Oldalképek
PDF
ePub

pas là évidemment un cercle vicieux ? Non, il est au contraire évident que ce n'en est pas un. Le cercle vicieux consiste en ce que deux propositions se servent réciproquement de preuve, et c'est ce qu'on ne voit pas ici. La prédiction n'est pas la preuve de l'événement, ni l'événement la preuve de la prédiction: mais la prédiction revêtue des qualités requises, et l'événement qui y cadre exactement, sont deux choses qui concourent ensemble à une seule et même démonstration; ce sont deux parties de la preuve d'une vérité, ou plutôt de deux vérités, savoir: d'abord de la divine mission de celui qui fait la prophétie, et ultérieurement et conséquemment de la certitude de ce qu'il déclare de la part de Dieu. Toute cette objection est fondée sur l'équivoque des mots dépendre et prouver. La prophétie et sa réalisation dépendent l'une de l'autre, non pour exister, non pour être connues, mais pour former conjointement une démonstration, Jaquelle, par l'absence de l'une ou de l'autre, serait incomplète. La prophétie prouve par son accomplissement, et l'accomplissement prouve par la prophétie qui en avait été faite, une troisième chose; mais elles ne se prouvent pas réciproquement; la conformité de l'événement à la prédiction est bien pour nous un signe que la prédiction est venue de Dieu; mais la prédiction antérieure n'est pas ce qui nous montre que l'événement est l'œuvre divine. Nous sommes assurés d'ailleurs que tous les événements sont réglés par la souveraine Providence.

XVI. De tout ce que nous venons d'exposer, il résulte que la prophétie forme une preuve solide d'une religion, quand on est certain de quatre choses : que la prédiction a été faite avant l'événement; que l'événement y a exactement correspondu; que cet événement n'avait pas pu, du temps de la prédiction, être prévu d'après des causes naturelles; et enfin que le concours de l'événement avec sa prédiction ne peut pas être un effet du simple hasard.

XVII. Un déiste célèbre prétend que pour êtré assuré des deux premiers points, il faut avoir été personnellement témoin et de la prédiction et de son accomplissement. Je dis premièrement que je n'ai pas plus entendu de prophètes que je n'ai vu de miracles. Je dis de plus qu'aucune prophétie ne saurait <faire autorité pour moi..., parce que, pour qu'elle la fit, il faudrait trois choses dont le concours est impossible savoir, que j'eusse été témoin de la prophétie, que je fusse témoin de l'événement; qu'il me fût démontré que cet événement n'a pu cadrer fortuitement avec la prophétie (1). » Ainsi, pour croire à une prophétie qui ne doit s'accomplir qu'après plusieurs siècles, il voudrait vivre tout ce temps-là. Mais où a-t-il pris le principe de son raisonnement, qu'on ne peut être assuré que de ce qu'on a vu ou entendu soi-même ? Si dans un écrit que je sais positivement être de tel auteur et de telle date, je lis l'annonce d'un fait qui doit arriver dans les temps posté

(1) Émile, liv. 4.

rieurs, ne suis-je pas aussi certain qu'on puisse l'être de la réalité de la prédiction? Si ensuite, dans d'autres histoires dont je connais pareillement l'authenticité et la vérité, je vois que le fait annoncé est arrivé précisément de la manière dont il avait été prédit, n'ai-je pas encore la certitude entière de l'accomplissement? Pour nier ces vérités évidentes, il faut prétendre de ces deux absurdités l'une, ou qu'il ne peut pas y avoir d'écrits authentiques, ou qu'il n'existe pas de certitude morale. Je crois avoir suffisamment établi, dans les dissertations précédentes, les principes sur ces deux points; il est inutile de répéter ici ce que j'ai dit ailleurs.

On peut assez aisément être certain, par des monuments historiques, de ces deux premiers points: savoir, de la réalité de la prédiction, et de la correspondance de l'événement. Mais ce n'est pas assez pour croire à la prophétie divine; il faut encore être certain des deux autres points; et sur cela il s'élève deux questions 1o Peut-on avoir une assurance positive

que l'événement qui cadre avec la prédiction n'avait été ni prévu naturellement ni prédit au hasard ? 2o Quels sont les événements sur lesquels on peut avoir cette certitude absolue?

