous reprocher, nos chers Frères, que nous établissons les mérites pour nous élever contre Dieu. Si nous présumions des mérites, dirions-nous tous les jours à Dieu dans l'auguste sacrifice de nos autels : « Donnez, » ô Seigneur tout-puissant, à nous misérables » pécheurs, qui espérons en la multitude de vos » miséricordes, quelque part et société avec vos >> bienheureux apôtres et martyrs, au nombre >> desquels nous vous prions de nous recevoir, >>ne pesant point nos mérites, mais usant de >> grâce envers nous au nom de Notre-Seigneur » Jésus-Christ 2? » Est-ce là s'enfler de ses propres mérites? Et quelle est l'infidélité de votre ministre, quand il assure dans son Catéchisme3, que l'on a fait rayer, comme autant d'hérésies, de l'ordre de baptiser et de la manière de visiter les malades, ces salutaires protestations que faisoient nos pères, d'espérer la gloire éternelle, non point par leurs propres mérites, mais par les mérites de Jésus-Christ? si l'Eglise les a rayés de ses Rituels comme des hérésies, d'où vient qu'elle les laisse comme saintes dans son sacrifice?

Ci-dessus, ch. 40 et 44.

2 Intra quorum nos consortium non æstimator meriti, sed veniæ, quæsumus, largitor admitte, per Christum Dominum nostrum. Can. Miss.

* Pag. 109.

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