Oldalképek
PDF
ePub

deux grands Apôtres, ces interprétations de la promesse faite à Abraham étaient de vraies prophéties, puisque l'événement n'avait pas encore réalisé la promesse, et qu'il ne pouvait certainement à cette époque ni être aperçu par la prévoyance humaine, ni être deviné par hasard. Ainsi, l'interprétation que nous donnons des prophéties de l'ancien Testament est fondée sur des prophéties du nouveau, qui sont d'une clarté évidente. C'est Dieu lui même qui a expliqué par ses Apôtres ce qu'il avait prédit aux patriarches, et qui a voulu rendre certain et incontestable le sens de ses promesses, au moment où il allait les accomplir. ARTICLE III.

Prophéties sur le temps de la venue du Messie.

Les prophéties que nous avons vues jusqu'à présent étaient générales et annonçaient indéfiniment un Messie, sans indiquer les signes auxquels on devrait le reconnaître. Elles vont désormais se particulariser, et présenter dans lui des caractères distinctifs qui ne permettront pas de le confondre avec d'autres personnages. Nous allons commencer par celles qui fixent le temps de sa venue, et qui se trouvent accomplies en Jésus-Christ.

§ 1. Prophétie de Jacob à Juda.

1. La promesse faite originairement à Abraham d'un descendant en qui seraient bénies toutes les nations, était passée à Isaac exclusivement à Ismaël, et à Jacob de préférence à Esau. Jacob la transmet à Juda, choisi entre tous ses frères pour en devenir le dépositaire. Au moment où il va finir ses jours, ce saint patriarche assemble autour de lui tous ses fils, et leur déclare qu'il va leur annoncer ce qui leur arrivera dans les derniers jours (1), c'est-à-dire, quelles seront les destinées de leur postérité. Après, avoir donné à ses trois fils aînés, Ruben, Siméon et Lévi, des marques de mécontentement pour les crimes dont ils s'étaient rendus coupables, il prend avec Juda, le quatrième de ses enfants, un ton différent, et lui prédit de grandes prospérités. Le commencement de sa prédiction annonce la force de Juda et ses victoires; la fin a rapport à la fertilité de son territoire, spécialement en vin. C'est le milieu de cette prophétie qui nous intéresse; en voici les termes : Le sceptre ne sera point enlevé à Juda, ainsi que le chef descendu de lui, jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé et qui sera l'attente des nations (2).

multis, sed quasi in uno, et semini tuo qui est Christus. Galat. 3, 8, 14, 16.

(1) Vocavit autem Jacob filios suos, et ait eis: Congregamini, ut annuntiem quæ ventura sunt vobis in diebus novissimis. Gen. 49, 1.

(2) Juda, te laudabunt fratres tui: manus tua in cervicibus inimicorum tuorum adorabunt te filii patris tui. Catulus leonis Juda. Ad prædam, fili mî, ascendisti; requiescens accubuisti ut leo et quasi leæna. Quis suscitabit eum? Non auferetur sceptrum de Juda, et dux de femore ejus, donec veniat qui mittendus est; et ipse erit expectatio gentium. Ligaus ad vineam pullum suum et ad vitem, ô fili mi, asinam suam;

II. Il est évident que c'est ici une prédiction. Si l'on examine ces paroles en elles-mêmes, elles annoncent des événements futurs; si on les considère dans la suite du discours du patriarche Jacob, on voit qu'elles font partie d'une suite de prédictions qu'il fait à chacun de ses fils; enfin son intention de leur prédire ce qui doit arriver à leur postérité est positivement marquée par lui-même. Il est également évident, et il serait ridicule de s'arrêter à le prouver, que les événements prédits par Jacob à Juda ne pouvaient pas être prévus par des causes naturelles, et n'ont pas pu se réaliser par hasard. Si donc on voit ces prédictions s'accomplir pleinement et littéralement, on sera forcé de convenir que ce sont de véritables prophéties divines; si on les voit accomplies ainsi dans JésusChrist, on ne pourra révoquer en doute que ce ne soit lui dont la venue a été prophétisée par Jacob. Nous avons deux choses à prouver ici : la première, que cette prophétie annonce la venue d'un envoyé céleste dont elle fixe le temps; la seconde, que cette prophétie a été pleinement accomplie en Jésus-Christ.

