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d'une nation dépendait, selon lui, de la manière dont elle accomplirait la loi qu'il lui prescrivait. Qu'il arrivât une seule fois qu'elle fût vaincue par ses ennemis, affligée de la disette ou de quelque autre fléau, pendant qu'elle rendait à Dieu un culte fidèle; ou qu'au contraire, durant son idolâtrie, et malgré tous ses désordres, ses récoltes fussent abondantes, ses villes et ses campagnes peuplées, sa puissance redoutée des nations voisines, il était convaincu de faux, sa loi ainsi que son nom tombait dans le mépris, et les Israélites frustrés des biens qu'ils avaient espérés, préservés des maux qu'il leur avait fait craindre, rentraient dans la liberté qu'il leur avait injustement ravie.

Il n'a tenu qu'à eux de s'assurer s'ils étaient en droit de la reprendre. Comme les autres peuples et plus qu'aucun d'eux, ils ont éprouvé, avant leur derniere dispersion, une alternative de prospérités et d'infortunes. Ont-ils jamais pu se plaindre qu'il 'manquât quelque chose au bonheur temporel de leur nation, lorsqu'elle était attachée à la loi de Moïse? Ontils pu se vanter que les transgressions de cette loi fussent demeurées impunies? Et la condition sensible et palpable de l'alliance où ils étaient entrés, a-t-elle jamais été vaine, soit à leur avantage, soit à leur préjudice. Ici les faits parlent. Qu'on consulte l'histoire des révolutions du peuple israélite, on le verra glorieux et triomphant, autant de fois qu'il a été juste et vertueux. On le trouvera criminel, avant de devenir malheureux.

Voilà sans doute une prophétie aussi admirable qu'elle est singulière. Ce n'est pas un événement unique, des faits détachés, quelques traits de la vie d'un homme qu'on prédit. De telles prédictions seraient néanmoins divines. C'est la suite entière des événements qui devaient arriver à une grande nation, pendant plusieurs siècles. Avec quelle certitude et quelle clarté devait lire dans l'avenir le prophète qui se rendait ainsi garant du bonheur ou du malheur de cette nation!

Il n'examine pas le climat et les autres qualités du pays qu'elle allait conquérir, pour juger si elle y trouvera la force, la santé, et une longue vie; si elle y recueillera avec abondance tous les biens que la terre produit. Il décide sans balancer, que, malgré la douceur et la pureté de l'air, malgré la fertilité naturelle du terroir, des maladies cruelles et contagieuses frapperont les Israélites infidèles; que le froid, le chaud, la faim et la pauvreté, les désoleront; que le ciel sera pour eux d'airain, et la terre de fer; qu'ils n'auront ni des bestiaux pour la culture de leurs champs et pour leurs besoins personnels, ni des enfants pour être leur consolation et leur soutien ; qu'au contraire ils seront exempts de tous ces maux, et comblés de toutes sortes de biens, lorsqu'ils observeront la loi divine. Il n'étudie pas leurs usages, leurs inclinations, leurs mœurs, pour conjecturer que le gouvernement monarchique succédera parmi eux au républicain, qu'ils étendront d'abord leur puissance par des con

S. S. XVII.

quêtes; mais qu'enfin leur courage venant à s'amollir, les divisions intestines à s'accroître, tout l'ordre et toute la police de l'état à se confondre, ils succomberont sous le poids de leur propre grandeur. Moïse, supérieur à tous ces raffinements de politique (1), annonce nettement aux Hébreux qu'ils auront un roi, sans leur marquer par quels degrés ils passeront de la liberté à la sujétion. Mais sous quelque forme de gouvernement qu'ils vivent, quelle que soit la valeur et l'habileté de leurs chefs, que leurs armées soient faibles, ou nombreuses et aguerries, il ne voit jamais pour eux qu'un seul moyen de réussir, qui est la crainte et le service du Seigneur : il ne connaît qu'un seul obstacle insurmontable à leur félicité temporelle, qui est l'idolâtrie et la corruption des mœurs. Une prévoyance humaine n'aurait pas inspiré de pareils discours, que toute l'histoire du peuple israélite a exactement vérifiés. Il fallait avoir été admis dans les secrets conseils de celui dont le pouvoir suprême égale la science infinie, et qui peut prédire avec assurance ce qu'il veut faire et ce qu'il est en état d'exécuter.