XVIII. Pour répondre à la première de ces questions, nous observerons qu'il y a des choses auxquelles la prévoyance humaine ne peut atteindre. L'expérience, dont l'autorité relativement aux puissances naturelles est suprême quand elle est constante et universelle, sans exception, nous montre que toutes nos facultés, soit corporelles, soit spirituelles, sont limitées. Sans fixer précisément leurs bornes dans chaque individu, elle nous apprend que dans tout individu elles ont des bornes. De même qu'elle nous montre dans l'ordre physique qu'aucun homme, quelque fort qu'il soit, ne peut porter sur ses épaules une maison; de même elle nous apprend, dans le genre moral, qu'il y a des événements futurs que la sagacité humaine ne peut pressentir, parce qu'ils sont tellement éloignés de toute probabilité, de toute circonstance actuelle, de toute idée reçue, et même de toute possibilité apparente, qu'il est impossible de les prévoir, et même de les imaginer. A moins d'être Dieu, on ne peut prévoir, comme devant exister, ce qu'à moins d'être Dieu on ne peut pas regarder comme possible.

XIX. La même expérience nous prouve encore qu'il y a des combinaisons d'événements qu'il serait insensé d'attribuer au hasard, et dont il serait également insensé de penser qu'ayant été légèrement prédites, elles se sont arrangées fortuitement et d'ellesmêmes, conformément à la prédiction. De ce que des couleurs tombées à l'aventure sur une toile auront pu présenter l'esquisse imparfaite d'une figure, quel homme sensé, voyant un tableau de Raphaël ou du Titien, imaginera qu'il est le produit de couleurs jetées au hasard et sans dessein (1)? De même, de ce

(1) Quid quæris, Carncades, cur hæc ita fiant, aut quâ arte perfici possunt? Nescire me fateor; evenire

qu'un diseur de bonne aventure aura pu un jour rencontrer juste sur un fait simple, possible, et qui n'était pas hors de la vraisemblance, on ne peut pas raisonnablement inférer que des événements détaillés, compliqués, invraisemblables, difficiles à produire et même à inventer, ont été prédits par un discur de bonne aventure.

XX. Quant à la seconde question, nous répondrons qu'il y a plusieurs sortes d'accomplissements de prédictions, qui ne peuvent être ni les résultats d'une prévoyance naturelle, ni les effets du hasard aveugle. Pour présenter sur ce point important de notre discussion quelque chose de précis, nous rapporterons ces faits prédits et arrivés à trois classes principales.

En premier lieu, les faits de l'ordre surnaturel, tels que les miracles, ne peuvent pas être prévus par ieurs causes naturelles, puisqu'ils n'ont point de causes de ce genre, et qu'ils sont les effets immédiats de la cause surnaturelle on ne peut pas non plus imaginer qu'ayant été prédits au hasard, ils aient été. par un autre hasard, effectués précisément les mêmes et de la même manière qu'ils avaient été annoncés. Par exemple, quand on lit les nombreuses prédictions dont nous avons déjà eu occasion de parler, sur l'établissement du christianisme par les moyens les plus opposés à tous ceux qui peuvent fonder une religion, et qu'on les voit ensuite toutes ponctuellement réalisées, peut-on, avec quelque apparence de raison, attribuer à un cas fortuit ce concert de tant de prophètes séparés les uns des autres par l'intervalle des siècles, et le rapport exact de tous les événements avec leurs diverses prédictions?

