Oldalképek
PDF
ePub

gieux d'oracles vérifiés soit dans l'histoire temporelle du monde, soit dans celle de Jésus-Christ et de son Eglise. Ce ne sont pas même toutes les prédictions des livres saints, dont ont eût pu leur montrer l'ac

complissement. Peut-on douter encore qu'il n'y ait un Dieu et une Providence? Que ce Dicu ne daigne converser avec les hommes, qu'il n'ait parlé aux Israélites, et que la religion chrétienne ne soit son ouvrage?

JACQUELOT VITA.

JACQUELOT, vel potiùs JAQUELOT (Isaac), patre ortus est ministro protestante, Vassiaci, in Campaniâ Gallicâ, anno 1647; collega patri adjunctus est, viginti et uno annis natus. Revocato edicto Nannetensi, exul invisit Heidelberg et dein Hagas, in quâ civitate, cùm concionem præsente Borussorum rege habuisset, à principe abductus est Berolinum. Ibi, minister regis nominatus, lautissimâque annuâ pensione donatus, sexagenarius occubuit. Ratiocinando præsertim viget auctor ille, ordinatione materiarum non adeò laudandus. Scripsit: 1° Dissertationem de existentiâ Dei,

contra Epicurum et Spinosam; 2o Impugnationes tres Dictionarii Bayli; 3° Dissertationes in Messiam ; 4° Tractatum de veritate et inspiratione Librorum sacrorum, opus laudatissimum, quod nunc pro majore ac præstantiore parte, omnibus exoptantibus, prelo mandamus; 5o In Juriæum de Socinianismo; 6o Conciones sacras, inordinatas, sed ingenio et altissimâ scientiâ distinctas; Epistolam ad episcopos Gallicos, w Protestantium casibus se misericordes præberent; quod jam plerique effecerant.

PROPHÉTIES

DE L'ANCIEN ET DU NOUVEAU TESTAMENT TRAITÉ DE LA VÉRITÉ Et de l'inspIRATION DES LIVRES DE L'ANCIEN ET DU NOUVEAU TESTAMENT.)

CHAPITRE PREMIER.

PRÉDICTIONS QUI SE LISENT DANS L'ANCIEN TESTAMENT.

ARTICLE PREMIER.

Remarques générales.

Ces prédictions sont plus ou moins obscures et circonstanciées, à proportion du temps de leur accomplissement, selon qu'il est plus ou moins éloigné. Lorsque le Saint-Esprit a prédit un événement notable, qui ne devait arriver qu'après plusieurs siècles, il en parle fort généralement et en peu de mots, parce qu'il y devait encore retoucher, pour ajouter quelque rayon de lumière, qui éclaircît davantage la prophétie, afin qu'au temps de son accomplissement on re put s'y méprendre, quand on comparerait l'événement avec toutes les prédictions qui en avaient été faites. Ainsi il n'y a rien de plus général que la première prédiction du Messie, dans ces paroles(1): La semence de la femme brisera la tête du serpent. Quoiqu'il paraisse visiblement que cette divine semence devait nous délivrer de la condamnation de mort que la séduction du tentateur avait attirée sur nous, on ne sait pourtant quel sera ce libérateur, ni comment il opérera cette fameuse délivrance. Ce sera un homme; voilà tout ce que cette prédiction nous apprend. Plusieurs siècles ensuite, le Saint-Esprit nous dit (1) Genèse, chap. 3, vers. 15.

que ce libérateur sortira de lɔ race d'Abraham, d'isaac, son fils; il ne faut donc plus attendre ce libéra teur que de la postérité d'un seul homme. Si Isaac a deux fils, Esau et Jacob, c'est de Jacob qu'il doit sortir. Si Jacob en a douze, c'est de Juda que le Messie doit descendre; toutes ces prédictions se trouvent dans le seul livre de la Genèse. Entre toutes ces têtes notables, ces chefs de nations, Dieu désigne clairement d'où sortira le Messie.