Encore une fois ces prophéties, dont les Israélites voyaient sans cesse l'accomplissement, devaient leur suffire. Cependant Dieu ne s'en est pas contcnté. Il leur a envoyé une suite de prophètes qui leur arnonçaient en détail les grands événements qui devaient arriver aux rois et à la nation. Depuis Samuel jusqu'à Malachie, c'est-à-dire, depuis l'établissement de la royauté jusque peu après le retour des Juifs dans la Terre promise, il ne s'est rien passé de remarquable dans Israel, qui n'ait été prédit. Il semble que Dieu eût choisi le temps où l'autorité royale inspirait plus de respect et de terreur, pour susciter des hommes qui, par la hardiesse de leurs prédictions menaçantes, faisaient trembler les rois mêmes sur leurs trônes.

Ainsi Samuel apprit (2) à Saül que le royaume lui serait enlevé, et que son successeur était déjà choisi. Ainsi Nathan assura (3) à David que l'enfant né de son commerce adultère avec Bethsabée mourrait; et Gad, un autre prophète (4), fit connaître à ce même prince le fléau dont Dieu punirait son orgueil. Ainsi Salomon (5) fut-il averti que ses idolâtries et ses coupables amours scraient punies par le démembrement du royaume, et que sa postérité ne régnerait que sur la tribu de Juda. Tous les rois de Jérusalem ont eu de inême des censeurs intrépides de leurs déréglements, qui les instruisaient par avance des malheurs qu'ils devaient éprouver. Dieu ne laissait pas ignorer aux rois d'Israël, quoique idolâtres et schismatiques le sort qui les attendait. Le même prophète Ahias, qui` avait (6) prédit à Jéroboam son élévation future, lui annonça (7) la mort prochaine d'un de ses enfants, et (1) Deuter. 17, 14, et seq. (2) 1 Reg. 13, 14. (3) 2 Reg. 12, 14. (4) Ibid. 24, 15.

(5) 3 Reg. 11, 11, 12, 13.

(6) 3 Reg. 11, 51.

(7) Ibid. 14, 10.

la destruction entière de toute sa famille. Jéhu fit (1) la même prédiction à Baasa, l'ennemi de la race de Jeroboam, et l'imitateur de ses crimes.

Mais, lorsque l'idolâtrie et tous les désordres furent montés à leur comble dans le royaume d'Israël, sous le règne de l'impie Achab et de ses enfants, Dieu suscita les deux plus grands prophètes qui eussent encore paru dans son peuple, Élie et Élisée. Leurs prophéties sont trop connues pour qu'il soit nécessaire de les rapporter, et leur détail nous mènerait trop loin. Telle était la bonté de Dieu envers une nation ingrate et perfide, qu'il ne cessait de la rappeler à lui par d'éclatantes leçons. Il ne voulait pas qu'elle pût douter de son attention sur elle: et comme s'il eût craint qu'elle n'oubliât les assurances générales que Moïse lui avait données, il avait soin de la prévenir à chaque occasion de la récompense destinée à sa fidélité, et du supplice que ses péchés lui devaient attirer.

Pour convaincre les incrédules par ces prophéties, il faut leur prouver qu'elles sont antérieures aux événements prédits. Peuvent-ils en douter, s'ils font quelque réflexion sur l'authenticité des monuments d'où ces prophéties sont tirées? Ce sont les quatre livres des Rois, et les deux des Paralipomènes. Je me sers des noms consacrés par l'usage de l'Église catholique; et je n'ai pas besoin d'avertir que ces livres ont d'autres titres parmi les Juifs. Ce peuple les a toujours regardés comme des registres exacts et des mémoires véritables de l'histoire de ses ancêtres, depuis qu'ils ont commencé à être gouvernés par des rois, jusqu'à la captivité de Babylone. Qu'on ne dise pas que les Egyptiens avaient du temps d'Hérodote des histoires fabuleuses de leurs aïeux que d'autres nations en ont eu de même, et que les Chinois en ont encore dont la fidélité n'est pas plus certaine. Il y a des différences essentielles entre ces histoires et celle que nous citons.