III. Sur le premier point, nous sommes d'accord avec les Juifs anciens; ils regardaient, ainsi que nous, les paroles de Jacob à Juda comme une prophétie du futur Messie (1); ils niaient seulement qu'elle se fût accomplie en Jésus-Christ. Les Juifs modernes, méprisant l'autorité de leurs anciens, rapportent cette prophétie à d'autres personnages qu'au Messie: il n'est pas diilicile de voir quel est l'intérêt qui a changé l'opinion de la synagogue.

Jacob donne trois caractères au personnage qu'il annonce : il appelle Shilo, ce que notre Vulgate rend par le mot celui qui doit être envoyé; il dit qu'il sera l'attente des nations; il promet que le sceptre et le chef ne sortiront pas de la tribu de Juda jusqu'à la venue de cet envoyé.

:

IV. Relativement au premier de ces caractères, les Rabbins actuels prétendent que nous traduisons mal le mot Shilo, et qu'il ne signifie pas l'envoyé futur; mais l'autorité de leurs anciens docteurs est contre eux d'un poids immense ceux-là connaissaient bien mieux que ceux-ci la valeur des termes et le sens qu'y attachait la tradition. Toutes les anciennes versions rendent le mot Shilo d'une manière qui ne peut convenir qu'au Messie : il y a quelque différence dans les termes, mais la signification est au fond la même. Les trois paraphrases chaldaïques sont précises, et nomment positivement le Mesie. Le texte samaritain rend le mot Shilo par le pacifique, ce qui est un caractère du Messie. La version des Septante porte: jusqu'à ce que vienne celui à qui les choses sont réservées; et les anciennes traductions orientales: jusqu à ce que vienne celui à qui appartient la chose (2).

lavabit in vino stolam suam, et in sanguine uvæ pallium suum. Pulchriores sunt oculi ejus vino, et dentes ejus lacte candidiores. Gen. 49, 8 et seq.

(1) Voyez Huet, Démonstr. évang. propos. 7, n. 7. (2) Voici les divers textes de la prophétie de Jacob.

TEXTE HÉBREU.

Non recedet virga de Juda, et legislator de inter

Ce qui montre combien est peu fondée la difficulté des Rabbins actuels, c'est leur embarras, leur division, la faiblesse de leurs conjectures lorsqu'il s'agit de déterminer le personnage autre que le Messie indiqué par le mot Shilo: les uns l'appliquent à Jéroboam, les autres à Nabuchodonosor; ceux-ci à Saul, ceux-là à Alias le Silonite. Sans entrer dans la discussion de ces diverses explications, une seule considération les réfute toutes. Quel est, de tous ces hommes, celui de qui il peut être dit avec quelque apparence de fondement, qu'il a été l'attente des nations?

V. Ce second caractère donné par Jacob au personnage qu'il annonce, présente une considération imposante; il lie cet oracle avec les promesses précédemment faites à Abraham, à Isaac, et à Jacob luimême (1). Il y a entre ces promesses et cette prophétie, une analogie précieuse; c'est évidemment du même objet qu'il est parlé: Dicu promet aux patriarches que, dans leur postérité, seront bénies toutes les nations. Jacob avait été fait héritier de la promesse à l'exclusion d'Esau, il transmet cet héritage à Juda de préférence à ses frères. Cette prophétie rapprochée de celles qui l'ont précédée et de celles qui doivent la suivre, leur donne et en reçoit une force et une clarté nouvelle. C'est une succession d'oracles depuis Abraham jusqu'aux derniers pro

[blocks in formation]

TARGUM DE JERUSALEM.

