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traitement de vous qui étiez mon ami, mon conseil, mon confident? Vous trouviez tant de douceur à manger avec moi. Vous m'accompagniez dans la maison du Seigneur. Il ne faut pas croire que la perfidie de Judas ait poussé à bout la patience de Jésus-Christ, que s'étant tenu en garde contre le déchaînement de ses ennemis, il soit tombé par une surprise inattendue dans le piége qu'un de ses Apôtres lui avait dressé. Il le prévoyait (1) depuis longtemps. Il s'en expliqua la veille de sa passion devant tous ses Apôtres rassemblés; et le discours qu'il tint dans cette occasion à Judas, l'accueil qu'il lui fit au jardin des Olives, prouve qu'il n'ignorait pas son dessein. Il lui en pardonna l'exécution de même qu'à tous ceux qui contribuèrent à sa mort; et il but avec une égale obéissance cette portion du calice qui lui était destiné. Mais il a voulu nous apprendre qu'elle lui a été plus amère qu'aucune autre, et qu'un cœur aussi noble et aussi tendre que le sien a été plus sensible à l'ingratitude et à l'infidélité d'un ami qu'à l'emportement et à la rage brutale de ses ennemis.

2o Il a été vendu au prix de trente pièces d'argent; et cet indigne salaire restitué et jeté dans le temple par le traître qui l'avait reçu, fut employé par les princes des prêtres à l'acquisition d'un champ qui appartenait à un potier. Voilà des circonstances trop singulières pour avoir été devinées au hasard ou conjecturées par une prévoyance purement humaine (2). Zacharie les a prédites dans le même détail qu'elles sont arrivées (3). Il introduit le Seigneur se plaignant d'avoir été vendu par les Juifs, et marquant le prix de cette vente qui consiste en trente pièces d'argent. Appenderunt mercedem meam triginta argenteos (4). 11 ajoute que le Seigneur indigné d'une si basse et si honteuse estimation, lui a ordonné de jeter dans le temple cette somme et de la donner à un (5) potier. Et dixit Dominus ad me. Projice illud ad statuarium, decorum pretium quo appretiatus sum ab eis. Et tuli triginta argenteos, et projeci illos in domum Domini in statuarium.

Ce n'est pas là, dira quelqu'un, une de ces prédictions littérales que vous nous avez promises. Zacharie raconte un fait qui le concernait personnellement. Il s'était chargé de la conduite d'un troupeau; et ayant demandé sa récompense à ceux qui en étaient ies maîtres qu'il appelle (6) les pauvres du troupeau à cause de la disette qui régnait alors dans la Palestine nouvellement repeuplée, il en reçut la somme de (1) Joan. 6, 71, 72.

(2) Cette prophétie est attribuéc à Jérémie dans la plupart des exemplaires que nous avons à présent de Ï'Evangile selon S. Matthieu 27, 9. Il est inutile d'examiner comment cette faute s'y est glissée. M. Huet l'explique d'une manière très-ingénieuse et très-vraisemblable. Demonstr. Evangelicæ prop. 9, cap. 125. (3) Zach. 11, 12.

(4) Ibid., 13.

(5) S. Jérôme avoue que le mot hébreu est susceptible de ces deux significations potier et sculpteur, et que par cette raison il s'est servi dans sa traduction, du terme de statuaire, qui peut convenir à l'un et l'autre. L'événement le détermine au potier.

(6) Zach. 11, 7.