En second lieu, quand la chose prédite n'est pas hors de l'ordre naturel, mais est tellement éloignée de toutes les circonstances actuelles, que rien ne peut en donner le soupçon, et qu'elle dépend d'un concert de diverses causes ou nécessaires ou libres, ou physiques ou morales, qui sont ignorées, il est évident que ni la prédiction ne peut être imputée à une cause naturelle, ni l'accomplissement ne peut être attribué au hasard. Telles sont, par exemple, les destinées futures et lointaines des empires. Elles tiennent de causes si multipliées, que l'esprit ne peut pas toutes les embrasser; si variées, qu'il ne peut pas toutes les imaginer; elles dépendent de volontés libres d'hommes qui n'existent pas encore, qu'il est, par conséquent, impossible de juger. Ces causes diverses devant agir les unes en même temps, les autres successivement, et quelques-unes à de grandes distances de temps; les unes en même sens, les autres contradictoirement ; quel autem te ipsum dico videre. Casu, inquit. Itane verò quidquam potest casu esse factum, quod omnes habeat in se numeros veritatis? Quatuor tali jacti venereum efficiunt. Nùm etiam centum venereos, si 400 talos jeceris, casu futuros putas? Adspersa temerè pigmenta in tabulâ oris lineamenta effingere possunt. Num etiam Veneris Cox pulchritudinem eflingi posse adspersione fortuitâ putas? Sus rostro si humi litteram A impresserit, num proptereà suspicari poteris Andromacham Ennii ab eo posse describi? Cicero, de Divin., lib. 1, cap. 14.

esprit humain peut d'avance les soupçonner toutes sans exception, et suivre l'influence de chacune d'elles? Il n'y a que la cause première qui commande, qui régle, et qui fait concourir au même effet toutes causes, qui puisse connaître et prévoir leurs résultats. Il est également ridicule de regarder comme un effet du hasard le concert étonnant entre ces vastes prédictions et leur réalisation. Le hasard ne produit pas une suite de rapports aussi étendus, aussi multipliés et aussi exacts. Quand Daniel prédisait l'établissement et la destruction successive des quatre grands empires, entrait-il dans l'esprit de qui que ce soit qu'il cut une connaissance naturelle de toutes les causes secondes qui devaient influer sur ces grands événements? Quand, plusieurs siècles après lui, on voyait ces révolutions se succéder, précisément comme il les avait annoncées, y avait-il un homme raisonnable qui soupçonnât que ce pouvait être le hasard qui faisait cadrer aussi exactement l'accomplissement avec la prédiction?

En troisième lieu, le fait annoncé peut n'être pas éloigné de la vraisemblance, peut être absolument prévu par la lumière naturelle; mais il a été prédit avec une multitude de circonstances diverses trèsdétaillées et bien nettement exprimées, de circonstanecs que rien ne donnait lieu de présumer, et qui viennent ensuite s'effectuer avec une entière exactitude. Je dis que ces circonstances, par leur multiplicité, par leur variété, par leur improbabilité, n'ont pu ni être prévues naturellement, ni être réalisées dans leur totalité par hasard. L'événement principal est un fait qui, s'il était isolé, aurait pu être imaginé d'2vance, ou arriver fortuitement; mais les particularités qui y sont jointes sont autant de faits différents, que leur ensemble, leur réunion, leur concours au même effet, met au-dessus et de la prévoyance humaine, et des combinaisons de la fortune. Samarie, assiégée par le roi de Syrie, est réduite à une extrême famine; le roi Jɔram et tout son peuple sont dans la dernière désolation; Élisée annonce, au nom de Dieu, la levée du siége. S'il se fût borné à cette prédiction, on pourrait croire qu'il avait quelques connaissances particulières qui lui faisaient préjuger cet événement. Mais il ajoute que demain, à l'heure actuelle, la mesure de farine et deux mesures d'orge ne se vendront, à la porte de Samarie, qu'un statère. Un officier refusant d'ajouter foi à cette prophétie, il lui déclare qu'il verra de ses propres yeux ce bas prix des denrées; mais qu'il n'en mangera pas (1). Pouvait-il prévoir par ses propres connaissances toutes ces particularités? Le hasard pouvait-il en amener la réunion? Il a fallu, pour que la prédiction fût accomplie, qu'une terreur panique frappåt les assiégeants et les mit en fuite; qu'ils abandonnassent toutes leurs provisions; que l'abondance de ces provisions mit la farine et l'orge précisément au prix annoncé; que l'officier incrédule fût chargé par le roi de mettre l'ordre

(1) V. 4 Reg. 5, 6, 1 et seq.

à la porte où se vendaient les comestibles, et qu'il y fût étouffé par la foule du peuple : une combinaison aussi compliquée, aussi détaillée, ne pouvait être ni l'objet de la prévoyance ni l'effet du hasard.

