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torité souveraine: au contraire, elle la suppose comme le fondement unique de sa dignité. Ainsi l'interprétation du ministre a fait un blasphème très-exécrable d'une parole très-inno

cente.

Sans doute, il n'a pas encore assez entendu avec quelle simplicité la doctrine chrétienne doit être traitée. Le théologien sincère ne cherche point, dans les écrits qu'il combat, des paroles qu'il puisse détourner à un mauvais sens. Où il y va du salut des âmes, le moindre artifice lui paroît un crime. Bien loin de condamner les expressions innocentes, il est prêt même d'excuser celles qui, pesées dans l'extrême rigueur, pourroient quelquefois sembler rudes: il adoucit les choses autant qu'il le peut il aime mieux être indulgent qu'injuste: il estime une pareille infidélité de dissimuler sa propre créance, et de déguiser celle de son adversaire; parce que, si par la première on trahit sa religion et sa conscience, par l'autre on se déclare ennemi juré de la charité fraternelle, on aliène, et on aigrit les esprits, on rend les dissensions irréconciliables.

Plût à Dieu que le catéchiste eût toujours eu devant les yeux celte vérité. Si nous n'eussions goûté sa doctrine, du moins nous eussions loué sa candeur; et nous ne serions pas contraints de lui dire que dans la plus grande partie de ses citations, et dans les conclusions qu'il en tire, il semble qu'il ait plutôt tâché d'éblouir les simples, que de satisfaire les doctes. Par exemple, voici un trait d'une merveilleuse subtilité. En la page 40 de son Catéchisme, voulant repousser contre nous le reproche que nous faisons à ses Eglises de leur nouveauté : « Quand >> nous nous disons, dit-il, de la religion réfor» mée, ce n'est pas pour introduire une nouvelle > religion, encore qu'il s'en introduit presque » d'an en an quelqu'une en l'Eglise romaine. >> La suite du discours demandoit qu'il rapportât ici quelque nouveau dogme; mais ce n'est pas là son dessein. « Il s'introduit, dit-il, presque » d'an en an quelque nouvelle religion dans » l'Eglise romaine, puisque autant d'ordres y » sont autant de nouvelles religions, et de nou>> veaux religieux. » Ridicule imagination ! Toutefois le ministre appréhende qu'on ne la prenne pour une raillerie; et il la fait valoir sérieusement par l'autorité du pape Innocent III, et du concile général de Latran, dont il allègue le douzième chapitre. Qui ne croiroit que la chose est très-importante? Mais considérons, je vous prie, ce que dit ce sacré concile. Il appelle les nouveaux ordres monastiques de nouvelles re

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ligions: et de là, quelle conséquence? Ces nouvelles sociétés ne font point des Eglises nouvelles; ce n'est pas la singularité de créance, mais la profession d'une piété plus particulière, et un détachement plus entier du monde, qui leur donne le titre de religion : et ainsi leur institution n'a rien de commun avec cette nouveauté de religion, dont il s'agit entre nous et nos adversaires, qui emporte un changement dans la foi. Cependant le sieur Ferry ne craint pas de confondre hardiment ces deux choses: et le pauvre peuple déçu applaudit à ces savantes observations. Je ne puis certes que je ne l'avertisse en ce lieu, que ces remarques, peu dignes de lui, ne répondent pas à l'opinion de science qu'il s'est acquise parmi les siens, ni à l'estime de modération qu'il avoit même parmi les nôtres.