trente pièces d'argent, dont il fit l'usage qu'on a vu. C'est une histoire et non pas une prophétie : Ou si c'en est une, elle est allégorique; et vous avez vousmême reconnu que des prédictions de cette espèce ne suffisaient pas pour la conviction des incrédules. Je ne rétracte pas cet aveu. Mais la preuve que j'ai tirée de la prophétie de Zacharie n'en est pas moins concluante. La plupart des anciens interprètes ont cru qu'il n'y avait point eu d'action réelle et extérieure dans tout ce que dit ici Zacharie. Qu'il n'avait voulu faire entendre autre chose, en parlant d'un troupeau dont il s'était rendu le pasteur (1), d'une belle houlette et d'un fouet qu'il avait pris pour le conduire, sinon que Dieu, dont il était l'interprète, gouvernerait les Juifs d'abord avec douceur, ensuite avec sévérité. Qu'il en était de même de tout le reste du discours de Zacharie (2), de ces trois pasteurs tués dans un mois, de (3) ce refus qu'il fait de continuer la garde du troupeau (4) de cette houlette brisée et de ce fouet rompu. Qu'il n'y avait en tout cela que des emblèmes de la Providence divine sur le peuple Juif; et qu'enfin (5) cette récompense demandée, ces trente pièces d'argent comptées, cette étrange appréciation du Sergneur, l'abandon de cette somme dans le temple et la cession qui en fut faite à un statuaire, n'avaient été vues en esprit par Zacharie, que pour prédire la trahison de Judas avec ses circonstances et ses suites.

Il faut de la bonne foi, quand on veut persuader. Je n'entreprendrai point contre les incrédules la défense de cette explication. Je ne saurais me résoudre à mettre au nombre des visions prophétiques et des pures allégories un récit présenté comme historique dans l'Ecriture sainte. Les visions d'Ezéchiel, de Daniel, et de S. Jean dans l'Apocalypse ne ressemblent pas à une narration aussi simple que celle de Zacharie. Je conviendrai donc qu'il rapporte des faits qui lui sont réellement arrivés. Mais dans son discours la prophétie est inséparable de l'histoire, et je puis le prouver aux incrédules, sans me départir du principe que j'ai établi.

Dans la règle ordinaire un fait historique et véritable épuise tout le sens d'un texte à l'égard de ceux qu'une autorité reconnue n'oblige pas d'y admettre d'autres sens plus profonds. Cependant si ce texte avertit les lecteurs qu'il renferme un mystère, s'il les mène, non par des conséquences ou des conjectures, mais par une indication formelle au-delà de l'événement ou présent ou passé, alors la prédiction de l'avenir est évidente aux yeux même des plus incrédules. Il ne s'agit plus que de lui trouver un accomplissement qui n'ait rien d'arbitraire ni d'incertain.

Il est vrai que Zacharie se mit effectivement à la tête d'un troupeau. La vie pastorale n'avait rien de bas parmi les anciens, et n'était pas inconnue aux

(1) Zach. 11, 7. (2) Ibid., 8. (3) Ibid., 9. (4) Ibid., 10, 14. (5) Ibid., 12, 13.

prophètes. Que dans cette profession de berger, il prit une belle houlette et un fouet entre ses mains. Que (1) fatigué de l'indocilité de ce troupeau, il tua dans l'espace d'un mois, non pas trois autres bergers, c'eût été un homicide barbare, mais trois béliers qu'il faisait marcher devant le reste du troupeau pour en être les conducteurs. Qu'il refusa ensuite de paître plus longtemps les mêmes brebis, et qu'il brisa sa belle houlette. Qu'il demanda néanmoins son salaire aux maîtres du troupeau qui lui comptèrent trente pièces d'argent, que Dieu lui commanda de jeter dans le temple, pour les donner à un potier. Qu'après cela il mit en pièces le fouet qui lui restait; et qu'enfin (2) il reprit de nouveau les instruments de la vie pastorale, non plus pour représenter comme la première fois un berger vigilant et fidèle, mais un pasteur insensé, mercenaire, cruel, digne du châtiment le plus sévère.