Avant de passer à la discussion des prophéties, soit de l'ancienne, soit de la nouvelle loi, qui prouvent la divinité de la religion chrétienne, il est nécessaire de prévenir deux objections que font ses adversaires sur la prophétie en général.

XXI. C'est un fait, disent-ils, qui ne peut être contesté, que tous les peuples de tous les temps ont cru caux prédictions (1), et les ont attribuées à leurs divinités. Si on en doutait, il suflirait, pour s'en convaincre, de parcourir le traité de Cicéron sur la divination. Dans le premier livre, sous le nom de son « frère Quintus, il rapporte toutes les manières de pré(voir l'avenir, et s'efforce de prouver, selon la doctrine des stoïciens, que les dieux peuvent et doivent (communiquer aux hommes la connaissance de l'avenir (2). Dans le second livre, parlant en son propre ‹nom, il réfute tout ce qu'a avancé son frère, et prétend que toutes les nations sont dans l'erreur à ce sujet. Que peut-on donc, ajoutent les incrédules, conclure des prophéties en faveur d'une religion, qu'on ne puisse de même en conclure pour les autres? C'est une preuve qui est commune à toutes, puisque toutes ont leurs oracles. Les aruspices, les augures, les prophètes, tout cela se ressemble. Entre ce fatras de prédictions, on ne doit pas faire plus ‹de cas des unes que des autres. ›

XXII. C'est un absurde raisonnement, et tout le monde en conviendra sans difficulté, de dire : Il a été publié de faux principes moraux, de faux arguments, de fausses histoires; donc il n'y a pas de vrais principes, de vrais arguments, de vraies histoires. Ce que l'on propose ici est précisément le même raisonnement. On a vu de fausses prophéties; par conséquent il n'y en a pas de véritables. C'est, au contraire, parce qu'il a existé de vraies prophéties, qu'il en a été pré

(1) Gentem quidem nullam video, neque tam humanam atque doctam, neque tam immanem, tamque barbaram, quæ non significari futura, et à quibusdam intelligi prædicique posse censeat. Cicero, de Divinatione, lib. 1, cap. 1.

(2) Quam quidem (divinationem) esse reverà hâc stoicorum ratione concluditur. Si sunt dii, neque antè declarant hominibus quæ futura sunt, aut non diligunt homines, aut quid eventurum sit ignorant, aut existimant nihil interesse hominum scire quid futurum sit, aut non censent esse suæ majestatis præsignificare hominibus qua sunt futura, aut ea ne ipsi quidem dii significare possunt. At neque non diligunt nos; sunt enim benefici, generique hominum amici : néque ignorant ea quæ ab ipsis constituta et designata sunt; neque nostrâ nihil interest scire ea quæ eventura sunt; erimus enim cautiores si sciemus : neque hoc alienum ducunt à majestate suâ; nihil enim beneficentiâ præstantius: neque non possunt futura prænoscere; non igitur sunt dii, nec significant futura: sunt autem dii, significant ergo. Et non, si significant, nullas vias dant nobis ad significationis scientiam, frustrà enim significarent; nec si dant vias, non est divinatio. Est igitur divinatio. Cicero, de Divinatione, lib. 2, cap. 58.

senté de fausses. La manière ordinaire dont se produit l'imposture est de contrefaire la vérité.

La question n'est pas de savoir si les autres religions ont eu leurs prédictions; il s'agit d'examiner si les prédictions de ces religions sont revêtues des mémes caractères que celles du christianisme. Il ne suffit pas de dire que les aruspices et les augures ressem blent aux prophètes; il faudrait le prouver. Dans le fait, entre les uns et les autres, il n'y a qu'un trait de ressemblance, c'est qu'ils prédisaient des choses futures ils différent sur tout le reste.

D'abord il est évident, et nos adversaires n'en disconviendront pas, que les aruspices et les augures étaient les ministres de l'idolâtric, laquelle, aux yeux de la simple raison et de l'aveu même des incrédules, est une religion absurde. Les prophètes, au contraire, enseignaient l'unité, la puissance, la justice, la bonté, toutes les qualités que la raison est forcée de reconnaître en Dieu.