Mais écoutons encore un reproche, lequel, s'il se trouvoit véritable, nous serions justement réputés indignes de nous glorifier du nom chrétien. Le ministre rapporte que parmi nous, lorsque l'on console les agonisants, on leur demande s'ils ne croient pas que Notre-Seigneur JésusChrist a voulu mourir pour eux; et qu'autrement que par sa mort et passion, ils ne peuvent être sauvés. Et parce qu'il ne peut rien trouver à reprendre dans cette salutaire interrogation, il tâche du moins de persuader que nous ne le faisons pas de bon cœur ; tant il est véritable qu'une haine aveugle lui fait interpréter en un mauvais sens les pratiques les plus pieuses de la sainte Eglise. « Il semble, dit-il, que ceci ne >> soit ajouté que par manière d'acquit, ou comme » par mégarde.» Je demande ici à nos adversaires, qui sont si tendres et si délicats, et qui ne cessent presque jamais de se plaindre, que pouvoit-on inventer contre nous, ni de plus foible, ni de plus faux, ni de plus injurieux à des chrétiens? Car après avoir prêché en pleine audience, que si nous rendons grâces de notre salut à la passion de notre Sauveur, c'est par manière d'acquit, ou bien par mégarde que reste-t-il enfin à nous dire, sinon que nous ne sommes pas chrétiens, et que Jésus-Christ ne nous est plus rien? Mais laissons à part nos ressentiments, et sacrifions-les à notre grand Dieu. Avec quelles larmes déplorerons-nous la misère de tant de pauvres âmes séduites, qui sont aliénées, par cet artifice de l'Eglise où leurs pères ont servi Dieu, et du vrai chemin de la vie? C'est ce qui me touche le cœur jusqu'au vif; c'est ce qui me fait oublier ma propre foiblesse, pour exposer en toute simplicité à nos frères malheureusement abusés la véritable doc

trine de la sainte Eglise, que leurs ministres tâchent de leur rendre horrible.

Ainsi ce n'est pas mon dessein de réfuter ici, page à page, toutes les faussetés manifestes du Catéchisme du sieur Ferry; premièrement, parce que je vois qu'il avance beaucoup de choses sans preuve : il parcourt toute la controverse; il n'y a aucun point qu'il ne touche, et n'allègue aucune raison que de deux ou trois : encore sont-elles si peu pressantes, que je ne juge pas nécessaire de les examiner si fort en détail. Et enfin, j'ai considéré que cette manière d'écrire contentieuse ne laisse pas toujours beaucoup d'édification aux pieux lecteurs, ni beaucoup d'éclaircissement à ceux qui recherchent la vérité. C'est pourquoi j'ai choisi seulement le deux propositions principales auxquelles tout ce Catéchisme aboutit, et avec l'assistance divine, je ferai connoître combien elles sont éloignées

de la vérité.

Ces deux propositions sont, Que la réformation a été nécessaire, et, Qu'encore qu'avant la réformation, on se pût sauver en la communion de l'Eglise romaine; maintenant, après la réformation, on ne le peut plus. J'opposerai deux vérités catholiques à ces deux propositions du ministre, et je montrerai manifestement: Que la réformation, comme nos adversaires l'ont entreprise, est pernicieuse; et, Que si l'on s'est pu sauver en la communion de l'Eglise romaine avant leur réformation prétendue, il s'ensuit qu'on y peut encore faire son salut.

La première de ces vérités renverse leur religion par les fondements: la seconde nous met à couvert contre leurs attaques. Nous les éclaircirons l'une et l'autre par les principes du mi

nistre même : mais l'ordre et la suite du discours demande que je commence par la dernière, et que j'établisse la sûreté de notre salut, avant que de faire voir à nos adversaires le péril certain dans lequel ils sont. Prouvons donc, par des raisons évidentes, que le Catéchisme nous a enseigné que nous pouvons obtenir la vie éternelle en la communion de l'Eglise romaine.

PREMIÈRE VÉRITÉ.

QUE L'ON SE PEUT SAUVER EN LA COMMUNION DE L'ÉGLISE ROMAINE.

SECTION PREMIÈRE,

OU CETTE VÉRITÉ EST PROUVÉE PAR LES PRINCIPES DU MINISTRE.

CHAPITRE PREMIER.

Que selon le sentiment du ministre on pouvoit se sauver en la communion et en la croyance de l'Eglise romaine, jusqu'à l'an 1543.

Encore que la providence divine, par des jugements terribles mais très-équitables, permette que la doctrine céleste soit en quelque sorte obscurcie par les hérétiques; néanmoins elle se réserve le droit de tirer quand il lui plaît, de leur bouche, des témoignages illustres de ses vérités. Les exemples en sont communs dans l'antiquité chrétienne; mais nous devons au grand Dieu vivant de sincères actions de grâces, de celui qu'il fait paroître à nos yeux. Enfin, les ministres de Metz prophétisent, et nous donnent des arguments très-certains, par lesquels nous leur prouvons invinciblement, que l'on se peut sauver dans l'Eglise que leurs prédécesseurs ont abandonnée. Je conjure le lecteur chrétien, de considérer attentivement de quelle sorte le sieur Ferry enseigne cette doctrine à son peuple.