1o Elle a une date précise et incontestable. Il n'est pas possible d'en reculer la composition, ni même la publication au-dessous des temps d'Esdras. Personne n'ignore que c'est alors que fut dressé le fameux canon des Juifs, c'est-à-dire, le recueil des livres qu'ils respectaient comme divins. Il en contenait vingt-deux. Ceux dont nous parlons y étaient compris. Le refus qu'ils ont fait depuis de donner place dans ce recueil aux livres composés ou publiés dans des temps plus récents, prouve que tous ceux qu'on y voit aujourd'hui existaient dès lors, et leur étaient connus. Ce fait, attesté par la tradition des Juifs et des Chrétiens, est si constant, qu'il a donné lieu à quelques incrédules d'attribuer à Esdras la supposition des livres renfermés dans le Canon des Juifs.

Or, sur cette date évidente, je remarque d'abord que, depuis la captivité de Babylone et le temps d'Esdras, en remontant jusqu'à celui de Samuel, il n'y a aucun vide dans toute l'histoire du peuple israélite, telle que la décrivent les livres des Rois et ceux des

(1) 3 Reg 16, 3.

Paralipomènes. On y voit, à commencer par David, et à finir par Sédécias, ou, si l'on veut, par Joachim, qui lui survécut, la filiation suivie et la succession nor interrompue de tous les princes qui ont régné sur les Juifs, leur âge quand ils parvinrent à la couronne, le genre de leur mort, le temps et les principaux événements de leurs règnes. Ce qui reste depuis la captivité de Babylone jusqu'à l'arrivée d'Esdras à Jérusalem, et même jusqu'à l'entier rétablissement de cette ville par Néhémie, est rempli avec la même continuité dans les livres saints. C'est déjà un préjugé pour la vérité d'une histoire, que de n'y point trouver des kacunes, qui supposent que l'historien, instruit de ce qui l'a immédiatement précédé, n'a eu d'autres secours pour des temps plus reculés que des traditions populaires, ou des mémoires tronqués et peu corrects.

Je remarque ensuite sur la même date, que l'espace d'environ six cents ans, qui est entre le sacre de Saül par Samuel, et le temps d'Esdras n'est pas assez long, pour soupçonner que ce dernier ait débité des fables aux Juifs, à la faveur d'une antiquité inconnue. Le souvenir des faits racontés dans les livres des Rois et dans les Paralipomènes devait être d'autant moins effacé parmi les Juifs, lorsqu'Esdras écrivit, qu'ils étaient plus singuliers par eux-mêmes et plus intéressants pour toute la nation. Combien d'histoires profanes anciennes et modernes remontent à des temps plus éloignés? Qui doute, par exemple, que Tite-Live, dont l'histoire embrasse un plus long espace, n'ait exposé fidèlement aux Romains les principales actions de leurs ancêtres? Qui accusera sérieusement d'imposture les historiens français, sous prétexte que, depuis Clovis jusqu'à nos jours, il y a un intervalle de plus de douze cents ans? On sait d'ailleurs que la coutume des peuples d'Orient était de transcrire dans les archives publiques les plus remarquables événements, à mesure qu'ils arrivaient ; et l'on verra dans un moment la preuve certaine que cette coutume s'observait parmi les Hébreux.

Il résulte de tout cela, que si l'on ne veut pas convenir, avec d'habiles interprètes de l'Écriture, que les livres des Rois et des Paralipomènes ont eu des auteurs contemporains, si l'on veut absolument les attribuer à Esdras, il faut dire qu'il les a composés sur des mémoires fidèles qui avaient passé jusqu'à lui, et jusqu'aux Juifs de son temps: en sorte qu'il ne leur a rien appris de nouveau; et qu'il n'a fait autre chose qu'abréger, mettre en ordre, et réduire en corps d'histoire ces registres détachés et plus étendus, où ils lisaient auparavant ce qui était arrivé à leurs pères. En effet, rien de plus commun, dans les Paralipomènes, que de renvoyer à d'autres ouvrages où ce que l'on raconte se trouvait dans un plus grand détail. Tantôt on cite (1) le livre de Samuel, celui de Nathan, et le volume de Gad, où les premières et les dernières actions de David sont rapportées. Tantôt ce sont (2) ies dis

(1) 1 Paralip. 29, 29. (2) 2 Paralip. 9, 29.