Ensuite très-souvent ce qu'annonçaient ces prétendus connaisseurs de l'avenir ne se réalisait pas, et les plus superstitieux défenseurs de la divination en convenaient (1). Une seule prédiction non effectuée démontre que celui qui l'a faite n'est pas l'organe de la Divinité. Que l'on cherche dans tous nos livres saints une seule prophétie qui n'ait pas eu son accomplissement!

Les augures, les aruspices, n'avaient rien à crain dre du mauvais succès de leurs prédictions. Parmi les Juifs, le faux prophète devait être mis à mort (2), el le faux prophète était, comme nous l'avons vu, celui dont la prédiction n'était pas justifiée par l'événement.

Les oracles, de quelque genre qu'ils fussent, avaient pour objet toujours de satisfaire la curiosité de ceux qui les consultaient, et presque toujours de flatter leur vanité, leur ambition, leurs passions. Les prophètes juifs ne donnent rien à la curiosité du peuple à qui ils parlent; ils ne le flattent pas; au contraire, ils le reprennent avec sévérité de ses passions et de ses crimes; ils lui annoncent souvent des fléaux et des misères; et quand ils lui promettent des prospérités, c'est à condition qu'il les méritera par sa piété.

Nous aurons occasion, dons le chapitre suivant, d'observer une autre différence importante entre les oracles du paganisme et les prophéties de l'ancien Testament: c'est que ceux-là sont en petit nombre, relatifs chacun à un seul point, n'ayant aucune suite et ne tenant à rien; celles-ci sont extrêmement mul

(1) At nonnunquàm ea quæ prædicta sunt, minus eveniunt. Quæ tandem id ars non habet, earum dico artium quæ conjecturâ continentur et sunt opinabiles? An medicina ars non putanda est, quæ tamen multa fallunt? Quid gubernatores, nonne falluntur? Cicero, de Divinatione, lib. 1, cap. 13.

(2) Propheta autem qui arrogantiâ depravatus yoluerit loqui in nomine meo quæ ego non præcepi illi ut diceret, aut ex nomine alienorum deorum, interficietur. Deuter. 18. 20.

[ocr errors]

tipliées; c'est une quantité de prédictions toutes relatives au même objet, au Messie et à sa religion, et qui sont intimement liées à toute l'histoire judaïque.

XXIII. Mais, et c'est la seconde objection, le démon peut faire des prophéties : les Pères de l'Église « en conviennent; ils lui attribuent la plupart des oracles du paganisme. Si la prophétie peut être le langage du démon, comment peut-on y reconnaître avec certitude la parole divine?»

XXIV. C'est une question qui partage les savants de décider si les anciens oracles du paganisme, que l'on rapporte, étaient tous des impostures humaines, ou si quelques-uns étaient des œuvres diaboliques. Vandalle et Fontenelle, d'un côté, ont soutenu qu'il n'y avait dans toutes ces prédictions que des fourberics de prêtres intéressés. Le père Balthus et monseigneur de Correvon ont prétendu, au contraire, que parmi ces oracles il y en avait dont le démon était auteur. Ce ne sont pas seulement les auteurs modernes qui sont partagés sur cette question. Si parmi les saints Pères on en trouve qui attribuent au démon divers oracles, on en voit d'autres qui les traitent tous de fables et d'oeuvres de l'imposture: tels sont, entre autres, Tatien (1), saint Clément d'Alexandrie, Origène, Eusèbe,

(1) Quid est enim divinatio? Cur ab eâ decipimini? Ministra est tibi vigentium in mundo cupiditatum. Vis bellum gerere, et Apollinem consiliarium cædium capis; vis rapere virginem, et dæmonem tibi optas auxilio venire. Egrotas per te ipse, et, ut Agamemnon, duos consiliarios, ita deos tibi cupis adesse. Quædam furit aquâ potà, et adhibito thure amens fit; hanc tu vaticinari dicis. Prascius erat futurorum Apollo, et vaticinantium magister se ipse in Daphne frustratus est. Quercus, dic mihi, divinat, rursùmque aves prænuntiant. Tu verò animalibus et plantis ignobilior es. Præclarum tibi erat fieri lignum præsagum, et avium volatum sumere. Tatiani contra Græcos orat., n. 19.

