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a également inspiré un genre d'écrire différent du leur. Il lui avait donné la plus haute considération parmi les idolâtres par l'interprétation des deux songes de Nabuchodonosor, par le miracle opéré en faveur de ses trois compagnons, par l'explication des paroles écrites durant le festin de Balthazar, par sa délivrance miraculeuse de la fosse aux lions. Il coinmuniqua encore à cet homme si accrédité dans le monde une connaissance plus nette et plus circonstanciée des événements qui doivent changer la face de l'univers, afin que la réputation et la dignité de l'auteur rendant son ouvrage plus célèbre dès sa naissance, on pût moins douter de la puissance souveraine du Dieu qui gouverne tout, et de sa science infinie qui embrasse tous les siècles.

Nous n'observerons pas à l'égard des prophéties de Daniel le rang qu'elles tiennent dans son livre. Il n'est conforme ni à l'ordre des temps, ni à celui des matières. Nous ne travaillerons pas non plus à rendre à chacune d'elles sa véritable place, suivant la chronologie. Ce travail serait facile. Daniel nous avertit lui-même du temps où il a eu ses différentes révélations. Mais il ne s'agit plus d'en fixer la date constatée par cette exactitude. Il nous suffit que Daniel soit indubitablement l'auteur des prophéties, qui portent son nom. Nous commencerons par celles qui ont été le plustôt accomplies après la mort du prophète; et nous continuerons, en suivant toujours l'ordre de leur accomplissement.

:

La première qui s'offre à nous selon cet arrangement est celle qui regarde Xerxès et la guerre qu'il fit aux Grecs. Je vous annoncerai la vérité (1), dit l'ange à Daniel Trois rois régneront encore dans la Perse, et le quatrième aura des trésors immenses et des troupes innombrables. Fier de ses richesses et de sa puissance, il animera tous les peuples contre la Grèce. Xerxès ne pouvait être plus clairement désigné. Cyrus, qui régnait (2) dans le temps de cette prophétie, parait ne devoir pas être compté dans le nombre dont elle parle (3). Il y aura encore, dit-elle, trois rois dans la Perse, et le quatrième, etc. Ces trois rois sont Cambyse, fils de Cyrus ; le mage Oropaste, qui prit le nom de Smerdis; Darius fils d'Hystaspe. Xerxès, son fils, est le quatrième. Que si l'on veut compter Cyrus, il faudra dire que le prophète a négligé le faux Smerdis, usurpateur et traité comme tel par les Perses; et Xerxès sera toujours le quatrième.

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A ce premier trait qui caractérise si bien ce prince, le prophète joint ses immenses richesses. On sait que sous son règne le luxe et le faste asiatique furent portés à leur comble, et que les derniers restes de l'ancienne simplicité des Perses furent abolis. Ces richesses le mirent en état d'équiper ce nombre infini de vaisseaux qui couvraient la surface des mers, et

(1) Dan. 11, 2.

(2) Anno tertio Cyri regis Persarum verbum revelatum est Danieli. Ibid. 10, 1.

(3) Ecce adhuc tres reges stabunt in Perside, et uartus. Dan. 11, 2.

de lever cette multitude prodigieuse de soldats, à qui les fleuves entiers fournissaient à peine assez d'eau pour leurs besoins. C'est contre la Grèce qu'il réunit toutes ces forces; et pour mieux accomplir cette prophétie de Daniel, pendant qu'il marchait lui-même à la tête des peuples orientaux ses sujets, il fit attaquer par les Carthaginois ses alliés, maîtres d'une partie de l'Afrique et de l'Occident, les nations grecques qui étaient dans la Sicile et dans l'Italic.