Non deficient reges de domo Juda, neque periti doctores legis de filiis filiorum cjus, usquè ad tempus quo veniet rex Messias, cujus est regnum : et ei subjicientur tandem omnes reges terræ. Quàm pulcher est rex Messias, qui surrecturus est è domo Juda!

ANCIENNE TRADUCTION ARABE.

Non præteribit virga de Judâ, et legislator de sub imperio ejus, donec veniat is cujus ipse est, et ad quem congregabuntur populi.

ANCIENNE TRADUCTION SYRIAQUE.

Non deficiet sceptrum de Juda, et expositor de inter pedes ejus, donec veniat is cujus illud est, et ipsum expectabunt gentes.

(1) Non deficiet, inquit, princeps de Judà, neque dux de femoribus ejus, donec veniant quæ reposita sunt ipsi; et ipse expectatio gentium. Sed quænam hæc expectatio erat, præter eam quæ Abrahæ quondam promissa fuerat; quòd videlicet in ipso omnes gentes terræ essent benedicendæ? Eusebius, Demonstr. evang., lib. 1, cap. 3.

phètes, dans un intervalle de quatorze cents ans, annonçant un personnage qui réunira à lui toutes les nations. Il est absurde aux Juifs actuels de prétendre que cette prophétie de Jacob n'a pas trait au Messie, tandis qu'ils admettent que d'autres prophéties semblables et qui ont le même sens lui sont relatives.

Il est bon, au reste, d'observer que ces mots : il sera l'attente des nations, sont un peu différents dans les différentes versions. Le texte hébreu porte: toutes les nations lui obéiront; le samaritain et la traduction arabe autour de lui se réuniront les peuples; le syriaque les nations l'attendront. Mais toutes ces expressions reviennent au même; elles ne peuvent convenir qu'à un envoyé céleste reconnu par tous les peuples. Cette variété dans les expressions, en conservant l'uniformité dans le sens, contribue à montrer quelle a été la manière unanime d'entendre le texte : tous s'accordent sans s'être concertés.

VI. Le troisième caractère donné par Jacob au personnage qu'il prédit, est qu'il ne viendra que lorsque le sceptre sortira de Juda, et qu'il n'y aura plus de chef descendu de lui. Le mot hébreu que nous traduisons sceptre, est schebet, qui, dans son sens littéral, signifie la verge du commandement. Le mot hébreu que la Vulgate rend par le mot duz ou chef, est mechokek, dont la signification littérale est un chef, ou un législateur, ou un juge, ou un scribe, ou un docteur de la loi.

VI. Les Juifs, pour se soustraire à la preuve victo<rieuse qui résulte contre eux de cette prophétie, ont « imaginé de détourner le mot schebet de la significa<«tion que nous lui donnons; ils disent donc que ce « mot signifie aussi souvent une verge de châtiment <qu'une verge de domination; qu'ainsi le sens de la prophétie est que Juda ne cessera d'être affligé que lorsqu'arrivera le personnage annoncé ce que l'on (voit, ajoutent-ils, dans l'état malheureux où se « trouve actuellement cette nation. ›

a

VIII. Mais la fausseté de cette interprétation est facile à démontrer :

1o Il s'agit ici de l'interprétation d'un mot hébreu; et sur ce point l'autorité des Juifs anciens est immense. Or, tous unanimement entendaient e mot schebet comme nous, d'une verge, signe du commandement. Tous les targum, toutes les versions anciennes portent ce sens, tous les anciens Rabbins l'adoptent. Comment peut-on, après une longue suite de siècles, lorsqu'une langue est devenue morte, venir contredire ceux à qui elle était familière? Que dirait-on d'un pédant de collége, qui disputerait à Cicéron et aux autres auteurs romains, la signification d'un mot latin?

2o En voulant interpréter le mot schebet dans un sens différent de celui qu'y attachaient leurs anciens, les Rabbins modernes devraient prouver par des exemples, que ce mot est susceptible de la signification qu'ils lui donnent; mais au lieu de cela, nous voyons le mot schebet, toutes les fois qu'il est employé seul et sans addition signifier le sceptre ou le bâton de comman

79 dement. Quand il s'agit d'une verge de correction, c'est ordinairement le mot matteh qui est employé ; ou, si c'est le mot schebet qui est placé, c'est toujours avec quelque addition qui exprime l'usage sévère de la verge. Ainsi, il est dit quelquefois : la verge de fer, la verge de colère, visiter dans la verge.