Nolite igitur scelerata, impiaque adyta curiosiùs explorare, nec profundorum antrorum hiatus, præstigiis monstrisque plenos, aut thesprotæum lebetem, aut tripodem cyrrhæum, aut ænæum Dodonæ tintinnabulum. Gerandryon autem illud desertis olim in arenis cultum, quodque ibidem celebrabatur oraculum, jam verò cum ipso quercu prorsùs emarcuit, rancidis ac vetustate contritis fabulis relinquite. Enimverò siluit utique fons ille Castalius, siluit Colophonius alter, ac reliquæ simul omnes fatidicæ undæ aruerunt; quas ventoso fastu, sero licet, palàm tamen, aliquandò spoliatas viderunt, posteaquàm illæ cum fabellis omninò defluxissent. Decanta tu nobis Clarium, Pythiam, Didymea, Amphiaraum, Apollinem, Amphilochium. Adde, si lubet, prodigiorum interpretes; adde augures, et somniorum conjectores. Quin age sis ac simul eos coram Pythio; statue qui divinationes suas farinâ hordeove perficiunt, quique à plurimis etiam non observantur ventriloquos. Jam verò et Ægyptiorum penetralia, et manium apud Etruscos vaticinationes in tenebris jacent. Vesanæ profectò illæ sunt infidelium hominum fallendi artes, ejusdemque fascinationes veluti negociationis sociæ habeantur capræ ad divinandum informatæ, necnon corvi illi quos ad responsa hominibus reddenda homines erudière. S. Clemens Alex., Cohort. ad genles, cap. 2.

Nos itaque in hæc oracula dicamus, non pauca ex Aristotele et peripateticis colligi posse, quibus everteretur quidquid modò de Pythiâ, cæterisque oraculis, memoratum à Celso est. Ex Epicuro etiam, et iis qui

saint Jean Chrysostôme, saint Jérôme. Entre les philosophes même de l'antiquité, il y avait plusieurs sec. tes, spécialement celles d'Epicure et d'Aristote, qui traitaient de mensonges et de friponeries tous les oracles que le peuple vénérait. Nous avons vu que, dans le second livre de son Traité de la Divination, Cicéron, réfutant les diverses manières alors usitées de prédise l'avenir, montre qu'il n'y a dans tout cela que fraude et artifice. Mais, au reste, nous n'avons pas intérêt d'entrer dans cette discussion; il nous importe peu que le démon ait fait ou n'ait pas fait des prédictions; que ce › prédictions se soient ou ne se soient pas réalisées. En admettant, si on le veut, et de complaisance, qu'il en fait de telles, nous dirons d'abord que nous ignorons la mesure de connaissances que Dieu a données au démon sur les choses de ce monde : ainsi, il serait

ejus bâc de re sententiam sequuntur, promptum esse ostendere tolli è medio à quibusdam Græcis omnia illa oracula, quæ in totâ Græcia tantoperè admirationi sunt. Orig. contra Cels., lib. 7, n. 3.

Enimverò quæcumque ab istis sine ullâ responsi ambiguitate prædicta sint, non ex præsensione quâdam et scientiâ futurorum, sed ex aliquâ tantùm conjiciendi vi pronuntiata ex iis infinita, planè deprehensum esse, imò propè dixerim omnia, prædictionis sæpiùs veritate caruisse, cùm res contrarium oraculo finem et exitum habuissent. Nisi verò, quod rarò admodùm, atque unum ex infinitis aliquid, aut casu fortuito, aut spe aliquâ, futurum, augurata contigerit, id veritatis opinionem oraculo conciliet. Eusebius, Præpar. evang. lib. 4, cap. 12, init.