Si les Israélites demandent un roi, Saül fut le premier qui monta sur le trône, mais sa désobéissance l'en ayant exclu avec sa postérité, David de la tribu de Juda fut choisi, et Dieu, lui ayant promis que son règne ne finirait point, prédit (1) en même temps que le Messie naîtrait de sa postérité, et que ce serait en lui que la promesse de l'éternité de son règne s'accomplirait. Ainsi on vit la promesse faite à la première femme, ensuite à Abraham, à Isaac, à Jacob, et à Juda, restreinte à la famille de David. Il ne restait plus qu'à désigner les circonstances propres à faire connaître le Messie personnellement. C'est aussi ce qu'ont fait les prophètes qui ont vécu en divers temps, soit dans le royaume de Juda, soit dans celui d'Israël, quoique ces sortes de prédictions, pour le dire en passant, dussent fort irriter les rois d'Israël contre les prophètes. D'où l'on doit conclure que si ces hommes n'eussent été animés de l'esprit de Dieu,

(1) 2 Sam. chap. 7, vers. 12, 13, 16.

ils n'auraient pas été si imprudents, si insensés que de contrefaire les prophètes, pour s'attirer par ces impostures la colère de leurs rois et une juste punition de leur fraude. De sorte que, quand Jésus-Christ vint au monde, une infinité de prédictions l'attendaient pour le faire connaître distinctement.

Il ne faut pas oublier de remarquer que, lorsque la religion était obscurcie par l'impiété des rois, et le trône ébranlé par ses ennemis, comme sous le méchant Achaz, les prophètes (1) renouvelèrent les promesses du Messie avec de nouvelles circonstances. De même aussi, lorsque le temps de la captivité approchait, qui allait mettre fin au règne de la maison de David, les prophètes qui vivaient alors parlèrent plus clairement et d'une nouvelle alliance et du règne céleste et éternel du Messie, du fils de David. Je doute que quiconque voudra examiner toutes ces choses avec application et de sens rassis, puisse ne pas reconnaitre l'effet de l'esprit de Dieu dans la bouche de ces hommes, qui ont parlé si affirmativement de ces choses qui étaient alors si contraires aux apparences.

Une seconde observation qu'on doit faire sur ce sujet, c'est qu'il y a une multitude de prédictions particulières concernant les révolutions qui devaient arriver aux autres nations. Elles sont à notre égard si obscures à cause du défaut de l'histoire, qu'on ne saurait guère aller au delà des conjectures que quelques circonstances de l'histoire profane font naître ; mais on ne doit pas douter qu'au temps de leur accomplissement et du retour des Juifs en Judée, il ne fut facile d'en connaître la vérité.

A quoi bon, je vous prie, les prophètes auraient-ils voulu se commettre par tant de prédictions, qui ne faisaient rien à leur dessein et qui n'auraient contribué au contraire qu'à le détruire, en découvrant l'erreur ou l'imposture de ces prophètes? Ces prédictions étaient connues constamment, avant le retour de la captivité. Daniel lisait la prophétie de Jérémie qui était mort en Egypte, où il avait été entraîné malgré lui par des Juifs révoltés contre le gouverneur que le roi de Babylone leur avait donné. Néanmoins on lit la plupart de ces prédictions dans le livre de Jérémie. D'ailleurs il y a des prédictions qui ont été accomplies non-seulement après la mort des prophètes, mais même après la destruction de Jérusalem, comme la prise de Babylone; et après le retour des Juifs en Judée, comme les prophéties de Daniel. Or il est constant qu'après ce rétablissement, les Juifs ne reçurent plus aucun ouvrage de prophètes pour véritable.

Quand on se représente ce grand nombre de prédictions dont l'événement a dû être connu, on sent en soi-même que ceux qui les ont faites avec tant d'assurance étaient dirigés par celui qui connaît l'avenir. Vouloir aujourd'hui critiquer ces événements, c'est faire l'incrédule, uniquement pour faire l'incrédule. Il est trop tard de contester, le temps a fait naître une prescription bien fondée. Deux ou trois notables pré

(1) Isa. chap. 7, vers. 14.

dictions accomplies et desquelles nous voyons l'accomplissement, sont des cautions suffisantes de la vérité des autres quand même le défaut et l'obscurité de ces anciennes histoires fourniraient aux impies quelque matière de chicane. Jérémie, par exemple, nous parle de la prise de Tyr par Nabucadnetsar (1), et il en parle comme d'une ville du continent. Les libertins n'auraient pas manqué d'insulter ce prophète, s'il ne nous restait quelques indices de cette ville nommée Paletyr, ancienne Tyr dans l'histoire profane, autre ville que la ville de Tyr si célèbre par le siége d'Alexandre.