Après avoir discouru de la réformation de l'Eglise, il propose cette question en la demande XIII de son Catéchisme : Que croyez – vous donc de nos ancêtres qui sont morts dans la communion de l'Eglise romaine? A quoi il répond, en premier lieu, que les Juifs auroient pu faire la même question aux apôtres qui les invitoient à embrasser l'Evangile 1. Il est très-aisé de connoître que cette réponse n'est nullement à propos, parce qu'il n'y a pas sujet de douter qu'avant le publication du saint Evangile on ait pu se sauver dans le judaïsme; et tout homme de bon sens jugera qu'il est ridicule de comparer le changement de religion, qui est arrivé du temps des apôtres, avec celui que nos adversaires ont fait dans ces derniers siècles. Ceux-ci ont changé, comme chacun sait, la religion que leurs pères avoient professée, parce qu'elle leur sembloit corrompue, pleine de sacrilége et d'impiété. Or il est clair que ce n'est point pour cette

'Pag. 75.

raison que les saints disciples de Notre-Seigneur se sont retirés de la religion judaïque; mais sachant que la loi de Moïse n'étoit qu'une ombre et une figure, ils l'ont quittée de la même sorte que l'on fait laisser la grammaire à ceux que l'on avance aux sciences supérieures : si bien que cet exemple ne conclut rien en faveur de notre adversaire; aussi l'a-t-il touché légèrement, sans s'y être beaucoup arrêté, et après il passe à d'autres réponses qui semblent plus essentielles et plus sérieuses.

Il allègue donc deux raisons pour lesquelles il ne veut pas que l'on fasse le même jugement de ceux qui meurent en la communion de l'Eglise romaine; et de ceux qui sont morts en son unité avant la réformation prétendue. La première de ces raisons, c'est que l'ignorance, à ce qu'il estime, a rendu nos pères plus excusables; la seconde, c'est que l'Eglise romaine n'est plus la même qu'elle étoit alors. C'est ce que nous avons à considérer mais, auparavant, posons bien le sens et la doctrine du ministre.

Voyons, en premier lieu, jusqu'à quel temps il dit que l'on pouvoit se sauver en la communion de l'Eglise romaine. Et premièrement, il est très-certain qu'il y comprend tout celui qui s'est écoulé avant les auteurs de sa secte et ainsi Luther n'ayant commencé à fonder ses nouvelles Eglises qu'environ l'an 1524, il s'ensuit que, du consentement de notre adversaire, on pouvoit se sauver parmi nous, dans toutes les années précédentes'. Mais il passe encore plus loin: car décrivant au long la manière avec laquelle les curés de Metz exhortoient les agonisants, en l'an 1543, selon le manuel imprimé sous l'autorité du cardinal de Lorraine, qui régissoit alors ce diocèse, il ne fait nulle difficulté d'avouer que l'on pouvoit mourir, même en ce temps-là, dans la communion de l'Eglise romaine, sans préjudice de son salut 2. Et, enfin, voulant expliquer quand les choses ont commencé d'y être tellement renversées, qu'on ne peut plus y espérer la vie éternelle, il rapporte ce changement environ à la session IV du concile de Trente, qui fut tenue l'an 1546 3, et veut faire croire au peuple ignorant que, depuis cette session, et les Pères de ce concile, et les papes, en exécutant ses décrets, ont introduit dans l'Eglise romaine une doctrine si pernicieuse, qu'on ne peut plus y obtenir la couronne que Dieu a promise à ses serviteurs.