Il n'est pas nécessaire de demander ici pourquoi, de tous les rois de Perse, Xerxès est le seul compris dans cette prédiction. Saint Jérôme remarque avee raison que le dessein du Saint-Esprit n'a pas cté de nous tracer par anticipation l'histoire de l'empire des Perses. Ce qu'il lui a plû d'en révéler à Daniel doit nous convaincre qu'elle lui était dès lors présente dans toute son étendue. Si cependant les conjectures nous sont permises dans une matière où nous devons mettre des bornes étroites à notre curiosité, on peut dire que la haine qui dura si long temps entre les Perses et les Grecs, ayant éclaté pour la première fois sous le règne de Xerxès, il était naturel de parler de ce prince dans une prophétie qui devait annoncer la fin que les victoires d'Alexandre mirent aux guerres de ces deux nations.

On lit effectivement ces paroles après celles que nous venons de citer (1): Il s'élèvera un roi fort et vaillant qui commandera avec une grande puissance et fera ce qui lui plaira. Le courage d'Alexandre, ses conquêtes, son humeur fière et impéricuse sont marqués par ces paroles. Il est encore mieux dépeint par celles qui suivent (2): Lorsqu'il sera le plus affermi, son empire sera brisé, et il se partagera vers les quatre vents du ciel. Il ne sera pas transmis à sa postérité, et n'égalera pas la puissance qu'il aura eue sous ce premier roi. Car son royaume sera déchiré, et passera à d'autres princes étrangers, outre ces quatre plus puis

sants.

Quand Daniel aurait vécu du temps d'Alexandre, et qu'il eût été témoin des événements qui suivirent sa mort, aurait-il pu s'exprimer avec plus de justesse et de vérité. Le nom d'Alexandre était devenu formidable à toute la terre. Son empire paraissait affermi sur des fondements inébranlables. C'est alors que le prophète prédit qu'il sera brisé, mais d'une manière bien différente des empires qui l'avaient précédé. Les Perses, les Mèdes, les Assyriens, les Egyptiens, ne se relèveront pas de leurs chutes. Une nouvelle nation ne prendra pas encore la place de celle qui a subjugué toutes celles-là. L'empire demeurera aux Grecs. Mais des débris de celui d'Alexandre, il s'en formera quatre vers les quatre ven's du ciel : savoir, celui de Thrace et de Bithynie vers l'orient, celui de Macédoine vers l'occident, celui de Syrie vers le nord, celui d'Egypte vers le midi. Ces quatre empires seront inférieurs en puissance à celui d'Alexandre, qui les réunissait tous, et qui régnait d'ailleurs avec plus de

(1) Dan. 11, 5. (2) Daniel 11. 4.

gloire et d'autorité, que ne firent après lui les rois de sa nation. Quelque respect néanmoins qu'on eût pour sa mémoire, ses enfants ne lui succédèrent pas. Philippe ou Aridée son frère, prince imbécile et fantôme de roi, périt bientôt d'une mort violente. Cléopâtre, sa sœur, Alexandre et Hercule, ses deux fils, eurent le même sort. Cassandre, roi de Macédoine; Séleucus, roi de Syrie; Ptolomée, roi d'Egypte; Lysimaque, roi de Thrace et de Bithynie, n'étaient que ses capitaines. D'autres princes également étrangers à sa famille, tels que les fondateurs des royaumes de Pergame, de Pont, de Cappadoce et d'Arménie, partagèrent ses dépouilles et Daniel a vu les principaux événements que devait produire l'ouverture de sa succession.

Ce n'est pas la seule prophétie qu'il ait faite sur Alexandre. Il ne parle dans celle-ci de sa valeur et de ses victoires qu'en termes généraux. Dans un autre chapitre, il s'en explique plus en détail, et avec une telle clarté, qu'on ne doit pas être surpris, que cette prophétie ait concilié aux Juifs selon le rapport de Josèphe l'amitié et la faveur d'Alexandre.