Une troisième remarque générale qu'on doit faire sur les prédictions, est qu'il faut les considérer en corps et non séparément, parce qu'elles se soutiennent et s'éclaircissent les unes les autres. Pourquoi tant de personnes dans des temps, des lieux et des intérêts de partis différents, auraient-ils pris plaisir à prédire, par exemple, la captivité des dix tribus par le roi d'Assyrie et la destruction du royaume de Juda par les Babyloniens, lors même que cet empire ne faisait aucune figure et que ces peuples étaient assujettis aux rois d'Assyrie ?

Si on recueille toutes les prophéties qui concernent la venue et la personne du Messie, la nature de son règne et la vocation des gentils, il n'est pas possible de n'être point frappé de l'éclat qui en résulte. Il est vrai que les Juifs contestent le sens de beaucoup de ces prophéties et on ne doit pas s'en étonner. La langue hébraïque est pauvre, la plus grande partie de ses termes est susceptible de tant de significations différentes, et même souvent opposées, qu'il n'est pas difficile à un esprit opiniâtre et entêté de ses préjugés d'y trouver par violence ce qu'il cherche; mais un esprit attentif à chercher le sens de l'auteur sacré, et à donner du jour à une prédiction par beaucoup d'autres qui tendent au même but, peut aisément apercevoir la pensée du Saint-Esprit. D'ailleurs, un principe certain pour connaître la véritable explication des prophéties qui regardent le Messie, c'est de remonter jusqu'aux siècles qui ont précédé la dispute des chrétiens avec les Juifs, et de consulter pour cet effet la version des Septante et les paraphrases de ce tempslà. Ce procédé ne peut être suspect.

On peut donc présentement distinguer les prédictions des prophètes en trois classes. La première concerne les Juifs, où il y a beaucoup de particularités touchant les différentes conditions où ils se trouveraient, et surtout à l'égard de leur captivité, de leur retour de cette captivité, et du rétablissement de Jérusalem et du temple.

La seconde regarde plusieurs autres nations, sur quoi les prophètes n'insistent pas fort longtemps.

La troisième appartient au Messie en général, avec plusieurs circonstances nécessaires pour le connaître personnellement, par les qualités de sa mère, par le temps et le lieu de sa naissance, par ses actions et

(1) Voyez aussi Ezéchiel, chap. 26 et 27.

539

par ses souffrances, par sa vie et par sa mort, par sa résurrection et par sa gloire. A quoi il faut joindre les prédictions qui parlent de la nature de son règne spirituel et céleste, et de la vocation des gentils. ARTICLE II.

Prophéties relatives aux Juifs.

Quant aux prophéties qui concernent les Juifs, nous avons déjà examiné la promesse que Dieu fit à Abraham de multiplier sa postérité; l'exécution de cette promesse se voit encore aujourd'hui, dans ce peuple qui subsiste distingué de tous les autres depuis quatre mille ans, malgré les révolutions, les afflictions, les persécutions, et principalement malgré une dispersion de plus de seize siècles par toute la terre, où ils sont continuellement exposés à toutes sortes de mépris et de vexations. Ces gens qui voudraient voir des miracles pour croire à l'Evangile devraient faire réflexion que l'accomplissement des prophéties et en particulier de cette promesse faite à Abraham, est un miracle continuel.