Si le texte de Zacharie ne disait rien de plus, la prophétie que nous y avons remarquée ne pourrait faire preuve que par l'autorité de S.Matthieu qui la citc. Mais tout décèle dans ce récit une prédiction d'événements futurs figurés par les actions du prophète. C'est (3) par l'ordre du Seigneur qu'il prend la conduite d'un troupeau exposé à la boucherie. Il est si manifeste que ce troupeau représente le peuple juif, et qu'il tient lui-même la place de Dieu, qu'il s'élève, après avoir reçu cet ordre, contre l'avarice et l'inhumanité des chefs et des magistrats de ce peuple, et qu'il fait parler le Seigneur en son propre nom, menaçant les habitants de la Judée des plus affreuses calamités. Il rompt en deux temps différents sa belle houlette et son fouet. Mais la cause qu'il en apporte annonce des vues plus hautes que la lassitude et le dégoût de la conduite de son troupeau. Je brisai (4), dit-il, ma belle houlette pour rompre l'alliance que j'avais faite avec tous les peuples, et dès ce jour-là elle fut rompue (5). Je mis en pièces mon fouet, pour rompre la fraternité entre Judas et Israël. C'est le prophète qui brise ce qu'il avait dans les mains. Mais c'est Dieu qui rompt une alliance que lui seul avait laite, et qui livre le peuple juif aux divisions intestines dont il doit être déchiré. Les (6) maîtres du troupeau que Zacharie avait gardé comprirent eux-mêmes que (1) Et succidi tres pastores in mense uno, et contracta est anima mea in eis. Zach. 11, 8.

(2) Adhuc sume tibi vasa pastoris stulti. Zach. 11, 15, 16, 17.

(3) Hæc dicit Dominus Deus meus: Pasce pecora occisionis, quæ qui possederant, occidebant, et non dolebant, et vendebant ea dicentes: Benedictus Dominus, divites facti sumus; et pastores eorum non parcebant eis. Et ego, non pascam ultra super habitantes terram, dicit Dominus. Ibid. 4, 5, 6.

(4) Et tuli virgam meam quæ vocabatur Decus, et abscidi eam, ut irritum facerem foedus meum quod percussi cum omnibus populis; et in irritum deductum est in die illå. Zach. 11, 10, 11.

(5) Et præcidi virgam meam secundam quæ appeltabatur Funiculus, ut dissolverem germanitatem inter Judam et Israel. Ibid. 14.

(6) Et cognoverunt sic pauperes gregis, qui custodiunt mihi, quia verbum Domini est. Ibid. 11.

toutes ses démarches et tous ses discours étaient prophétiques. C'est alors que leur ayant demandé sa récompense, ils le jugèrent assez bien payé par une somme de trente pièces d'argent. Le (1) Seigneur, qu'il représentait dans sa qualité de pasteur, prit pour lui-même cette estimation. Il fut irrité que sa personne et ses bienfaits eussent été mis à si bas prix, et il ordonna au prophète de jeter cette somme dans le temple à un potier. C'était un avertissement exprès, qu'il viendrait un temps où les Juifs connaitraient assez peu la majesté de ieur souverain pasteur, et les obligations infinies qu'ils lui auraient, pour n'estimer sa vie que trente.pièces d'argent, lesquelles seraient employées comme le furent celles que reçut Zacharie.

Je demande maintenant si, quand on lit dans l'histoire de Jésus-Christ que les chefs de la nation juive accordèrent à Judas, qui le leur livra, une récompense de trente pièces d'argent; que ce traitre pénétré de repentir leur rapporta cette somme, et sur le refus qu'ils firent de la reprendre, la jeta dans le temple; que n'ayant pas ogé la remettre dans leur trésor, iis s'en servirent pour acheter un champ qui appartenait à un potier; je demande, dis-je, si, quand on lit toutes ces circonstances, on peut se dissimuler qu'elles aient été prédites par Zacharie. La conformité est parfaite. Même évaluation par les magistrats des Juifs, de celui qui avait été le pasteur de ce peuple. Même nombre de pièces d'argent comptées. Même abandon de cette somme dans le temple. Même usage des trente pièces d'argent en faveur d'un potier. Cette conformité, frappante partout ailleurs, démontre en cette occasion l'accomplissement d'une prophétie. D'une part on voit un récit, qui s'annonçant lui-même comme mystéricux, indique pour l'avenir des événements importants. De l'autre on voit ce mystère dévoilé, et ces événements accomplis avec la plus étonnante précision. Il ne faut pas être amoureux des figures, et crédule jusqu'à l'excès; il ne faut qu'être raisonnable pour apercevoir dans les paroles de Zacharie une prédiction de la vente de (2) Jésus-Christ.