3

De là il s'ensuit qu'avant ce temps-là, les fidèles se pouvoient sauver en la créance de l'E

'Pag. 75 et 76. - Pag. 98 et suiv. - 3 Pag. 104.-P. 106 et 107.

glise romaine : et, certes, la question mème, comme il la propose, ôte tout le doute qu'on pourroit avoir de son sentiment sur ce sujet-là. Car ce qu'il veut éclaircir principalement, c'est l'estime qu'il faut faire de ceux qui sont morts en la communion de l'Eglise ronaine, avant la réformation. Qui dit communion, dit société de créance, d'autant que le noeud le plus ferme qui lie la communion ecclésiastique, c'est la profession de la même foi. En effet, il n'est pas possible de vivre en la communion d'une Eglise, sans participer à ses sacrements et au service par lequel elle adore Dieu : ce qui enferme une déclaration solennelle qu'on approuve et qu'on reçoit sa créance. Le ministre lui-même reconnoîtra que ceux qui font la cène avec lui professent hautement, par cette action, la doctrine de ses Eglises. Il faut dire la même chose de nos ancêtres auxquels il ne dénie pas le salut ; qui toutefois mourant, comme il le confesse, en l'unité de l'Eglise romaine et en la communion de ses sacrements, ont assez témoigné par là qu'ils n'avoient point d'autre foi que la sienne. Mais ce qui achève de nous découvrir la pensée du sieur Ferry sur ce point, c'est ce qu'il dit en la page 98, et dans les suivantes.

C'est là qu'il remarque de quelle sorte l'Eglise catholique de Metz exhortoit et consoloit les mourants en l'an 1543. Il récite toutes les interrogations qu'on leur faisoit; et après les avoir bien considérées, il déclare nettement qu'il ne doute point qu'ils ne se pussent sauver en cette créance. Examinons donc quelle étoit la foi qu'ils professoient jusqu'à la mort.

La première question qu'on fait au malade, et sur laquelle on lui demande son consentement, est couchée dans le Rituel, et rapportée dans le Catéchisme, en ces termes: Mon ami, voulez-vous vivre et mourir en la foi chrétienne, comme vrai, loyal et obéissant fils de notre mère sainte Eglise? Le malade répondoit, Oui : et je soutiens que par cette seule parole, il faisoit profession de croire tout ce qui étoit cru en l'Eglise.

Le ministre dira sans doute qu'on ne lui parloit pas de l'Eglise romaine : et que « celle qui >> étoit nommée la mère sainte Eglise n'étoit pas » la particulière de Rome, mais l'universelle, >> et n'avoit point d'autre nom à Metz, ni ailleurs, » que de catholique et apostolique'. » Mais, certes, il s'abuse visiblement, s'il croit que nous restreignons le titre d'Eglise catholique à la seule Eglise de Rome, comme il le suppose en plusieurs endroits. L'Eglise que nous appePag. 141.

lons catholique n'est pas renfermée dans les murailles d'une seule ville si grande et si peuplée qu'elle soit. Elle s'étend bien loin dans les nations. Cette même Eglise, que nous nommons catholique et apostolique, parce qu'elle a la succession des apôtres, et qu'elle se multiplie tous les jours par toutes les provinces du monde, nous la désignons aussi par le nom d'Eglise romaine parce qu'une tradition ancienne lui apprend à reconnoître l'Eglise de Rome comme le chef de sa communion; et par là nous la distinguons plus spécialement de toutes les sectes qui se sont séparées du siége de l'apôtre saint Pierre, que l'antiquité chrétienne a révéré dès les premiers temps comme le centre de l'unité ecclésiastique. Nous ferons voir à notre adversaire, en un autre lieu, que nos pères nous l'ont ainsi enseigné. Maintenant il nous suffit qu'il observe que c'est de cette Eglise que le curé parle dans les pieuses interrogations qui sont apportées dans le Catéchisme. Car il est clair qu'il ne parloit pas de l'Eglise luthérienne, ni de la prétendue réformée, ni de l'éthiopique, ni de la grecque. Il parloit de l'Eglise en laquelle il étoit établi pasteur; où le malade vouloit mourir, à laquelle il avoit demandé le saint viatique du divin corps de notre Sauveur, et le remède salutaire de l'extrême-onction; de laquelle il attendoit les honneurs de la sépulture ecclésiastique. Celle-là étoit, sans doute, l'Eglise que l'usage commun appelle romaine. C'est de cette Eglise que le malade se reconnoissoit le vrai fils, le fils loyal et obéissant : et ainsi ne témoignoit-il pas qu'il embrassoit sincèrement sa doctrine, qu'il recevoit avec humilité ses décisions, qu'il suivoit de tout son cœur ses enseignements? Et toutefois le ministre avoue que le chemin du ciel lui étoit ouvert, bien qu'il fit cette déclaration en mourant. Par conséquent, il faut qu'il accorde qu'en l'an 1543 les fidèles se pouvoient sauver en la communion et en la créance de l'Eglise romaine.