Car d'où vient qu'on ne discerne plus il y a longtemps la postérité d'un Ismaël, d'un Esau? D'où vient que ces nations anciennes qui vivaient au temps des premières générations des enfarts de Jacob, sont depuis un grand nombre de siècles, ou détruites par les les autres nations, ou confondues avec elles, et que Juifs sont les seuls peuples d'entre le genre humain à qui ce malheur ne soit point arrivé? Est-ce leur demeure dans quelque coin inconnu aux autres hommes, qui les ait préservés de cette confusion? Non. Situés entre les rois d'Asie et ceux d'Egypte, eutre les Romains et les Parthes, ils ont été souvent enveloppés dans les guerres continuelles, que la jalousie mutuelle de ces puissances excitaient en Asie. Etait-ce quelque entêtement de l'antiquité et de la noblesse de leur race qui leur inspirait cette persévérance à toute épreuve? Mais, outre qu'une chimère est incapable de produire une patience, un attachement à sa race inouï et sans aucun exemple, pourquoi les Egyptiens, les Assyrians, les Babyloniens et tant d'autres peuples, auraient-ils abandonné cet orgueil, cet esprit de vanité à la première invasion de leur pays? Etait-ce enfin leur religion qui leur aurait inspiré cette opiniâtreté ? Mais si cette religion n'eût cu la vérité pour fondement et pour appui, pourquoi aurait-elle fait plus que les autres religions soutenues de tous les secours humains? L'ancien paganisme a disparu il y a plus de douze siècles; la religion et le peuple juif plus anciens de beaucoup que le paganisme, subsistent encore. On voit un petit état qui nous produit son histoire, avec le catalogue de ses rois; une religion qui nous présente la liste de ses pontifes en remontant jusqu'à Aaron, frère de Moïse, le premier souverain sacrificateur établi par le commandement exprès de Dieu. D'où vient que nous ne trouvons rien de semblable dans les empires des Assyriens, des Babyloniens, et qu'il ne nous reste que quelques fragments peu certains des rois des Mèdes et des Perses,

sans parler des autres peuples? Cela est si véritable qu'on dispute même à présent sur la famille des Antonins et sur le nombre des Gordiens de ces empereurs romains. Dira-t-on que l'histoire en est perdue? Mais d'où vient que l'histoire des Juifs, plus ancienne de beaucoup, ne l'est pas ? Je ne sais ce qui pourrait ouvrir les yeux, pour faire reconnaître une providence, si cette conduite secrète du Maître de l'univers en faveur des Juifs, ne suffit pas pour cela.

Quant on lit les chapitres 28, 29 et 30 du Deutéronome, on y voit une prédiction générale de ce qui devait arriver aux Israélites; beaucoup de biens, lorsqu'ils craindraient Dieu, et qu'ils observeraient fidelement son alliance; ou des malheurs extrêmes, quand ils seraient rebelles et obstinés à violer ses commandements. Il y est parlé en particulier d'une désolation des plus tragiques et d'une rude captivité, où le peuple serait entraîné avec son roi. Cette circonstance est remarquable, puisque les Israélites ne changèrent leur gouvernement pour demander un roi, que longtemps après la mort de Moïse. Ce législateur ajoute de plus, que s'ils retournaient à Dieu sincèrement, Dieu les rappellerait du pays de leur captivité pour les rétablir dans la terre qu'il leur avait donnée : tout cela est arrivé, comme il avait été promis.

Dira-t-on que Moïse ne hasardait rien à prédire en général, et par des expressions vagues et indéterminées tantôt du bien, et tantôt du mal à un peuple durant le cours de plusieurs siècles; puisque ces vicissitudes des choses du monde sont ordinaires à tous les peuples?

Je réponds premièrement, que les Israélites n'avaient alors aucun établissement, et qu'il fallait que Moïse supposât comme certaine la conquête de la Canaan. 2°. Pourquoi parler précisément d'un roi qui serait emmené captif, puisque la loi ne tendait à rien moins qu'à porter ce peuple à se choisir un roi, vu que Dieu voulait être lui-même leur roi et leur conducteur? 3o Pourquoi parler déterminément, non seulement d'une captivité, mais du retour de cette captivité, et du rétablissement du peuple, du temple et de la religion?

Enfin quelque générales que soient les expressions de Moïse, elles sont toutes néanmoins et positives et précises, pour promettre du bonheur à l'état, lorsque la religion et la piété y fleuriraient, et pour annoncer les dernières extrémités à ce même peuple, quand il tomberait dans la révolte contre son Dieu. On ne saurait contester ce fait.