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cours de Nathan, les livres d'Ahias, et la vision d'Addo contre Jeroboam, où l'on voit toute l'histoire de Salo mon. L'auteur des Paralipomènes, en parlant des rois de Juda successeurs de ces deux princes, appuie souvent sa narration du témoignage d'autres prophètes contemporains qui avaient écrit les mêmes choses. Mais l'auteur des quatre livres des Rois allègue constamment pour ceux qui ont régné sur les dix tribus séparées, le Journal historique des rois d'Israël; et, pour ceux qui ont régné à Jérusalem, le Journal historique des rois de Juda. Voilà ces registres publics, dont nous parlions tout à l'heure, où les événements les plus importants étaient consignés comme dans un dépôt inviolable. Voilà les sources où a puisé l'historien que nous opposons aux incrédules.

Les Juifs et les Chrétiens croient unanimement que dans le travail de sa rédaction, il a été conduit par une lumière divine, qui l'a préservé des erreurs légères, dont les histoires même les plus exactes ne sont pas exemptes. Mais, dans la dispute présente avec les incrédules, nous n'avons pas besoin de cette inspiration. Il nous suffit actuellement qu'ils reconnaissent dans les histoires, qui contiennent des prophéties, les traits d'une fidélité ordinaire. J'évite si soigneusement tout ce qui peut souffrir avec eux quelque difficulté, que je me suis fixé volontairement à la date certaine ct incontestable d'Esdras qui n'a cependant plus de vraisemblance qu'à l'égard des Paralipomènes, le livre des Rois paraissant avoir une date plus ancienne. Celle dont nous nous contentons, et que les incrédules ne peuvent révoquer en doute, assure à ces livres historiques une certitude, qui ne permet pas de les confondre avec des histoires fabuleuses. Premier caractère qui les distingue.

2o Quel eût pu être le motif de la supposition du livre des Rois et des Paralipomènes? Les fables adoptées par quelques nations, n'ont été inventées que pour leur faire honneur. Les Juifs ont-ils pu se figurer que les histoires, dont il s'agit, fussent des monuments glorieux pour leur nation? On y voit à la vérité un soin particulier de la Providence sur elle; mais en même temps une ingratitude, une révolte, une opiniâtreté continuelle et indomptaole de sa part. On y voit quelques rois belliqueux, sages, heureux dans leurs entreprises; mais un nombre beaucoup plus grand de princes souillés par l'idolatrie, par des rapines, par des cruautés, par des crimes de toute espèce. On y voit un bonheur de quelques années, pour le royaume entier d'Israël, sous David et sous Salomon; une prospérité encore plus courte et plus mélangée, pour le seul royaume de Juda, sous Josaphat et sous Ezéchias; quelques victoires sur les peuples étrangers, toujours remportées par une protection visible du Ciel, sans qu'on puisse les attribuer à la bravoure des troupes, ni à la capacité des généraux. Tout le reste de cette histoire est rempli par les plus funestes événements, par des guerres civiles, par des batailles perdues, par des villes prises et saccagées, par des campagnes dévas-"

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tées, par des servitudes humiliantes imposées aux rois d'Israël et de Juda. Et la catastrophe de cette sanglante tragédie est la ruine de ce temple superbe si cher aux Juifs, la destruction de Jérusalem leur capitale, la déportation et la captivité des deux branches de la nation dans une terre étrangère. Y a-t-il là de quoi flatter l'amour-propre et la vanité des Hébreux? L'auteur de la prétendue supposition a-t-il bien entendu les intérêts de ses compatriotes? Et s'il s'est trouvé dans cette nation un imposteur assez malhabile, pour croire l'honorer par ce roman injurieux, comment n'a-t-elle pas réclamé ? Comment s'est-elle laissé persuader que des aventures imaginaires se conservaient au milieu d'elle par une tradition constante et uniforme? Comment a-t-elle cru et publié que ses aïeux étaient les plus grossiers et les plus criminels de tous les hommes? que plusieurs de leurs rois étaient des tyrans aussi méprisables qu'odieux ? qu'enfin le Seigneur, lassé des abominations qu'ils commettaient dans la Terre-Sainte, les avait punis par l'exil et par l'esclavage? Ce n'est pas ainsi que les Egyptiens traitaient la mémoire de leurs ancêtres. Aucune nation n'a jamais pensé à se relever ellemême par de semblables contes, et les livres historiques des Juifs diffèrent essentiellement par ce second caractère des annales fabuleuses.