3o En supposant, contre la vérité, que le mot schebet est susceptible des deux sens, son sens véritable dans le texte dont il s'agit, doit être déterminé par ce qui précède et ce qui suit. Or, dans toute cette prophétie, Jacob ne prédit à son fils que des prospérités; il ne parle que de sa force, de ses victoires, de la fertilité de son pays; il lui dit non-seulement que la verge, mais aussi que le chef ne cessera d'être dans sa race le second membre de la phrase suffirait pour fixer le sens du premier. Il est absurde de supposer que la même phrase réunisse deux choses contradictoires : l'annonce d'une suite d'humiliations, et la promesse d'une continuité du pouvoir souverain. IX. Quelques autres Rabbins nous opposent deux autres misérables difficultés : les uns disent que le mot hébreu Atki est mal rendu par le mot jusqu'à ace que, et qu'il signifie après que. Tel est, selon ceuxlà, le sens du discours: le sceptre ne sortira plus de Juda après la venue du Messie. Les autres prétendent que cette promesse de Jacob à Juda est conditionnelle; que son accomplissement devait dépendre de la fidélité des Juifs à la loi de Dieu, et que leurs péchés ont empêché la venue du Messie. » Pour réfuter la première de ces allégations, il suflit de renvoyer les Juifs modernes à leurs anciens qui connaissaient mieux qu'eux leur langue: il n'y en a pas un qui ait entendu comme eux le mot Atki; il n'y a pas une version, pas une paraphrase qui ne l'ait interprété comme la Vulgate. Quant à la seconde de ces explications, elle est absolument gratuite; il n'y a rica dans le sens qui la favorise; elle est, de plus, contraire au sens donné par tous les anciens à cette prophétie; elle forme même une disparate avec tout le reste du discours. Dira-t-on que toutes les autres prédictions de Jacob à ses enfants, que celle même faite à Juda, dont la phrase en question fait partie, sont faites sous condition? Ou soutiendra-t-on que, dans un même discours suivi et formant un seul contexte, une seule partie est conditionnelle, tandis que tout le reste est absolu sans que rien n'annonce cette différence? et où en serait-on sur l'intelligence des discours les plus clairs, avec cette licence de les détourner ainsi de leur sens littéral, sans autre fondement que l'intérêt qu'on y a?

Il est donc certain que, par son discours à Juda, Jacob promet la venue d'un envoyé céleste; qu'il donne à cet envoyé le même caractère que Dieu avait assigné dans les promesses qu'il avait faites aux patriarches; et qu'il fixe le temps de sa venue à celui où la nation descendue de Juda cesserait de posséder l'autorité suprême et des chefs sortis d'elle-même. Il nous reste à examiner si cette prédiction a été accomplie en Jésus-Christ.

X. D'abord il est évident que Jésus-Christ s'est donné pour un envoyé de Dieu; ce qui est, comme nous l'avons vu, le premier caractère indiqué par Jacob. Sur ce point il ne peut y avoir et il n'y a pas de difficulté nos adversaires, soit Juits, soit incrédules, ne le contestent pas.

Ensuite, il est également certain qu'il a accompli la seconde partie de la prophétie. En traitant des promesses faites aux patriarches, nous avons montré que toutes les nations avaient été bénies en lui, puisqu'elles étaient venues se réunir dans sa religion : c'est ici la même chose. Quelle que soit celle des versions que l'on veuille adopter, on verra qu'elles s'appliquent toutes à Jésus-Christ : toutes les nations lui ont obéi, comme portent le texte hébreu et les paraphrases; toutes se sont réunies autour de lui, comme disent le samaritain et l'arabe; il a été l'attente de toutes, selon notre Vulgate et le syriaque.