Et verò integræ quoque, ac præcipui nominis philosophorum sectæ hujus opinionis duces ac vindices extitêre. Puta qui ex Aristotelis disciplinà prodierunt, et quotquot deinceps peripatetici nominati sunt, necnon cynici et epicuræi, quos equidem mirari eo nomine plurimum soleo, quod, cùm Græcorum in moribus ab ipsis incunabulis educati fuissent, ac deos esse quos ante diximus pueri à suis quisque parentibus ac cepissent, nunquàm tamen erroribus illis irretiti ullo modo potuerint. Sed potiùs quæ passim jactabantur oracula, quæque omnium concursu populorum vaticinia celebrabantur, ea, non modò vanitatis ac mendacii coarguerint, sed etiam exitii potiùs quàm utilitatis ullius causas esse demonstrârunt. Ibid., versùs finem.

Et in totâ prophetiâ hoc ipsum tractat. Hoc enim maximè opus Dei est, quod non possent dæmones imitari, etiamsi admodùm contendant. Nam in miraculis potest species quædam decipere; futura verò accuratè prædicere unius immortalis naturæ est. Quòd si id dæmones aliquandò fecerint, insipientes fallendo fuerunt; undè et vaticinia eorum semper falsa deprehenduntur. S. Joannes Chrysost. in Joan., homil. 14, al. 18, n. 2.

Hoc autem significat quod post adventum Christi omnia idola conticuerint. Ubi Apollo Delphicus et Loxias? Delius ubi et Clarius, et cætera idola futurorum scientiam pollicentia, quæ reges potentissimos deceperunt? Cur de Christo nihil potuerunt prædicare, nihil de Apostolis ejus, nihil de ruinis et abolitione templorum? Si ergo suum interitum non potuêre prædicare, quomodò aliena, vel bona, vel mala potuerint nuntiare? Quòd si aliquis dixerit multa ab idolis esse prædicta, hoc sciendum, quòd semper mendacium junxerint veritati, et sic sententias temperaverint, ut seu boni, seu mali quid accidisset, utrùmque possit intelligi; ut est illud Pyrrhi regis Epirotorum: Aio te, Eacida, Romanos vincere posse : et Crœsi: Cræsus transgressus Halym maxima regna perdes. S. Hieronymus, Comment. in cap. 42 Isaiæ, lib. 12.

possible que, par ses lumières naturelles, il prévît des événements futurs, auxquels les nôtres ne peuvent atteindre. Cependant il serait, dans cette hypothèse, impossible de lui accorder la prévoyance des choses qui dépendent de volontés libres, sur lesquelles il n'a point de puissance et qu'il ne peut pas connaître. Au reste, quelles que soient les choses naturelles que ces lumières lui font prédire, ce ne sont pas là, ainsi que nous l'avons exposé, des prophéties. Nous dirons ensuite sur les prophéties ce que nous avons dit sur les miracles: si jamais le démon peut en faire de l'ordre surnaturel, ce n'est que par une permission particulière de Dieu; mais je suis certain que Dieu ne lui permettra pas d'en faire de telles, sans me donner le moyen de découvrir leur auteur. Dieu n'autorise point des prodiges pour accréditer le mensonge : il doit, à lui-même, à ses divins attributs, à sa véracité, à sa bonté, même à sa justice, de prévenir l'erreur funeste où ils entraîneraient.

CHAPITRE II.

DES PROPHÉTIES DE L'ANCIEN TESTAMENT.

ARTICLE PREMIER.

Des prophéties de l'ancien Testament en général. I. La question que nous avons à examiner dans ce chapitre, est de savoir si les prophéties de l'ancienne loi prouvent que Jésus-Christ est l'envoyé de Dieu, et que sa religion est la véritable (1). Pour le démontrer, nous avons quatre choses à établir: la première, que les livres qui contiennent l'histoire et la religion du peuple juif existaient avant le temps de la venue de Jésus-Christ; la seconde, que dans ces livres il y a des prédictions qui annoncent un futur envoyé de Dieu et l'établissement d'une nouvelle religion; la troisième, que toutes ces prédictions se sont exactement accomplies dans Jésus-Christ et dans sa religion; la quatrième, que cet accomplissement n'a pu ni être naturellement prévu, ni cadrer avec la prédiction par hasard. La réunion de ces quatre choses forme, ainsi que nous l'avons montré, une preuve de la vérité de la prophétie et une démonstration rigoureuse de la chose prophétisée.