Je levai les yeux (1), dit le prophète, et je vis un bélier qui se tenait devant le marais (2), ayant les cornes élevées. L'une l'était plus que l'autre et allait en croissant. Je vis ensuite que ce bélier donnait des coups de corne contre l'occident, contre l'aquilon et contre le midi. Et toutes les bêtes ne lui pouvaient résister ni se délivrer de sa puissance. Il fit tout ce qu'il voulut, et devint fort puissant. Je considérais attentivement, et voilà qu'un bouc venait de l'occident sur la face de toute la terre, et il ne la touchait pas. Ce bouc avait une corne fort grande entre les yeux. Il vint jusqu'au bélier, qui avait des cornes, que j'avais vu qui se tenait devant la porte; et s'élançant avec impétuosité, il courut à lui de toute sa force. S'étant approché du bélier, il l'attaqua avec furie, et le perça de coups. Il lui rompit ses deux cornes, et le bélier ne pouvait lui résister. L'ayant jeté par terre, il le foula aux pieds, et personne ne pouvait délivrer le bélier de sa puissance. Le bouc devint cnsuite extraordinairement grand; et ayant crû, sa grande corne se rompit, et il se forma quatre cornes au dessous, vers les quatre vents du ciel.

Quand Daniel ne nous aurait pas donné lui-même la clé de cette prophétie, il n'est personne qui n'en découvrit d'abord la signification et l'objet. Qui ne reconnaît sous l'image du bélier à deux cornes la monarchie composée des deux nations, les Mèdes et les Perses? L'une des deux cornes est plus grande que l'autre, et va toujours en croissant. Les Perses, moins connus d'abord et moins puissants que les Mèdes, acquirent bientôt par leur valeur et par les qualités héroïques de Cyrus leur roi, une prééminence qui étouffa la gloire de leurs alliés, et confondit les deux nations dans une seule, dont le nom demeura à la monarchie. Ce bélier donne des coups de corne contre l'occident, contre l'aquilon et contre le midi et de tous ces cô

(1) Dan. 8, 3 et seq.

(2) Sur le bord duquel était Daniel.

S. S. XVII.

tés il n'est point de bête dont il ne triomphe. Qu'on examine la situation des pays conquis par Cyrus et ses successeurs. On les trouvera ou à l'occident de la Perse et de la Médie, comme l'Asie mineure et la I.vdie, ou au nord comme la Colchide et le Pont, ou an midi comme l'Egypte, la Libye et l'Ethiopie.

Jusque-là le bélier fait tout ce qui lui plaît et sa puissance n'a point d'égale. Tout à coup vient du côté de l'occident un bouc qui parcourt la terre et ne la touche pas. Il n'a qu'une grande corne entre les yeux. Qui n'aperçoit dans cette corne unique et dans cette marche si rapide, Alexandre partant des côtés de la Grèce, dont tous les peuples le reconnaissent ou pour leur roi ou pour leur général, passant d'occident en orient, et employant presque aussi peu de temps à soumettre des régions immenses qu'à les parcourir ? Le bouc s'élance avec impétuosité et court de toute sa force vers le bélier. Dès qu'il en est proche, sa fureur redouble. Il se jette sur lui, le perce de coups, brise ses deux cornes, le foule aux pieds, et ne le quitte pas, qu'il ne l'ait écrasé et mis en pièces.

Alexandre après le passage du Granique s'avance sans perdre un moment vers les défilés des montagnes par où Darius pouvait lui fermer le passage de l'Asie. Il le joint auprès d'Issus, met son armée en fuite, n'écoute aucune proposition de paix et ne veut achever la guerre que par une bataille décisive. Il la donne enfin dans les plaines d'Arbelles. Elle est suivie de la mort de Darius; et par cette victoire, il renverse de fond en comble l'empire des Mèdes et des Perses. Le bouc devient alors extraordinairement puissant. Car Alexandre joignit à ce qu'il possédait dans la Grèce, et à ce qu'il avait conquis sur Darius, d'autres pays qu'il subjugua ensuite, et qui n'étaient pas sous la domination des Perses.