3o Judas se repentit bientôt d'avoir trahi son maitre, dont il connaissait l'innocence et la sainteté. Son repentir ne se borna pas à jeter avec horreur dans le temple le salaire qu'il avait reçu. Outré de douleur et de confusion, il se donna la mort, rendit son crime irrémissible par cet acte de désespoir, et la place qu'il laissait vacante dans le collége apostolique fut remplie par un autre. C'est ce que nous lisons dans le psaume 108, où le sort de ce traître est clairement marqué par une imprécation prophétique. Le Messie

(1) Et dixit Dominus ad me: Projice illud ad sta tuarium, decorum pretium quo appretiatus sum ab eis. Ibid. 13.

de

(2) On eut pu aussi vérifier dans l'histoire du peuple juif avant et après Jésus-Christ les autres traits du récit de Zacharie rapportés ci-dessus. Mais le rapport n'est pas aussi sensible, et il ne s'agissait que justifier contre les incrédules l'application que S. Matthieu a faite du texte de Zacharie au marché conclu entre les pharisiens et Judas.

47)

II PARTIE. DES PROPHÉTIÉS VÉRIFIÉES EN JESUS CHRIST ET EN SON EGLISE. 469 après s'être plaint dans ce psaume de ceux qui lui faisaient la guerre sans sujet, qui lui rendaient des maux pour des biens, et de la haine pour de (1) l'amour. tourne tout-à-coup ses regards vers un seul homme te plus perfide et le plus coupable de ses perséculeurs. Donnez au pécheur (2), s'écrie-t-il, tout pouvoir sur lui, et que Satan soit à sa droite, qu'il soit condamné lorsqu'on le jugera, et que sa prière même lui soit imputée à péché. Que ses jours soient abrégés, et qu'un autre occupe sa dignité. (Les Septante, suivis par notre Vulgate, ont traduit, son épiscopat.) Que ses enfants soient orphelins, et sa femme veuve; que ses enfants deviennent vagabonds et tombent dans la mendicité. Il a poursuivi, ajoute-il, un homme pauvre et indigent dont le cœur était plongé dans la tristesse, afin de le faire mourir. Il a aimé la malédiction, et elle l'accablera. Il a refusé la bénédiction, elle s'éloignera de lui. Tout cela, de même que le reste du psaume, désigne la perfidie de Judas à l'égard de Jésus-Christ, la conspiration qu'il avait tramée contre lui, le désespoir qui l'éloigna du sein de la miséricorde qui lui était ouvert, et mit le sceau à sa réprobation, sa mort violente et prématurée, l'état misérable où sa veuve et ses enfants furent réduits, le choix d'un successeur plus digne que lui de l'apostolat.

les Apôtres au moment qu'ils virent la perte de Jésus-Christ assurée, ne regardent que le Messie. Il y a dans le commencement du chapitre, des traits qui ne conviennent qu'à lui. La suite annonce la vocation des Gentils, les tourments et la constance des martyrs; et Aben-Ezra, l'un des plus habiles rabbins, applique lui-même cette prédiction de Zacharie à celui des deux Messies qu'il reconnaît avec quelques Juis devoir vivre et mourir dans les souffrances, tandis que l'autre, selon eux, doit toujours être heureux et triomphant.

4o Jésus-Christ, abandonné de tout le monde et de ses disciples même, dès qu'il fut au pouvoir de ses ennemis, demeura dans tout le cours de son supplice sans appui et sans consolation. Les habitants de Jérusalem oublièrent non-seulement la joie qu'ils avaient témoignée quelques jours auparavant, lorsqu'il était entré dans leur ville, mais sa doctrine salutaire qu'ils avaient si souvent entendue, et ses miracles dont ils avaient été témoins. Ce délaissement universel était réservé au Messie. Il avait été prédit dans les deux psaumes 21 et 68, qui ne peuvent s'entendre l'un et l'autre que de sa passion et de son triomphe (3). O vous qui êtes mon Dieu dès le ventre de ma mère, ne vous retirez pas de moi, parce que la tribulation est proche, et que personne ne vient pour m'aider. Je suis (4) devenu étranger à mes propres frères et aux enfants de ma mère. J'ai attendu que quelqu'un s'affligeât avec moi, et il ne s'est présenté personne. J'ai cherché un consolateur, et je n'en ai point trouvé. Mais comme la fuite et la dispersion de ses Apôtres le touchèrent plus vivement que l'indifférence et l'oubli du reste des Juifs, elles ont ausi été annoncées par une prophétie particulière. O épée, réveille-toi. Ce n'est pas la seule fois que l'Écriture sainte personnifie (5) l'épée, et lui attribue du repos et du mouvement. 0 épée (6), réveille-toi contre mon Pasteur, et contre l'homme qui m'est inséparablement attaché, frappe le Pasteur, et les brebis se disperseront. Ces paroles, qui expriment si bien l'effet que la crainte produisit sur