Mais, avant d'entrer dans le détail de ces diverses prophéties, nous avons quelques observations à faire.

I. Deux sortes d'adversaires se présentent ici devant nous, les Juifs qui reconnaissent l'autorité de leurs prophéties, et les incrédules qui la rejettent. Notre tâche envers les uns et les autres est différente. Aux Juifs, nous avons uniquement à prouver que

(f) Igitur in isto gradum conferamus, an qui venturus Christus annuntiabatur jam venerit, an venturus adhue speretur. Quod ipsum, ut probari possit, etiam tempora sunt nobis requirenda, quando venturum Christum prophetæ annuntiaverunt; ut si ista tempora recognoverimus, venisse eum sine dubio ipsum esse credamus quein venturum, prophetæ canebant; in quem nos, gentes scilicet, credituri annuntiabamur. Et cùm constiterit venisse indubitatè, etiam legem novam ab ipso datam esse credamus, et testamentum novum in ipso et per ipsum nobis dispositum non diffiteamur. Tertullianus adv. Judæos, cap. 7.

les oracles de leurs prophètes sont relatifs au Messie, et se sont littéralement accomplis en Jésus-Christ. Par rapport aux incrédules, notre travail doit être plus étendu. Nous avons à leur démontrer et ce que les Juifs reconnaissent et ce qu'ils nient d'abord l'autorité de la prophétie en elle-même, ce que nous avons fait dans le premier chapitre; ensuite la réalité des prophéties judaïques sur le Messie; et enfin l'impossibilité que l'accomplissement littéral de ces prédictions, et la réunion entière, exacte, parfaite, de tous les caractères donnés au Messie par les prophètes, dans la personne de Jésus-Christ, ait été ou prévue dans des causes naturelles, ou effectuée par le hasard.

III. Entre les prophéties de l'ancienne loi, il y en a qui, seules, ne forment pas une démonstration, mais qui, soit par leur réunion avec les autres, soit par les circonstances dont elles sont accompagnées, acquièrent une grande force. Tant qu'elles resteraient isolées, elles ne montreraient dans Jésus-Christ qu'un seul des caractères marqués par les prophètes pour reconnaître le Messie, caractère qui peut lui être commun avec d'autres personnes. Mais, 1o rapprochées de toutes les autres, elles font voir qu'aucun de ces caractères n'a manqué à Jésus-Christ. Par exemple, si nous n'avions, pour établir sa mission, d'autres preuves que des prophéties qui annonçassent la descendance du Messie de David ou sa naissance à Bethleem, cette preuve n'aurait aucune force. Il est né dans le cours de la république judaïque beaucoup d'autres descendants de David, beaucoup d'autres enfants à Bethleem. Mais quand nous joignons ces deux signes du Messie à tous les autres réalisés en JésusChrist, ils concourent à prouver qu'il les a tous réunis. 2o La Providence a voulu qu'à ces prophéties, qui, prises séparément, seraient trop générales pour former des démonstrations, fussent joints d'autres caractères qui les particularisent, et qui, ne pouvant être appliqués qu'à Jésus-Christ, montrent clairement que c'est lui qui est l'objet de ces prophéties: nous le verrons lorsque nous en serons à l'examen de ces oracles sacrés.

Nous devons distinguer entre les prophéties celles qui sont démonstratives de celles qui n'ont pas le même degré de clarté et d'autorité. Nous mettons au premier rang toutes celles qui concernent évidemment le Messie et qu'on ne peut appliquer à d'autres sans faire violence au texte. Ce sont les seules qui doivent être employées dans un ouvrage polémique, où il faut raisonner rigoureusement, et ne rien avancer qui puisse être raisonnablement contesté. Mais ces prophéties peuvent être de deux espèces. Il y en a dont le Messie est l'unique objet. On en voit d'autres qui sont relatives à la fois au Messie et à un autre personnage. Cet autre personnage est l'objet direct de la prophétie, mais elle présente en même temps des caractères qui, ne s'accomplissant pas en lui, se réalisent dans toute leur énergie en JésusChrist, et montrent par là qu'il est l'objet indirect de

« ElőzőTovább »