Sur cette dernière expression, quelques ennemis de la religion élèvent une difficulté: Comment, disent-ils, le Messie pouvait-il être l'attente des na«tions, puisqu'elles n'en avaient pas la connaissance?> Je pourrais observer que, si la Vulgate présentait ici quelque inexactitude, elle serait facilement corrigée en la rapprochant du texte original et des autres traductions, dont les termes expriment plus positivement la soumission de tous les peuples au personnage annoncé. Mais d'ailleurs, pour justifier, soit dans cette prophétie, soit dans les autres, ces expressions: l'attente des nations, le désiré des nations, ou d'autres semblables, il n'est pas nécessaire que les nations fussent actuellement dans le désir, dans l'espoir, dans l'attente; il suffit que le personnage destiné à faire leur bonheur dût être l'objet de leurs désirs et de leur attente.

Enfin, Jésus-Christ présente dans sa personne le troisième caractère attribué par Jacob à l'envoyé divin qu'il annonce. Il est arrivé au temps où le sceptre sortait de Juda qui cessait d'avoir un chef tiré de son sein. Depuis lui, non-seulement cette tribu n'a plus de souverain, de chef; elle ne forme plus même un état, une république (1). C'est contre ce dernier point

(1) Moyses quidem, qui primus extitit prophetarum, sic ad verbum scripsit: Non deficiet princeps de Judâ, neque dux è femore ejus, donec veniat cui repositum est; et ipse erit expectatio gentium; ligans ad vitem pullum suum, lavans sanguine uvæ stolam suam. Vestrum est igitur accuratè inquirere et pernoscere quoadusquè judæus suus fuerit proprius princeps et rex. Nimirùm quoad apparuerit Jesus-Christus, magister noster, et latentium oraculorum interpres.

Quemadmodùm prædictum est à spiritu prophetico per Moysen, non defecturum à judæis principem, donec veniat cui repositum erat regnum. S. Justinus, Apol. 1, cap. 31.

Non deficiet, inquit, princeps de Juda, neque dux de femoribus ejus, donec veniat cui repositum est; et ipse expectatio gentium. Quibus verbis non defuturos deinceps ductores ac principes qui sibi inter se continuata serie succedant de gente Judaicâ, usque ad ejus qui expectabatur adventum, enuntiat. Quòd si principes apud Judæos defecerint, adventurum eum

que porte l'opposition des ennemis du christianisine: il est donc nécessaire de l'éclaircir et de le prouver. XI. La tribu de Juda, disent-ils, n'a donné des chefs au peuple hébreu que pendant le gouverne‹ment d'un ou de deux juges, et depuis David jus• qu'à la captivité de Babylone. Encore il faut observer que, depuis Roboam, les rois de la tribu de Juda « n'ont régné que sur la moindre partie des Israélites. Il faut donc, disent les Juifs, trouver un autre que «Jésus-Christ, à qui on applique la prophétie. Il faut, « disent les incrédules, du défaut d'accomplissement conclure que ce n'est pas là une prophétie, et qu'il n'y est pas question de Jésus-Christ.▸

XII. Le vice de cette objection est que l'on veut faire signifier au mot schebet, que la Vulgate a rendu par le mot sceptre, une autorité royale, et une autorité qui s'étende sur les autres tribus. On veut de même que le mot mechokek, rendu par le mot dux ou chef, soit entendu d'un roi issu de Juda. Ainsi le sens que l'on donne à cette prophétie est que, jusqu'à l'arrivée du personnage annoncé, il y aura une suite

qui ex oraculis expectabatur. Judam verò hìc non ipsam tribum intelligit, sed quoniam demonstratione quâdam posterioribus temporibus à regali tribu Judà, omnis Judæorum natio dicta est, ita quidem, ut hodiè quoque Judæi nominentur, valdè mirabiliter et propheticè, omnem Judaicam gentem nominavit sanè; ut nos quoque Judæos appellare consuevimus. Tum affirmat non priùs defuturos de gente ipsorum principes ac duces, quàm is adveniat quem prophetia significat. Porrò hic simul atque advenerit, Judæorum quidem principatum esse dissolvendum, ipsum verò non Judæorum ampliùs, sed gentium fore expectationem : quod quidem ipsum nulli unquàm prophetarum accommodare, sed uni duntaxat Salvatori Dominoque nostro poteris. Nam simul atque ille ad homines venit, Judæorum regia sublata est; continuòque illorum princeps defecit, qui quidem majoribus suis succederet, atque ex legibus propriis illis præesset. Eusebius, Demonst. evang., lib. 3, proœmium, n. 2.