(1) Ps. 108, 3, 5.

(2) Ibid., 6, 7, 8, 9, 10, 17, 18.

(3) Ps. 21, 12.

(4) Ps. 68, 9, 21.

(5) Jerem. 47, 6, 7. Ezech. 21, 28, 30.

(6) Zachar. 13,

7.

5o La passion de Jésus-Chrit a été un mélange continuel d'outrages et de violences. Ses ennemis, qui voulaient tout à la fois le déshonorer et le perdre, faisaient succéder tour à tour les ignominies aux tortures. Les cruautés mêmes qu'ils exerçaient sur lui portaient un caractère d'insulte et de moquerie. Cette double persécution n'a pas été oubliće dans les prophéties. Jésus-Christ se plaint par la bouche du psalmiste, que (1) le nombre de ceux qui le haïssent, sans qu'il leur att fait aucun mal, a surpassé celui des cheveux de sa tête, que ses injustes persécuteurs ont prévalu contre lui, et qu'il souffre entre leurs mains la peine des crimes qu'il n'a pas commis. Il les compare dans le psaume 21 (2) à des chiens enragés qui le mordent et le déchirent, à des taureaux furieux qui l'assiégent, à des lions rugissants qui ont ouvert leurs gueules pour le dévorer. Accablé des tourments qu'ils lui font souffrir (3), son cœur est devenu comme une cire qui bouillonne et se fond au milieu de ses entrailles. Sa force s'est desséchée comme une terre cuite au feu. Sa langue s'est attachée à son palais, et il marche à grands pas vers la poussière du tombeau. Telles sont les violences commises par ses bourreaux. Les outrages qu'il éprouve sont décrits avec la même énergie (4). Je suis un ver de terre, dit-il, et non pas un homme; l'opprobre des hommes et le rebut du peuple. Il le fut assurément quand le peuple de Jérusalem, excité par ses prêtres, demanda sa mort à grands cris, et n'hésita pas à lui préférer un brigand et un assassin (5). Tous ceux qui m'ont vu ont parlé de mot avec dérision, et en remuant la tête ils ont dit: Il a espéré au Seigneur, qu'il le délivre, et qu'il le sauve, s'il est vrai qu'il l'aime. Voilà encore une fois la prédiction de ces mêmes paroles que les ennemis de Jésus-Christ prononcèrent en le voyant sur la croix; et ce mouvement de tête, dont il est fait mention dans le psaume, a été (6) remarqué par S. Matthieu et par S. Marc. Le psaume 68 et le chapitre 53 d'Isaie, qui est une histoire anticipée de la passion de Jésus-Christ, sont également remplis des opprobres dont il a été rassasić.

6o Les crachats dont on couvrit, les coups dort on frappa son visage, l'état horrible où la flagellation

(1) Ps. 68, 5.

(2) Ps. 21, 13, 14, 17.

(3) Ps. 21, 15, 16.

(4) Ps. 21, 7.

(5) Ps. 21, 8, 9.