Dès qu'il est prouvé que les livres des Rois forment une histoire exacte et fidèle, il n'est plus douteux que les prophéties qu'elles contiennent, n'aient précédé les événements prédits. Ce n'étaient pas des Prophéties faites dans l'obscurité, qu'on a pu supposer après l'événement, et qu'un historien même véridique peut adopter sur la foi d'une multitude séduite.

Les prophètes allaient trouver les rois au milieu de leur cour, leur parlaient à la tête de leurs armées, s'expliquaient devant de nombreuses assemblées, écrivaient des lettres circulaires, figuraient par des actions sensibles, et qui duraient long-temps, les événements qu'ils prédisaient. Elie (1) avertit publiquement Achab que pendant plusieurs années le ciel serait fermé, et qu'il ne tomberait ni rosée ni pluie. Tout Israël sut cette prédiction. Les royaumes même voisins en furent instruits par les perquisitions (2) que fit faire Achab, pour découvrir la retraite d'Elie. La sécheresse dura trois ans et demi. Il avait également prédit que sa parole seule ouvrirait le ciel et attirerait la pluie. Il (3) accomplit cette seconde partie de sa prédiction en présence d'Achab et d'un peuple immense qu'il avait convoqué sur le Mont-Carmel. Que dirai-je de la prédiction que le même prophète fit à Achab devant toute sa cour (4), dans la vigne de Naboth qu'il venait d'usurper? Il lui annonça que les chiens lécheraient son sang dans le même lieu, ой ils avaient léché celui du malheureux Naboth, que sa postérité jusqu'aux derniers restes serait anéantie, et

(1) 3 Reg. 17, 1.
(2) 3 Reg. 18, 10.
(3) Ibid. 45.

3 Reg. 21, 19, 20, 21, 22, 23.

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que le cadavre de Jésabel, son épouse, serait évoré par les chiens dans le champ de Jezrahel. La prephé tie fut accomplie dans tous ses points; et Jéhu qui en avait été témoin, lorsqu'il n'était encore qu'officier d'Achab, en (1) reconnut l'accomplissement, quand il devint l'instrument des vengeances divines exercées sur la race d'Achab et sur Jésabel.

Les prophétics d'Elisée, pour ne point parler iei de tant d'autres, n'étaient pas d'une moindre notoriété. Et s'il nous était permis d'anticiper ce que nous avons à dire sur les prophètes qui ont écrit eux-mêmes leurs prédictions, qu'y avait-il de plus éclatant, que la nudité du prophète Isaïe, cet homme du sang royal et si connu dans Jérusalem, qui marcha dépouillé de ses vêtements au milieu de cette ville (2) pour faire connaître, comme il l'expliqua tout de suite (ce que Dieu lui avait révélé), que dans trois ans le roi des Assyriens einmènerait d'Egypte et d'Ethiopie une foule de captifs qu'il traînerait ainsi nus et dépouillés? Quoi de plus capable de réveiller l'attention publique, que les chaînes que Jérémie portait (3) à son cou à la face du peuple Juif, pour représenter celles dont ce peuple serait chargé par les Chaldéens, ses vainqueurs? Quoi de plus remarquable que les chaines dont il fit (4) présent aux ambassadeurs envoyés par les rois voisins, pour féliciter Sédécias, roi de Juda, sur son avénement à la couronne? Il les exhorta d'envoyer ces chaînes à leurs maitres, en leur déclarant de sa part, que leurs états seraient conquis par Nabuchodonosor, roi de Babylone, et demeureraient asservis à lui, à son fils, et à son petit-fils. Quelle dut être la surprise de tous ces princes, qui croyaient leur puissance si bien affermie! Avec quelle indignation et quel mépris reçurent-ils cet étrange présent d'un prêtre juif qui se donnait pour prophète! La prophétie u'en fut pas moins vérifiée. Nabuchodonosor les subjugua tous; et leur assujettissement à l'empire de Babylone dura jusqu'à Balthasar le dernier de ses rois, et petit-fils de Nabuchodonosor.