Jacob quoque usque ad ipsum permansurum essc regnum Judæorum his verbis prænuntiat: Non deficiet princeps ex Juda, et dux ex femoribus ejus, donec venerint quæ reposita sunt ei; et ipse est expectatio gentium. S. Athanasius de Incarnatione Verbi Dei, n. 46.

Alius iterùm tempus quo venturus erat significavit his verbis: Non deficiet princeps de Juda, neque dux de femoribus ejus, donec veniat cui repositum est; et ipse erit expectatio gentium..... Vide hanc etiam prophetiam congruere. Nam tùm advenit dùm jam deficerent principes judaici, et sceptro Romanorum subderentur, et sic implebatur prophetia quæ dicit: Non deficiet princeps de Judâ et dux de femoribus ejus, donec veniat cui repositum est, de Christo scilicet loquens. Nam statim atque natus est, ei descriptio illa prima facta est, imperantibus Romanis Judæorum genti cùm eos sub imperii sui jugum egissent. Itemque aliud significatur his verbis: Et ipse erit expectatio gentium; cùm advenisset enim, omnes gentes attraxit. S. Joan-. nes Chrysost, contra Judæos, quòd Christus sit Deus,n.3.

Hujus autem ineffabilis misericordiæ manifestatio facta est, Herode apud Judæos jus regium tenente; ubi legitimâ regum successione cessante, et pontificum potestate destructâ alienigenæ obtinuerunt principatum, ut veri regis ortus illius prophetiæ vocaretur voce quæ dixerat: Non deficiet princeps ex Judâ, neque dux de femoribus ejus, donec veniat cui repositum est; et ipse erit expectatio gentium. S. Leo, serm. 63 De passione Domini 14, cap. 6.

de rois descendus de Juda, qui gouverneront tout le peuple d'Israël : si tel était véritablement le sens de cette prédiction, nous conviendrions qu'elle n'est pas une prédiction de Jésus-Christ. Mais nous avons déjà observé que le mot schebet exprime seulement une verge ou un bâton de conmandement; il ne signifie donc pas nécessairement une autorité monarchique; il peut s'entendre de toute autorité politique analoguc aux divers états d'une nation. De même, le mot mechokek ne s'applique pas toujours à un monarque, pas même à un souverain; il désigne quelquefois un chef quelconque, quelquefois un législateur, ou un juge, ou un greffier, ou un docteur de la loi. C'est donc à tort que l'on prétend que ces expressions sont absolument relatives à une autorité royale, et que l'on veut que dans leur signification naturelle elles promettent à Juda une suite continue de rois de son sang, qui ne cessera qu'à l'époque marquée.

Il ne s'ensuit pas non plus des paroles de Jacob que la puissance, l'autorité promise à Juda doivent s'étendre constamment sur les autres tribus : elles peuvent aussi bien s'entendre d'une autorité politique sur elle-même. En admettant ce sens, l'objection tombe, et la prophétie se trouve pleinement accomplie, d'abord jusqu'à Jésus-Christ, et ensuite dans sa personne : c'est ce qu'il s'agit de développer.