Dans ce haut degré d'une force et d'une grandeur sans exemple, le bouc perd sa grande corne, et il s'en forme quatre autres au-dessous, vers les quatre vents du ciel. Alexandre meurt au comble de la gloire et de la puissance. La monarchie des Grecs qu'il avait formée, se divise en quatre royaumes moindres que le sien. Antipatre et Cassandre son fils règnent à l'occident dans la Macédoine : Lysimaque à l'orient dans la Thrace, la Bithynie et une partie de l'Asie mineure; Séleucus au nord dans la Syrie; Ptolomée au midi dans l'Egypte et dans la Libye.

Cette explication est si naturelle, si conforme au texte et en même temps à l'histoire, que nous n'avions pas besoin que le prophète prît soin de nous développer le sens de sa vision. Cependant, pour ne laisser aucun doute dans notre esprit, il nous déclare ce qu'elle représentait. Le bélier (1), lui dit un ange, que vous avez vu, qui avait des cornes, est le roi des Mèdes et des Perses. Le bouc est le roi des Grecs : et la grande corne qu'il avait entre les yeux est le premier de leurs rois. Les quatre cornes qui se sont élevées, après que la première a été rompue, sont les quatre rois

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qui s'élèveront de sa nation, mais non avec sa force et sa puissance. Je ne sais plus ce qu'on peut appeler démonstration, si une telle prophétie n'en est pas une et si les incrédules n'en sentent pas toute la force ou s'ils ne l'avouent pas, il ne faut plus espérer que la raison ait quelques droits sur leur esprit, ou que la vérité trouve place dans leurs discours.

Peut-être semblera-t-il étrange que des empires, tels que ceux des Perses et des Grecs aient été représentés à Daniel sous d'aussi faibles figures; qu'Alexandre surtout, ce vainqueur de tant de peuples, et le plus intrépide des guerriers, ne soit dans le langage du prophète qu'un vil et méprisable animal: il n'en est pas moius vrai que ce langage, qui révolte nos préjugés, est celui du Saint-Esprit. Les combats d'Alexandre contre les Perses, ses conquêtes, sa mort, la division de son empire sont prédites en termes exprès. S'il pouvait rester quelque incertitude dans l'énigme du bélier et du bouc, le prophète l'a dissipée, en nommant les personnages que cette énigme désignait. II est inutile après cela d'examiner, pourquoi elle a été préférée à toute autre. Dieu l'a choisie, l'a expliquée lui-même, et a donné dans cette explication la plus claire de toutes les prophéties. Voilà où nos doutes doivent s'évanouir, et ce qu'il y a de plus intéressant pour nous dans cette vision de Daniel.

Toutefois il n'est pas difficile de pénétrer les raisons d'un langage si peu conforme aux opinions populaires. Dieu a voulu montrer par des images sensibles la fausseté de ces opinions. Il dépouille de leur prétendue force ces conquérants si fiers et si heureux dans leurs entreprises. Les hommes admirent et redoutent en eux une puissance qui est aux yeux de Dieu une véritable faiblesse. Il se plaît quelquefois à représenter leurs plus brillants exploits comme des coups de corne de ces animaux qui n'ont rien de remarquable par leur force; d'autres fois, et nous le verrons bientôt, il les dépeint sous des formes plus terribles. Il fait voir alors à ses prophètes, des lions, des ours, des léopards; mais c'est plutôt pour marquer l'avidité des conquérants et leur humeur sanguinaire, que pour donner une idée de leur force. De quelque manière qu'il les figure, ils ne paraissent jamais que comme des bêtes emportées par un aveugle instinct, tantôt frappant des cornes et des pieds, tantot déchirant avec les griffes et les dents, toujours furieuses, toujours insatiables, toujours dignes d'hor

reur.

CHAPITRE VI.