CHAPITRE II.

Qu'il n'y a aucune difficulté que nous ne soyons dans le même état que nos pères en ce qui regarde la religion.

C'est ici que je lui demande quel nouveau crime a commis l'Eglise romaine, de quelle nouvelle hérésie s'est-elle infectée depuis l'an 1543 et 46; et d'où vient que depuis ce temps-là seulement elle ne peut plus engendrer des enfants au ciel? Je n'ai pas besoin d'employer ici, ni des raisonnements recherchés, ni des remar— ques étudiées. Je ne veux seulement que le sens

commun, pour voir que notre foi ne diffère pas de celle que nos ancêtres professoient alors : et de là il est aisé de conclure que, s'ils se sont sauvés en cette créance, il n'y a aucune raison de douter de nous. Mais pour bien entendre cette vérité il faut considérer avant toutes choses, quel étoit en ce temps-là l'état de l'Eglise.

Que la foi fût la même, je le puis justifier aisément par les reproches de nos adversaires. Il est clair que les ministres ne forment aucune accusation contre nous, que leurs prédécesseurs n'aient commencée avec une pareille animosité. Il seroit long de citer les passages; mais il est assez constant que la sainte messe, les images, les reliques, le purgatoire, l'invocation des saints, le mérite des œuvres, et enfin tous les autres points que l'on nous objecte, ont été le sujet de leurs invectives et entre les articles qui sont récités en la page 37 du Catéchisme, par lesquels le ministre prétend que nous avons perverti l'Evangile, je soutiens qu'il n'en sauroit désigner un seul, que ses pères n'aient déjà taxé de leur temps avec une véhémence extraordinaire. Il faut donc nécessairement qu'il confesse ou que ses premiers maîtres ont été d'impudents calomniateurs, ou bien que, si l'on nous a fait les mêmes reproches, nous avions par conséquent la même doctrine.

Ce qui le montre encore plus clairement, c'est que les premiers docteurs de nos adversaires, non contents de reprendre cette créance, pour faire voir combien ils s'en éloignoient, se sont publiquement séparés de la communion de l'Eglise romaine, prenant pour prétextes les mêmes causes que nos adversaires défendent encore ce que le ministre ne peut nier sans une insigne infidélité. Et qui ne voit par là qu'ils jugeoient que la foi qu'on professoit en l'Eglise, étoit directement opposée à celle qu'ils vouloient introduire?

En effet, ils ont bien vu qu'ils se roidissoient contre une créance reçue. Aussitôt qu'ils parurent au monde, et que, sous le beau prétexte de réformation, ils débitèrent leurs nouveaux dogmes; et les évêques, et les conciles, et les universités catholiques résistèrent hautement à leurs entreprises. Chacun s'étonna de leur nouveauté et c'est une marque évidente que la doctrine qu'ils venoient combattre, étoit profondément imprimée en l'esprit des peuples; ce qui ne seroit pas ainsi arrivé, si elle n'eût été confirmée depuis plusieurs siècles par un consentement général.

Bien plus il est certain que non-seulement les points de notre doctrine que nos adversaires

contestent, étoient crus pendant ce temps-là par tous les fidèles qui vivoient en notre communion; mais encore que pour la plupart ils avoient déjà été définis par l'autorité des conciles, contre diverses sectes qui s'y étoient injustement opposées. Le sieur Ferry ne dit-il pas lui-même que dès l'an 1215, au concile de Latran, la transsubstantiation avoit été passée en article de foi'? Par conséquent cet article étoit cru dans le temps duquel nous parlons, pendant lequel, du consentement du ministre, on pouvoit se sauver parmi nous. Néanmoins il n'est pas croyable combien nos adversaires l'ont en horreur. Dumoulin dit, en son Bouclier de la Foi, que cette transsubstantiation sape la piété par les fondements, et frappe droit au cœur de la religion. Que s'ils demeurent d'accord que cette créance n'a pas empêché le salut de nos pères, ne nous font-ils pas voir sans difficulté qu'ils se sont emportés excessivement, quand ils l'ont si sévèrement censurée ? et ensuite ne nous donnent-ils pas une certitude infaillible qu'il n'y a plus aucun point de notre doctrine qui puisse nous exclure du ciel, puisque celuici, qu'ils blâment si fort, n'en a pas exclu nos pieux ancêtres ?