La prophétie de Jacob a pour objet les descendants de Juda, la tribu qui doit naître de lui, de même que les prédictions qu'il fait à ses autres enfants sont relatives aux tribus dont ils doivent être les pères. Ces tribus devaient former autant de corps politiques, ayant chacun leurs chefs, leurs magistrats, leurs juges. Cela se voit assez clairement dans la prophétie faite à Dan, où Jacob lui annonce qu'il jugera son peuple, de même que les autres tribus d'Israël (1). Je sais que beaucoup d'interprètes entendent autrement ce passage, et disent qu'il a rapport au temps où la tribu de Dan donna à la nation un juge dans la personne de Samson. Mais il paraît que Jacob annonce à Dan une chose qui doit lui être commune avec toutes les autres tribus, et on ne voit pas de chefs de la nation entière dans toutes les tribus. D'ailleurs, s'il est naturel d'expliquer une prophétie par l'événement, en voyant chaque tribu avoir son régime particulier, nous pouvons avec fondement juger que c'est là ce qu'a prédit Jacob; ses paroles à Juda, prises en elles-mêmes, n'expriment pas plus une autorité sur les autres tribus, qu'une autorité sur elle-même; mais, entendues dans ce dernier sens, elles sont conformes à celles adressées dans la même suite de discours à son frère Dan: il est donc naturel de leur donner cette signification, et voici quelle est alors la prophétie. Entre les douze tribus, qui toutes formeront des sociétés politiques, ayant chacune leurs che's et leurs magistrats, la tribu de Juda aura cela de particulier, qu'elle conservera son autorité civile schebet, et ses chefs pris dans elle mechokek, jusqu'au temps

(1) Dan judicabit populum suum, sicut et aliæ tribus Israel. Gen. 49, cap. 16.

où viendra l'envoyé. I paraît que c'est dans ce sens que S. Jean Chrysostôme a entendu cet oracle (i); et il est d'autant plus juste de l'entendre dans ce sens simple et naturel, qu'entendu ainsi il a eu son accomplissement plein et exact. Les autres tribus on! cessé d'exister en corps d'état et d'avoir des chefs pris dans leur sein, Juda a conservé long-temps la prérogative qui lui avait été annoncée : cette tribu n'a perdu la verge de commandement et le chef tiré d'elle qu'au temps de la venue de Jésus-Christ: la suite de son histoire le montre clairement.

XIII. Quelques interprètes ont cru trouver, dès le temps où les lsraélites etaient dans l'Egypte en état de servitude, des traces de l'autorité qu'exerçaient, dans chaque tribu, des chefs qui en étaient tirés; ils se fondaient sur ce que, dans l'Exode, Dieu ordonne à Moïse de rassembler les anciens d'Israël, ou, selon la version des Septante, le sénat des enfants d'Israël (2); mais cette opinon paraît difficile à admettre. Il est contre toute vraisemblance que les Egyptiens', qui tenaient les Hébreux dans la pauvreté et l'humiliation, qui s'étaient même fait un système de les opprimer pour empêcher qu'ils ne devinssent trop puissants (3), leur aient laissé la liberté de former un corps d'état parmi eux, et d'avoir des chefs qui les gouvernassent. Le texte que l'on cite n'annonce point que ces anciens dont Moïse devait faire le rassemblement, eussent de l'autorité sur leurs compatriotes. Il était impossible que Moïse rassemblât tout ce peuple si nombreux; il est tout simple que Dieu le chargea de parler à ceux qui avaient le plus de considération parmi la nation.

Mais, objectent quelques-uns de ros adversaires, Si le sceptre n'a pas été dans Juda dès le premier moment, la prophétie s'est donc trouvée fausse immédiatement aprés qu'elle a été faite. Le mot non deficiet annonce que le sceptre sera en tout temps dans la tribu, qu'il ne manquera jamais. » Cette interprétation n'est pas exacte. Le mot non deficiet signifie seulement que lorsque le sceptre sera entré dans Juda, il n'en sortira plus; mais le temps où il doit y entrer n'est pas fixé. Dans un discours prophétique on.ne doit pas regarder la chose comme présente. Jacob promet une puissance à son fils; il ne la lui donne pas actuellement.