(6) Matth. 27, 39. Marc 15, 29.

réduisit toute sa personne n'ont pas été moins clairement prédits (1). J'ai livré mon corps à ceux qui le frappaient, et mes joues à ceux qui m'arruchaient les poils de la barbe. Je n'ai point détourné mon visage de ceux qui me couvraient d'injures et de crachats. Quelle peinture plus naïve des excès auxquels se portèrent contre Jésus-Christ, les prêtres et leurs domestiques dans la maison de Caïphe, et les soldats romains dans le prétoire de Pilate! Mais qui ne le reconnaîtrait déchiré de plaies, arrosé de sang, couronné d'épines, vêtu d'une robe de pourpre, tenant en sa main un roseau, et donné en spectacle aux Juifs dans cet état aussi douloureux qu'humiliant, qui ne le reconnaîtrait, dis-je, à ces paroles du même Isaïe (2) Il est sans beauté et sans éclat. Nous l'avons regardé, et il n'était pas reconnaissable. C'est un objet de mépris et le dernier des hommes. Un homme de douleurs qui sait ce que c'est que souffrir. Son visage était comme caché. Il paraissait méprisable, et nous ne l'avons pas reconnu. Nous l'avons considéré comme un lépreux, comme un homme frappé de Dieu et humilié. Le châtiment ( celui (3) dont on punit les enfants et les esclaves indociles, c'est-à-dire la flagellation), ce châtiment qui doit nous donner la paix, est tombé sur lui, et nous avons été guéris par ses meurtrissures. Le prophète marque par ces derniers mots ce qu'il répète souvent dans le même chapitre, et ce qu'il faudra reprendre dans la suite avec plus d'étendue, que Jésus-Christ ne souffre ainsi que parce qu'il l'a voulu et pour expier nos iniquités par ses souffrances.

7° Accusé par de faux témoins dont il pouvait aisément confondre l'imposture, invité par Pilate et par Hérode à proférer une seule parole qui l'aurait sauvé, assailli par les clameurs et les blasphèmes d'une vile populace, d'une soldatesque effrénée, des Scribes et des Pharisiens ses parties, Jésus-Christ garda un profond silence, sans se justifier, sans menacer, sans se plaindre. Cette douceur et cette patience au-dessus de l'humanité ne pouvaient être mieux exprimées que par cette prédiction d'Isaïe (4): Il a été immolé parce qu'il l'a lui-même voulu, et il n'a pas ouvert la bouche. Il sera mené à la mort comme une brebis qu'on va égorger. Et il demeurera dans le silence comme un agneau est muet devant celui qui le dépouille de sa toison.

8o Il a été suspendu sur une croix où on l'avait attaché avec des cloux dont ses mains et ses pieds étaient percés. Ce supplice est évidemment annoncé dans le psaume 21, par ces paroles (5): Ils ont percé mes mains et mes pieds. Ils ont compté tous mes os. On y voit le lieu et la nature des plaies que reçut Jésus-Christ. L'extension violente de son corps déjà épuisé de lassitude et de douleur, semblable à un

(1) Isai. 50, 6.

(2) Isai. 53, 2, 3, 4, 5.

(5) Disciplina pacis nostræ super eum, et livore ejus sanati sumus.

(4) Isai. 53, 7.

(5) Ps. 21, 18.

squelette décharné. Ce corps pesant sur lui-même dans la situation où l'avait mis le crucificment laissait apercevoir aux spectateurs tous ses os, dont il leur était facile de compter le nombre.

On a tenté d'enlever cet oracle au christianisme par deux explications forcées. L'une est des Juifs moder – nes qui par le changement d'un seul trait ont substitué un mot (1) à un autre, d'où résulte cette leçon, comme un lion mes mains et mes pieds, au lieu de celleci, ils ont percé mes mains et mes pieds. La preuve que les Juifs modernes sont coupables d'avoir falsifié leur texte en cet endroit, c'est que les Septante qui savaient l'hébreu, et qui ont traduit l'ancien Testament longtemps avant Jésus-Christ ont lu caru, foderunt, ils ont percé. C'est que le Juif Aquila, qui a fait sa traduction peu de temps après Jésus-Christ, a lu de même, quoique, dans le dessein d'affaiblir le sens d'un oracle si honorable aux chrétiens, il ait traduit, ils ont déshonoré mes mains et mes pieds. C'est que S. Justin oppose ce passage à Tryphon dans son dialogue avec ce Juif; c'est que S. Jérôme qui a traduit le Psautier sur l'hébreu, et qui ne craint pas d'appeler les Juifs en témoignage de la fidélité de sa traduction a rendu le mot qu'il trouvait dans ses exemplaires par celuici: Ils ont percé, ils ont attaché mes mains et mes pieds: Fixerunt manus meas et pedes meos. Il n'y avait donc encore aucune contestation dans le quatrième siècle entre les chrétiens et les Juifs sur la véritable leçon de ce passage, et tous lisaient d'un commun accord caru, foderunt, et non pas cari, sicut leo.