Davantage, peut-on nier que la messe ne fût le service public de l'Eglise? Nos adversaires ne le contestent pas, et c'est une vérité trop connue. Or c'est ce qu'ils ont le plus en exécration; c'est la messe qu'eux et leurs pères ont décriée comme le comble de toutes sortes d'impiétés et d'idolâtrie. Mais il faut bien qu'ils sentent en leurs consciences que tous ces reproches sont très-injustes, puisqu'ils avouent maintenant, et qu'ils prêchent, et qu'ils enseignent même dans leurs catéchismes, qu'avant leur réformation prétendue, et jusqu'à l'an 1543, où la messe constamment étoit en l'Eglise en la même vénération qu'elle est en nos jours, cette Eglise, qui la célébroit, ne laissoit pas de contenir en son sein, et d'y conserver jusqu'à la mort, les enfants de Dieu.

Que dirai-je de l'administration de l'eucharistie? est-il rien de plus ordinaire en la bouche de nos prétendus réformés, qu'un de nos plus grands attentats contre l'Evangile, c'est de ne la donner pas sous les deux espèces? C'est ce qu'ils ne cessent de nous reprocher. Cependant, au temps duquel nous parlons, cette Eglise, qui, selon l'avis du ministre même, conduisoit si bien ses enfants à Dieu, ne les communioit que sous une espèce. Et qui ne sait que quelques Bohémiens, animés par les prédications de Jean Pag. 57. Sect. 173.

Hus, ayant rétabli la communion du sacré calice, le concile général de Constance prononça', qu'il falloit croire, sans aucun doute, que tout le corps et tout le sang de Notre-Seigneur étoit vraiment sous chacune des deux espèces; que la coutume de communier sous la seule espèce du pain, tenoit lieu de loi, qui ne pouvoit être changée sans l'autorité de l'Eglise; et que tous ceux qui seroient contraires à cette doctrine, devoient être tenus hérétiques? Telle fut la décision du concile, qui ayant été embrassée par toute l'Eglise, il n'y a qu'une extrême ignorance qui puisse douter de sa foi sur cette matière.

D'ailleurs, les calvinistes publient tous les jours, et le ministre ne le niera pas, que les vaudois et les albigeois sont leurs vénérables prédécesseurs; qu'ils ont professé leur même créance, et qu'ils se sont retirés d'avec nous pour les mêmes causes, pour la messe, pour l'invocation des saints, pour le purgatoire, pour les images, pour la primauté du pape, pour le sacrement de la sainte table, et ainsi du reste. Or il est très-certain que l'Eglise condamna ces hérétiques sitôt qu'ils parurent. Et en condamnant leur doctrine, qui ne voit que, par une même sentence, elle a proscrit celle des calvinistes, qui se glorifient d'être leurs enfants? De cette sorte, quand ils sont venus, il y avoit déjà plusieurs siècles que leurs principales maximes avoient été publiquement rejetées, et par conséquent les contraires reçues par l'autorité de l'Eglise.

Mais ce qui fait clairement connoître combien elle détestoit ces opinions, c'est que Jean Viclef et Jean Hus les ayant presque toutes ressuscitées, le concile général de Constance, et le pape Martin V, et toute l'Eglise renouvela contre eux le juste anathème qu'elle avoit prononcé contre les vaudois. Et après tant de condamnations, qui seroit si aveugle que de ne voir pas combien de points, que nos adversaires ont taxés d'erreur, étoient reçus en l'Eglise romaine comme des articles de foi catholique, dans le temps où le Catéchisme confesse qu'on pouvoit y trouver la vie éternelle?

Encore que ces choses soient très-évidentes, je suis contraint de les expliquer au ministre, qui fait semblant de les ignorer. Qu'il lise la session VIII avec la xve du concile universel de Constance, et la bulle du pape Martin V touchant la condamnation des erreurs de Jean Hus et de Jean Viclef, deux de ses prophètes. Là, parmi les propositions censurées, il y trou

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