Cela posé pour constant, on doit raisonner de cette sorte: Ou la nation a été convaincue par expérience de la vérité de ces prédictions, ou elle ne l'a pas été. Si elle en a été convaincue, il s'en suit nécessairement qu'elles sont véritables et divines; que si elle n'en a pas été pleinement convaincue qu'aucontraire elle en ait reconnu la fausseté par plusieurs expériences, pourquoi s'attirer, de dessein formé, tant de malheurs, afin de suivre par opiniâtreté pure des fraudes et des mensonges?

et

Car si, lorsque la religion et la piété dominaient dans l'état, ils cussent été subjugués par leurs ennemis et réduits à de grandes misères, dès là tous les fondements de leur religion croulaient et tombaient en ruine. Ils étaient en droit de tirer la même conséquence et d'abandonner la loi de Moïse, si leurs misères continuaient, et qu'ils demeurassent toujours sous le joug de l'ennemi, quoiqu'ils rejetassent les idoles des victorieux, et qu'ils se convertissent sincèrement à Dieu. C'est pourtant ce qu'ils n'ont point fait leur histoire nous les représente malheureux, lorsqu'ils étaient rebelles à Dieu; heureux et victotorieux de leurs ennemis, quand ils lui étaient fidèles. C'est là la véritable cause de leur constance et de leur attachement inviolable à la loi de Dieu, puisque sans la persuasion intime qu'ils avaient de sa vérité par tant d'expériences, leur opiniâtreté ne serait ni concevable, ni possible.

Abia (1), ce prophète qui promit à Jéroboam le royaume des dix tribus, ne laissa pas, quelques années ensuite, de prédire la destruction de ce royaume, à cause des péchés que ce roi avait commis, et qu'il avait fait commettre au peuple. On doit remarquer dans cette prédiction : 1° Qu'elle fut faite plus de deux cents ans avant l'événement; 2° Que ce prophète était sujet de Jéroboam, puisqu'il demeurait en Scilo; 3° Que son inclination devait le porter à prédire des choses agréables à ce roi, vu que Dieu s'était servi de lui, pour déclarer à ce rebelle son élévation au trône. Il est aisé d'apercevoir dans la conduite du prophète, la droiture de son cœur et les mouvements du Saint-Esprit.

Nous n'entrerons point dans le détail de toutes les prophéties qui parlent de la captivité et du rétablissement des Juifs. Nous les avons expliquées ailleurs, et tant d'auteurs en ont parlé, que cette matière ne saurait être inconnue. Nous nous arrêterons seulement à quelques particularités qui méritent d'être remarquées.

Quelle apparence pouvait-il y avoir, que les Juifs, ennemis jurés des idoles et des nations qui les adoraient, ayant été subjugués et détruits, dussent jamais être rétablis par des princes idolâtres? Leur ruine, à la vérité, paraissait fort vraisemblable. Naturellement un peuple haï de tous les autres peuples ne saurait subsister longtemps et c'est une chose digne d'admiration, que ce peuple divisé en deux états et souvent en guerre les uns contre les autres, ait pu se conserver pendant quelques siècles, même sous des rois méchants et impies. Ainsi, quand on aurait prédit en général leur destruction, on n'aurait parlé que suivant la vraisemblance.

Mais prédire qu'ils seront rétablis, et qu'une religion incompatible avec toutes les autres recouvrera la liberté de son exercice par les édits des princes idolâtres, et nonobstant tous les obstacles qu'on pourrait y apporter, c'est ce qui était si fort au-dessus de la

(1) 1 Rois chap. 14, vers. 15, 16.

penétration de l'esprit humain et des apparences, qu'il n'y avait, sans contredit, que l'œil de celui à qui l'avenir est présent, qui pût s'en apercevoir et le faire déclarer par ses prophètes.

De plus, si on considère la manière dont ils l'ont fait, on y voit tant de hardiesse et tant de confiance qu'on ne saurait s'empêcher d'en être persuadé. Ils en parlent presque tous, avec des expressions si fortes; ils réitérent si souvent ces prédictions, quoiqu'en divers temps, en divers lieux, et en diverses occasions, qu'ils ne laissent aux plus incrédules le moindre soupçon de fraude, ni même de doute. Ezéchiel (1) veut qu'on reconnaisse par ce rétablissement que l'éternel est Dieu.