Que signifie d'ailleurs cette dernière leçon, comme un lion mes mains et mes pieds? Pour y mettre quelque sens, on supplée ces paroles: Ils ont mordu, ou ils ont déchiré. Mais est-il naturel à un animal aussi terrible et aussi sanguinaire que le lion de s'arrêter aux pieds et aux mains, au lieu de mettre en pièces et de dévorer toute sa proie. C'est ainsi que l'action de cette bête farouche avait été dépeinte dans le verset 14 du même psaume: Ils ont ouvert leur gueule sur moi comme un lion qui dévore et qui rugit. Il est absurde de supposer que le psalmiste ramène une seconde fois le lion dans le verset 18, pour ne livrer à ses morsures que les mains et les pieds. Il ne l'est pas moins de réunir ces paroles avec les précédentes, pour en tirer ce sens : L'assemblée des méchants a entouré, a assiégé, comme un lion mes mains et meɛ pieds. Car, outre que les paroles qu'on va chercher dans le verset 17 y forment un sens complet, l'assemblée des méchants m'a assiégé (2); a-t-on jamais ouï dire qu'un lion ait assiégé, ait entouré des mains et des pieds? A quelles extravagances en est-on réduit, quand on veut, à quelque prix que ce soit, obscurcir la lumière et combattre la vérité ?

Ce n'est que depuis l'invention de la massore, ce recueil de subtilités grammaticales, souvent fausses

(1) Cari, sicut leo, à caru, foderunt, par le changement de la lettre vau en celle de iod, qui n'en diffère que par la grandeur.

(2) Concilium malignantium obsedit.

et puériles sur la langue sainte, que cette altération s'est glissée dans les exemplaires hébreux. Elle ne les a pas -inême tous infectés. Les rabbins David Kimchi et AbenEzra,qui écrivaient dans le douzième siècle, reconnaissent que de leur temps les anciens exemplaires hébreux étaient partagés entre la leçon de caru, foderunt, et celle de cari, sicut leo. Il n'y avait guère plus d'un siècle que la seconde, comme plus conforme aux préjugés des Juifs, avait commencé à s'introduire de la marge dans le texte. Un rabbin plus moderne qu'eux, Jean Isaac (1), atteste la vérité et sa conscience que dans un ancien psautier dont son grand-père se servait, il a vu la leçon des chrétiens dans le texte, et celle des Juifs à la marge. D'habiles hébraïsants ont encore vu dans ces derniers siècles des exemplaires corrects. Dom Martianai, éditeur de S. Jérôme, dans une de ses notes sur le psaume 21 traduit par ce père, en cite un de cette nature, qui était dans la bibliothèque de M. Colbert. Le Juif qui l'avait copié avait d'abord écrit cari par un iod. Mais il s'était corrigé lui-même, et en formant la lettre vau par le prolongement du iod, il avait écrit caru. M. Simon s'étant récrié contre cette correction qu'il prétendait être l'ouvrage d'un chrétien, dom Martianai fit examiner ce manuscrit par deux Juifs. Ceux-ci convinrent, et par un certificat en bonne forme déclarèrent que le trait qui prolongeait la dernière lettre était de la main d'un Hébreux comme le reste du mot.