Après la sortie d'Egypte, et lorsque les Israélites étaient encore dans le désert, on trouve des marques plus positives de l'autorité des chefs dans les tribus. Non-seulement on voit en plusieurs endroits des hommes appelés princes de la multitude; mais au

(1) Non deficiet, inquit, princeps de Juda, neque dux de femoribus ejus, donec veniat cui repositum est; erit expectatio gentium. Tamdiù, inquit, durabunt judaica et principes Judæorum, donec ille venerit. S. Joannes Chrysost. in Genes, homil. 67, n. 2.

(2) Vade, et congrega seniores Israel. Juxtà LXX senatum filiorum Israel. Exod. 3, 16.

(3) Et ait (rex) ad populum suum Ecce populus filiorum Israel multus, et fortior nobis est. Venite, sapienter opprimamus eum ne fortè multiplicetur, etc. Exod. 1, 9, 10.

commencement du livre des Nombres, ils sont désignés par leurs noms et par leurs tribus; ils sont appelés princes des tribus et des maisons, chacun dans sa parenté; princes de la multitude dans leurs tribus et chefs de l'armée d'Israël : ils sont associés à Moïse pour faire le recensement de tous les hommes en état de porter les armes (1). On les voit ensuite, dans l'ordre du campement, placés chacun à la tête de sa tribu, et la commandant (2). Enfin on les retrouve dans beaucoup d'occasions associés à Moïse et à Aaron, et toujours avec ce même titre de princes des tribus.

Si cependant on veut que cet ordre de choses n'ait pas existé dans le désert, et que les tribus n'y aient pas eu un gouvernement particulier, nous n'avons pas d'intérêt à soutenir le contraire; il s'ensuivra seulement que cette forme de gouvernement par tribus a commencé plus tard, et lorsque les Israélites, ayant passé le désert, se furent établis dans la terre de Chanaan, il n'en sera pas moins vrai que, du moment où elle a commencé, elle s'est perpétuée jusqu'au temps de Jésus-Christ dans la tribu de Juda, malgré les diverses révolutions par lesquelles elle a passé.

Immédiatement après l'établissement du peuple hébreu dans la terre qui lui avait été promise, les douze tribus formèrent douze cantons séparés, ayant chacun son gouvernement; et, sous les lois communes que Moïse leur avait données, composèrent une sorte de république fédérative. Au premier chapitre du livre des Juges, on voit ces diverses tribus avoir chacune de son côté des guerres contre les nations qui leur étaient voisines, ou qui occupaient leur territoire; on les voit ensuite avoir des guerres civiles: ce qui suppose dans toutes un gouvernement et des chefs particuliers. Il est vrai que dans cet intervalle la nation a eu de temps en temps des chefs communs sous le nom de juges. C'était principalement dans le temps où, en punition de ses fautes, elle avait été asservie à des puissances étrangères, que Dieu, en considération de son repentir, lui envoyait des libérateurs qui jouissaient sur elle d'une autorité générale. Mais, outre ces juges communs qui n'existaient que de temps en temps, les tribus avaient leurs chefs particuliers qui régissaient et jugeaient chacune d'elles Moïse le leur avait ainsi ordonné (3); et nous trouvons dans plusieurs endroits une mention expresse

(1) Tollite summam universæ cognationis filiorum Israel per cognationes et domos suas, et nomina singulorum; quidquid sexûs est masculini à vigesimo anno et suprà, omnium virorum fortium ex Israel, et numerabitis eos per turmas suas, tu et Aaron. Eruntque vobiscum principes tribuum ac domorum in cognationibus suis, quorum ista sunt nomina: de Ruben Elisur, filius Sedeur:.... de Judâ Naasson, filius Aminadab;... de Nephthali Ahira, filius Enam; hi nobilissimi principes multitudinis, per tribus et cognationes suas, et capita exercitûs Israel. Num. 1, 2 et seq. (2) Voyez Num. 2, 3 et seq.

(3) Judices et magistratus constitues in omnibus portis tuis, quas Dominus Deus tuus dederit tibi, per singulas tribus tuas, ut judicent justo judicio. Deuter. 16, 18.

« ElőzőTovább »