Tous les prophètes qui ont désigné le lieu où les Juifs seraient transportés, ont marqué précisément le pays de Babylone, dans le temps même que ce pays commençait à se soustraire à l'empire des Assyriens qui pouvaient les détruire comme ils détruisirent Samarie et le royaume d'Israël, depuis ces prédictions. Car Isaïe, Michée, Osée, Amos, ont été contemporains et ont parlé de la captivité des Israélites et des Juifs. Pourquoi Michée, Isaïe et Amos ont-ils attribué nommément la captivité des Juifs aux Chaldéens, au roi de Babylone, vu qu'alors la désolation des dix tribus qui devait précéder celle des Juifs, se fit par les Assyriens?

Dira-t-on que tous ces livres auraient été fabriqués après l'événement, par des imposteurs? C'est le seul retranchement qui reste à l'impiété; mais la seule lecture des livres des prophètes, suffit pour dissiper cette réponse et pour rejeter cette absurdité. On y voit tant de diversité dans les choses qu'on y traite, dans le tour des expressions et des pensées, dans mille et mille petites circonstances, qui ont rapport au temps du prophète, qu'il est impossible qu'un seul homme ait pu se travestir en tant de manières différentes.

De plus, il faudrait supposer que ces livres auparavant inconnus à tous les Juifs captifs, seraient tout d'un coup sortis comme de dessous terre après le rétablissement du peuple. Peut-on de bonne foi imaginer rien de plus ridicule, puisque la fraude aurait été trop sensible pour imposer aux plus simples de la nation, et qu'elle ne pouvait servir qu'à les rendre ridicules et méprisables à leurs voisins. Ajoutors que l'imposteur qui faisait honneur à Cyrus de le désigner par son nom dans le prophète Isaïe (2), n'aurait pas manqué de faire le même honneur à Darius et à Artaxerxe, qui consommèrent l'ouvrage de Cyrus. Il n'aurait pas manqué d'insérer dans ses prophéties des prédictions de quantité de circonstances et d'événements notables, qu'on lit dans l'histoire d'Esdras et de Néhémie. C'était quelque chose de plus grand d'en parler comme prophète, que comme historien ; puisqu'on lit des prophéties dans Isaïe, dans Jérémie, et dans Ezéchiel sur des faits moins importants.

(1) Chap. 20, vers. 41, 44.

(2) Chap. 44, vers. 28.

Pourquoi Daniel ne parle-t-il que du temps de la délivrance marquée par le prophète Jérémie, sans rien dire d'Isaïe, qui avait prédit cette même délivrance que Cyrus devait accorder au peuple de Dieu? Il parle des soixante-dix semaines que Jérémie (1) avait marquées plus d'une fois pour terme de la captivité. Plus bas (2), il reconnaît que ces malheurs étaient arrivés conformément aux prédictions; ou si on veut, aux menaces contenues dans la loi de Moïse; preuves certaines que ces livres étaient connus et qu'ils n'étaient pas péris dans la destruction de Jérusalem et du temple. Esdras, plusieurs années après Daniel, fait mention (3) de la même prédiction de Jérémie. Aussi ne peut-on douter qu'une promesse de rétablissement si célèbre, qui seule pouvait servir de fondement à l'espérance et à la patience de toute une nation esclave, ne fût publique et le sujet de leur entretien.

Il est donc certain, que les livres de la Loi et des prophètes ont été composés avant la captivité. Car puisqu'on est contraint de l'avouer à l'égard de la loi de Moïse et de Jérémie, il serait inutile de contester sur les autres, puisque les preuves d'inspiration divine, qui font le sujet de la dispute avec les libertins, se trouve dans Jérémie plus que dans aucun autre prophète, et que c'est néanmoins précisément à cause de ces prédictions qu'il a été cité par Daniel (4) et par Esdras (5). Car enfin, si Jérémie a prédit la désolation des Juifs et la fin de cette captivité, à quoi il n'y avait aucune apparence, pourquoi n'aurait-il pas prédit tant d'autres événements, dont il parle dans sa prophétie? Que si Jérémie a été inspiré de Dieu, pourquoi les autres prophètes ne l'auraient-ils pas été? On y voit le même esprit, avec des exhortations, des promesses, des menaces et des prédictions établies toutes sur le même fondement de sa loi, et ayant toutes le même dessein.