L'autre explication est de Théodore de Mopsueste. De son temps le texte hébreu était encore dans sa pureté. Il n'avait donc pas la ressource que les Juifs ont imaginée depuis pour détourner à un sens étranger la prédiction accomplie dans la personne de JésusChrist. Mais aussi déterminé qu'eux à éluder cette prédiction, il cut recours à la métaphore. Ils ont percé mes mains et mes pieds, signifie selon lui, ils ont fouillé dans ce qu'il y avait chez moi de plus secret et de plus caché. Il appliquait ces paroles à l'attentat d'Absalon contre son père David, qu'il chassa de sa capitale et de sa maison, et porta l'impudence jusqu'à faire sortir les femmes de ce prince des appartements intérieurs du palais, pour les déshonorer à la vue du public. Je ne dirai pas aux incrédules que cette interprétation de Théodore de Mopsueste a été condamnée, avec ses autres blasphèmes contre JésusChrist, par le cinquième concile général (2). Cette autorité les toucherait peu. Je ne leur demande que de la bonne foi pour rejeter une métaphore contraire à toutes les règles du langage. Elle est sans exemple dans l'Ecriture sainte, comme dans les autres livres. Percer des mains et des pieds, compter des os que les yeux découvrent, n'a jamais exprimé ce qu'entend ici Théodore de Mopsueste. Il faut pous

(1) Idem ego ipse veritate et conscientiâ bonâ testari possum, quòd hujusmodi psalterium apud avum meum viderim, ubi in textu scriptum erat KARU, et in margine KARI. Johan. Isaac contra Lindanım lib. 2, pag. 202. (2) Concil. Conştant. 2 Collat. k.

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ser l'entêtement jusqu'au ridicule, pour ne pas avouer que ces paroles, uniquement susceptibles du sens littéral, marquent des plaies faites aux mains et aux pieds par des instruments qui les percent, et un corps suspendu, dont le décharnement excessif laisse apercevoir tous ses os.

9o Le même auteur n'a pas été plus heureux dans le sens métaphorique qu'il donnait à une autre prophétie vérifiée pendant que Jésus-Christ était sur la croix. Après les paroles que nous venons de voir, le psalmiste (1) ajoute: Ils se sont appliqués à me regarder, et ils m'ont considéré. Jouissant ainsi du spectacle de l'abattement, de la nudité, des douleurs du Messie crucifié et prêt à expirer, ils se sont partagé mes vêtements, et ils ont tiré au sort ma robe. Saint Matthieu et saint Jean nous ont montré l'accomplissement de cette prédiction dans le partage que firent entre eux les quatre soldats qui avaient crucifié Jésus-Christ, des habits extérieurs qui le couvraient. Ils ne voulurent ou n'en purent faire autant de sa tunique intérieure; elle était d'une seule pièce et sans couture. Ils la tirèrent au sort. L'événement ne pouvait répondre avec plus d'exactitude et de précision aux termes de la prophétie. Pour la faire disparaître, Théodore de Mopsueste la transformait en une plainte de David sur le brigandage d'Absalon, qui, s'étant emparé de son palais, en avait pillé toutes les richesses. Sans doute on n'a rien de mieux à prendre dans le palais d'un grand roi que des habits et une tunique. On s'amuse dans l'ardeur du pillage à jouer ce qu'on ne veut point partager; ou bien cett division d'habits si formellement énoncée, ce sort jeté sur une robe unique, veulent dire des meubles précieux et des trésors enlevés. Quel étrange renversement des idées communes ou du discours humain ! Cette circonstance du palais de David saccagé par Absalon n'est pas racontée dans le livre des Rois. Elle n'est pas même vraisemblable, vu le projet qu'il avait formé d'envahir le trône, et d'occuper la maison de son père. Quand elle le serait, je ne crois pas que le bon sens permette de la préférer à un événement aussi conforme aux paroles du psalmiste que celui dont on vient de voir la relation dans l'histoire de JésusChrist.

10° Enfin, et pour rassembler dans un seul article les derniers traits de la passion de Jésus-Christ, il a été crucifié entre deux voleurs. On lui fit goûter, avant que de le mettre en croix, du vin mêlé avec du fiel; et la soif brûlante qu'il ressentit sur le point d'expirer fut étanchée par du vinaigre. Il demanda grâce pour ses persécuteurs et pour ses bourreaux; il invoqua Dieu par des paroles qui exprimaient son délaissement. Son côté fut ouvert d'un coup de lance. Or,toutes ces choses avaient été prédites, comme elles arrivèrent. Isaïc, dans le chapitre 53, où il parle plutôt en témoin oculaire qu'en prophète des souffrances de JésusChrist, assure (2) qu'il a été placé parmi des scélérats, (1) Ps. 21, 19. (2) Isai. 53, 12.

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