Prédictions de Daniel sur les rois d'Egypte et de Syrie,

et principalement sur Antiochus Epiphane. Nous avons vu dans le chapitre précédent les prophéties de Daniel sur les victoires, sur la mort d'Alexandre, et sur le partage de sa succession en quatre empires principaux. Deux de ces empires, celui de l'Asic mineure bientôt affaibli et démembré, celui de Macédoine qui se soutint plus long-temps, n'eurent rieu à démêler avec les Juifs. C'est pourquoi le pro

phète, content d'avoir annoncé la formation de ces empires, tourne ensuite ses regards vers ceux d'Egypte et de Syrie, dont la durée fut plus longue, et la destinée plus intéressante pour les Juifs. Il s'en occupe depuis le verset 5 du chapitre onzième jusqu'à la fin du même chapitre; et l'on ne doit pas être surpris que, parmi tous les rois qu'il y dépeint, il trace avec plus d'étendue le portrait d'Antiochus Epiphane, l'ennemi le plus implacable des Juifs et le persécuteur de leur religion.

S'il décrit, avant que de venir à ce prince, quelques événements particuliers arrivés dans l'Egypte et dans la Syrie, qu'on ne demande pas la raison de ce choix, ni du silence qu'il garde sur d'autres événements. On aurait tort d'attendre d'un prophète une histoire complète et suivie. La partie de l'avenir qu'il plaît à Dieu de lui dévoiler, ou qu'il lui permet de prédire, suffit pour la preuve de sa mission prophétique et pour la conviction des incrédules. Mais il est remarquable que ces événements, choisis pour être la matière des prédictions de Daniel, ont un caractère de singularité, qui les rendait plus inaccessibles que beaucoup d'autres aux conjectures et aux prévoyances humaines.

Daniel avait dit, ainsi que je l'ai déjà observé, que le royaume d'Alexandre (1) serait divisé vers les quatre vents du ciel; et laissant les deux empires, qui étaient à l'orient et à l'occident, il ne parle plus que de celui d'Egypte situé au midi de la Palestine, et de celui de Syrie au nord du même pays. Le roi du midi dans son langage est donc le roi d'Egypte, et le roi du nord est celui de Syrie. C'est sous ces noms qu'il va nous les représenter

Il commence par le roi du midi, et il déclare (2) qu'il se fortifiera. L'un de ses princes, ajoute-t-il, sera plus puissant que lui, et il dominera sur beaucoup de pays. Car son empire sera fort étendu. On voit d'abord sous le nom du roi du midi Ptolomée Soter, l'un des capitaines d'Alexandre qui fonda en Egypte l'empire des Lagides, appelés ainsi du nom de Lagus père de Ptolomée. Daniel prédit qu'il se fortifiera. Tout ce que l'histoire nous apprend des conquêtes de ce prince vérifie cette prédiction. Il possédait, outre l'Egypte, ce pays si riche et si fertile, la Libye, la Cyrénaïque, l'Arabie, la Palestine, la Célésyrie, une partie des provinces maritimes de l'Asie mineure, l'ile de Chypre, quelques îles de la mer Egée, et quelques villes même dans le continent de la Grèce, comme Sicyone et Corinthe.

Le prophète continue en assurant que l'un de ses princes sera plus puissant que lui. S. Jérôme applique ces paroles à Ptolomée Philadelphe, second roi d'Egypte, dont la puissance, dit-il, fut supérieure à celle de son père le premier Ptolomée. Pour le prouver, il fait l'énumération de la quantité prodigicuse de troupes, d'éléphants, de vaisseaux, qu'avait Philadelphe, et de ses immenses richesses. Mais outre que les termes

(1) Dividetur in quatuor ventos cœli. Dan. 11, 4. (2) Dan. 11, 5.

dont se sert le prophète, désignent plutôt une grande étendue de pays que des forces et des trésors (1), le verset suivant annonce une comparaison déjà faite entre deux princes, qui ont des empires différents. Quelques années après, ils s'allieront ensemble. De là il résulte que l'un de ses princes, c'est-à-dire l'un des généraux et des, successeurs d'Alexandre, dont il était parlé au verset précédent, est Séleucus Nicator roi du septentrion et fondateur de l'empire de Syrie, dont les souverains issus de son sang ont été nommés Séleucides. Les pays soumis aux lois de Séleucus, à qui ses victoires firent donner le surnom de Nicator, étaient sans contredit plus étendus, que les états de Ptolomée Soter. Il était maître de tout l'orient depuis le mont Taurus jusqu'à l'Indus, de plusieurs provinces de l'Asie mineure entre le mont Taurus et de la mer Egée, et un peu avant sa mort il eut encore la Thrace et la Macédoine.