Une autre raison convaincante, que les livres des prophètes n'ont pas été inventés par quelque imposteur au temps de la dispersion des Juifs en Babylone (6), c'est qu'ils parlent tous de la vocation des gentils, et d'une grande connaissance de Dieu, qui devait se répandre sur les nations idolâtres. Il faudrait ne se former aucune idée de ce qu'on lit, pour ne pas apercevoir cet événement dans les prédictions de ces auteurs sacrés.

Or, quelle apparence pouvait-il y avoir, qu'une religion ennemie de toutes les autres, une religion dont l'exercice n'était plus praticable, une religion accablée et presque éteinte avec ses sectateurs, pût jamais se relever de dessous ses ruines et reprendre de nouvelles forces, pour triompher des autres? A parler humainement, cela n'était pas possible.

[blocks in formation]

Dira-t-on que ces prédictions se sont faites au hasard, et que par le même hasard l'événement y a répondu? Mais il ne peut rien y avoir de moins raisonnable que cette réponse: puisque les prophètes prédisent en même temps la manière selon laquelle cette conversion si peu vraisemblable arrivera. Ils parlent d'un Messie qui opérera cette merveille, ils en désignent tant de particularités, tant de circonstances, qu'attribuer toutes ces prédictions au hasard, c'est mettre follement et par impiété le hasard à la place de Dieu. Concluons donc que les prophètes ont écrit dans le temps qu'ils ont marqué, et par conséquent ils ont prédit plusieurs choses avant l'événe

ment.

Il faut joindre aux prédictions de la captivité des Juifs, celles qui regardent la ruine de l'empire des Babyloniens, et qui ont été faites lorsque cet empire florissait le plus, et qu'il portait ses conquêtes audelà de l'Asie. Ce n'est point une prédiction légèrement avancée, ni fondée simplement sur les vicissitudes inséparables des choses humaines. Isaïe (1) nomme Cyrus, qui devait subjuguer cet empire. Avec quelle assurance, avec quelle éloquence ne décrit-il pas (2) la chute de ce superbe trône? Jérémie (3) avait marqué une circonstance particulière, c'est qu'on devait transporter en Babylone les vaisseaux du temple et les en rapporter au temps de son rétablissement.

Le même prophète parle de la prise de Babylone et de la destruction de son empire, lorsque la terre tremblait en sa présence. Il dit que cet empire sera détruit par les Mèdes, peuple peu connu en ce temps-là. Isaïe y avait joint Cyrus : ce fut en effet ce prince qui conquit ce pays à la tête des Mèdes. Ils venaient du septentrion, comme le prophète l'avait prédit. De plus, Jérémie avait marqué une circonstance singulière de la prise de cette grande ville. Il dit (4) qu'elle avait été investie et prise avant qu'elle en sût rien, et qu'un courrier viendra au-devant d'un autre courrier, pour annoncer au roi de Babylone que sa ville est prise par un bout. L'histoire profane confirme toutes ces circonstances. De sorte qu'il est in possible de révoquer en doute la vérité de l'inspira tion du prophète, dès qu'on est contraint d'avouer que ces prédictions ont été faites avant l'événement, comme nous l'avons prouvé ci-dessus.

Il ne sera pas inutile de faire attention à quelques circonstances très-dignes de remarque. Jérémie avait souvent prédit la destruction entière de Jérusalem et du temple. Il avait même prédit (5) à Sédécias qu'il serait emmené captif à Babylone, qu'il verrait le roi de ses propres yeux, qu'il mourrait en ce pays-là, et que son corps serait mis dans le tombeau avec honneur. Il raconte (6) aussi que le roi de Babylone fit

[blocks in formation]
« ElőzőTovább »