Voilà les premiers traits de ces deux grands empires, crayonnés par la puissance de leurs fondateurs. Le prophète passe aux descendants de ces deux princes, et il prédit (2) qu'après plusieurs années ils s'allieront ensemble. Que la fille du roi du midi viendra épouser le roi du nord, pour cimenter par ce mariage l'alliance des deux rois. Mais qu'elle ne fera point un établissement solide, et que sa race ne se perpétuera pas. Qu'elle sera livrée, elle et les jeunes gens qui l'avaient amenée, et tous ceux qui l'avaient soutenue en divers temps. On voit ici un des événements les plus singuliers de l'histoire de ces princes. Ptolomée Philadelphe, fils de Soter, et Antiochus surnommé le Dieu, petit-fils de Séleucus Nicator, s'étaient fait pendant plusieurs années une cruelle guerre. Enfin ils consentirent l'un et l'autre à la paix. L'une des conditions de ce traité fut qu'Antiochus répudierait Laodice, sa femme dont il avait deux fils, et qu'il épouserait Bérénice, fille de Ptolomée; qu'il déshériterait les enfants de son premier mariage, et assurerait la couronne à ceux qui naîtraient du second. Bérénice est donc cette fille du roi du midi, qui vient épouser le roi du septentrion, pour cimenter leur alliance par ce mariage. Les funestes suites de cette union injuste en elle-même et dans ses conditions, sont présentes à l'esprit du prophète. Il voit que cette princesse n'aura pas en Syrie un établissement solide, et que sa race, quoique le trône lui fût promis, ne se perpétuerà pas. Antiochus ne tarda point à se dégoûter d'elle, et après la mort de Ptolomée Philadelphe, son père, il l'abandonna pour reprendre Laodice avec ses deux fils. Celle-ci, outrée des premiers mépris d'Antiochus, et craignant que, Far un nouvel effet de son inconstance, il ne retournåt à Bérénice, empoisonna ce malheureux prince, et fit monter sur le trône Séleucus Callinicus, l'aîné de ses enfants. Bérénice se retira dans l'asile de Daphné, près d'Antioche, avec le fils qu'elle avait su (1) Dominabitur ditione multa enim dominatio ejus. (2) Dan. 11, 6.

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d'Antiochus. Mais elle en sortit, trompée par les fausses promesses de ceux qui l'y avaient poursuivie. La mort violente de son fils, celle de ses femmes, de ses gardes, des domestiques et des officiers égyptiens qui étaient toujours demeurés auprès d'elle, la sienne enfin, accomplirent de point en point la prophétic de Daniel qui la regardait. Elle ne s'établira point solidement. Sa race ne subsistera pas. Elle seṛa livrée, elle et les jeunes gens qui l'avaient accompagnée, et tous ceux qui l'avaient soutenue en divers temps.

La vengeance du crime commis dans la personne de Bérénice ne tarda pas. Daniel l'a également prédite (1). Il sortira, continue-t-il, un rejeton de sa race (du roi du midi), c'est Ptolomée Evergète, fils de Philadelphe et frère de Bérénice. Il viendra avec une armée, et entrera dans les provinces du roi de l'aquilon. A peine fut-il instruit des projets de Laodice, qu'il entra avec une armée dans le royaume de Syrie, pour prévenir la perte de sa sœur ou pour la venger. Elle était morte. Mais l'horreur de cet attentat avait tellement aigri les peuples contre Laodice et contre Séleucus, son fils, que les troupes de l'Asie mineure se joignirent à celles d'Egypte. Ptolomée, avec ce renfort, ne se contenta pas de faire mourir Laodice; il s'empara de toute la Syrie, de la Cilicie, et des provinces même au delà de l'Euphrate jusqu'à Babylone et au Tigre (2). Il fera de grands ravages dans ces provinces, et s'en rendra le maître. Il aurait pu, dans une disposition si favorable des esprits et avec des forces si redoutables, subjuguer tout l'empire de Syrie; mais les nouvelles qui lui survinrent des troubles excités dans ses propres états, le forcèrent d'y retourner. Le prophète prévoit la retraite qui arrêtera le cours d'une expédition si glorieuse. Le roi (3) du midi entrera dans son royaume (du roi de l'aquilon), et il reprendra le chemin de son pays. Mais il voit auparavant le riche butin dont il sera chargé en se retirant. Il emportera leurs dieux et leurs statues (4). Dans le nombre de deux mille cinq cents statues que Ptolomée prit en Syrie, se trouvèrent les idoles d'Egypte que Cambyse, lorsqu'il s'en rendi maître, avait emportées dans la Perse. Ptolomée les replaça dans leurs anciens temples. Les Egyptiens, peuple le plus superstitieux qui fut jamais, furent si charmés de recouvrer leurs dieux, qu'ils donnèrent à ce prince, qui les leur avait rendus, le surnom d'Evergète ou de bienfaisant (5). Il emportera leurs vases d'or et d'argent les plus précieux. C'est un fait attesté par l'histoire, qui nous apprend aussi que Ptolomée ramassa dans le royaume de Syrie, pendant qu'il le ravagea, jusqu'à quarante mille talents (six vingts millions), et qu'en partant pour l'Egypte, il partagea le gouvernement des provinces qu'il avait conquises entre deux de ses généraux, ce qui achève

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l'accomplissement de cette prophétie de Daniel, qu'alors le roi du midi prévaudra sur (1) le roi du nord.

Séleucus Callinicus, si maltraité par Ptolomée Evergète, eut deux fils, Séleucus surnommé Céraunus ou la foudre, et Antiochus à qui ses grandes actions acquirent le nom de Grand. L'un et l'autre concurent le dessein de reconquérir les provinces que leur père avait perdues, et de se venger de l'Egypte. Mais Séleucus ne put l'exécuter. Son règne ne dura que trois ans. Après qu'il eut perdu la vie par la noire trahison de deux de ses officiers qui l'empoisonnèrent, Antiochus monta sur le trône. Il n'eut pas plus tôt dompté les rebelles de ses états, qu'il arma contre l'Egypte. C'est pour cela que le prophète ayant d'abord dit que (2) les enfants du roi du septentrion, irrités de tant de pertes, assembleront de puissantes armées, ajoute, qu'un d'eux marchera avec une grande vitesse, comme un torrent qui se déborde, qu'il viendra plein d'ardeur et de courage, et combattra contre les forces de l'Egypte. Antiochus commença par reprendre Séleucie, place importante près d'Antioche sa capitale, où les Egyptiens s'étaient maintenus depuis l'expédition de Ptolomée Evergète. Il enleva ensuite à Ptolomée Philopator, fils et successeur d'Evergète, la Célésyrie qui lui fut livrée par Théodote, gouverneur de cette province, s'empara d'une partie de la Phénicie, battit les généraux de Philepator aux défilés, près de Béryte, et porta la guerre jusqu'aux frontières d'Egypte.

Philopator était un prince faible et adonné à ses plaisirs. Il lui fallait un danger aussi pressant pour le réveiller de sa léthargie. Le prophète remarque qu'étant (3) excité par les approches d'un si formidable ennemi, provocatus rex austri, il se mettra en campagne, lèvera une grande armée, et que des troupes nombreuses lui seront livrées. C'est ce qui arriva dans la bataille de Raphia, qu'Antiochus perdit contre Ptolomée. Celui-ci (4) fera un grand nombre de prisonniers, dans cette bataille. Il y en eut quatre mille. Il (5) passera au fil de l'épée plusieurs milliers de ses ennemis dix mille hommes d'infanterie et trois cents de cavalerie. Son (6) cœur s'élèvera de cette victoire. On le présume aisément, quand on ne saurait pas d'ailleurs qu'étant allé tout de suite à Jérusalem, il voulut par une présomption impie entrer dans le lieu saint, et n'en fut empêché que par un châtiment visible de la main de Dieu, qui lui inspira plus de ressentiment contre les Juifs, que de honte et de repentir (7). Mais il ne prévaudra pas. L'histoire observe que s'il cût su profiter de ses avantages, rait pu dépouiller Antiochus de ses états. Mais amoureux de son repos, impatient de se replonger dans la (4) Ibid.

(2) Dan. 11, 10.

Dan 11, 11.

Dan. 11, 12.

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il au

vie molle et efféminée qu'il n'avait interrompue qu'à regret, il accepta les propositions de paix que lui fit faire Antiochus, et se contenta d'avoir regagné la Phénicie et la Célésyrie.

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Il ne prévaudra pas (1). Car le roi du septentrion viendra de nouveau, et assemblera une armée beaucoup plus nombreuse qu'auparavant. Et après un certain nombre d'années, il s'avancera en grande hâte avec des troupes et des forces redoutables. Antiochus le Grand, méprisant la lâcheté de Ptolomée Philopator, qui s'était rendu odieux à ses sujets par ses infâmes débauches, forma le projet de l'attaquer de nouveau après qu'il eut glorieusement terminé les guerres qui l'occupaient au delà de l'Euphrate. Il assembla pour l'expédition d'Egypte une armée prodigieuse. Quatorze ans s'étaient écoulés depuis le traité conclu avec Philopator. Cependant ce prince mourut, et laissa le royaume à son fils Ptolomée Epiphane, âge de quatre à cinq ans. Antiochus, profitant de cette conjoncture, s'avança vers l'Egypte, battit à Panium, près des sources du Jourdain, Scopas général des Egyptiens, et se rendit maître des provinces que Ptolomée Philopator avait conquises par la victoire de Raphia.

En ce temps-là (2) plusieurs s'élèveront contre le roi du midi. En effet l'Egypte se vit tout à la fois attaquée, sous la minorité de Ptolomée Epiphane, par des ennemis étrangers et domestiques. Antiochus, roi de Syrie, et Philippe, roi de Macédoine, se liguèrent ensemble pour dépouiller ce roi pupille. Ils étaient convenus de porter chacun la guerre dans les pays limitrophes de leurs états, et de retenir ce qui était à leur bienséance. L'Egypte n'était pas moins menacée au dedans. Agathocle et sa sœur Agathoclée, qui avaient si étrangement abusé de leur faveur sous le règne précédent, tentèrent de s'assurer la régence pendant le bas âge d'Epiphane, par la mort de ses plus fidèles serviteurs. Scopas l'Etolien, qui avait rendu de grands services au père, conspira contre la vie du fils, pour usurper sa couronne.

Et les enfants des (3) prévaricateurs de votre peuple seront exaltés, pour accomplir la prophétie, et ils tomberont. L'ange qui révèle l'avenir à Daniel interrompt ici les prédictions qui regardent les royaumes d'Egypte et de Syrie, pour lui parler d'un événement qui intéresse sa nation. Il s'agit de savoir quelle est cette prévarication commise par des Juifs, qui seront élevés, pour accomplir la prophétie, et tomberont ensuite. Saint Jérôme l'explique de l'entreprise téméraire et impie d'Onias, qui, s'étant retiré en Egypte avec plusieurs Juifs attachés à sa fortune, obtint la permission d'y bâtir un temple semblable à celui de Jérusalem. Ils prétendaient accomplir cet oracle d'Isaïe (4): En ce temps-là il y aura cinq villes dans la terre d'Egypte, qui parleront le

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