Les prophéties d'Ezéchiel étaient annoncées par des signes encore plus frappants. Tantôt il lui était ordonné (5) de graver sur une brique le plan de Jérusalem et le dessin de son siége, et d'ajouter à celle représentation (6) des marques extérieures de l'inflexible colère de Dieu contre cette ville. Tantôt Dieu lui commandait de demeurer couché sur le côté gauche durant 390 jours, et ensuite sur le côté droit pendant 40 jours; de se nourrir dans une situation si pénible, et pendant ce long espace, d'un pain souillé et distribué avec mesure; et de n'avoir d'autre breuvage que de l'eau en petite quantité (7). Sans exami

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ner avec les interprètes les différentes significations qu'on peut donner à ce nombre mystérieux de jours, il est certain du moins que l'état du prophète désignait la disette de pain et d'eau à laquelle les Israélites seraient réduits, et la nécessité où ils se verraient d'apaiser une faim dévorante (1) par les plus impurs aliments. D'autres fois le prophète devait en plein jour, et en présence de tout le peuple, faire emballer précipitamment ses effets, percer aux yeux des mêmes témoins la muraille de sa maison, sortir sur le soir par cette brèche, et se faire emporter, le visage couvert d'un voile, par des hommes qui le chargeaient sur leurs épaules (2). Le peuple assemblé autour d'Ezéchiel et de sa maison ne comprit rien à une action si extraordinaire. Mais le prophète lui dit clairement que c'était ainsi que Sédécias, roi de Jérusalem, au moment que la ville serait prise, s'échapperait de son palais par la brèche d'une muraille, que ses gens l'emporteraient la nuit sur leurs épaules, et lui mettraient un bandeau sur les yeux, pour qu'il ne fût pas effrayé du précipice où on le ferait descendre. Plus ces signes étaient surprenants par leur singularité, quelquefois même par leur durée, plus ils constataient, devant le peuple nombreux qui les voyait, l'existence de la prophétie : moins ils laissaient lieu de soupçonner après l'événement qu'elle eût été controuvée, pour faire honneur au prophète d'une fausse et chimérique inspiration.

J'avoue qu'en matière de prédictions on ne peut exiger avec trop de rigueur la preuve qu'elles ont précédé les événements. Car tout le merveilleux de la prophétie consistant à prédire ce qui n'est pas encore arrivé, et ce qui peut ne pas être, la merveille disparaît, si l'on n'est pas bien assuré que la prophétie a été faite avant l'événement. Ainsi lorsqu'on soutiendra qu'un événement a été prédit, et qu'on n'en apportera d'autre preuve qu'une prophétie publiée après coup et sortie subitement des ténèbres où elle avait été ensevelie jusqu'alors, les esprits solides se défieront d'une telle prophétie, et demanderont au moins qu'on supplée à son obscurité précédente, par des témoignages incontestables de sa vérité. Il n'en est pas ainsi des prédictions que nous avons alléguées. Elles étaient connues avant leur accomplissement. Les rois, les grands, la nation qui en étaient prévenus, attendaient avec impatience ce qui leur arriverait. Il était également impossible de leur persuader, et qu'on leur avait prédit autre chose que ce qui leur était arrivé, et qu'il leur arrivait autre chose que ce qui leur avait été prédit.

Achab et Josaphat (3) assis sur leur trône, environnés de toute leur cour dans un lieu où tout le peuple de Samarie était rassemblé, interrogent le Seigneur sur le succès de leurs armes contre les Syriens. Quatre cents faux prophètes ne leur annoncent que des

(1) Sic comedent filii Israel panem suum pollutum inter gentes ad quas ejiciam eos. Ibid. 13. (2) Ezech. 12, 3 et seq.

(5) 5 Reg. 22.

victoires. Le scul Michée assure que l'armée d'Israël destituée de son chef, se dispersera sur les montagnes, comme un troupeau qui n'a pas de pasteur. Voilà bien des témoins de sa prophétie, intéressés à la trouver fausse. Il est outrageusement maltraité par un des prophètes flatteurs. Achab indigné le fait enfermer dans une prison, pour le punir de mort, au retour de la campagne qu'il va commencer. Qui put ignorer alors dans tout Israël et dans tout Juda une prophétie si éclatante? Mais qui put douter qu'elle ne füt divine, lorsqu'on vit Achab, malgré toutes les précautions qu'il avait prises pour se déguiser, frappé dans le combat d'une blessure dont il mourut le anème soir, et son armée dispersée, sans que les Syriens, profitant de leur avantage, la poursuivissent, comme si tout était fini par l'accomplissement de la prophétie?

Le roi de Juda, le roi d'Israël, et le roi d'Idumée se rendent (1) chez Elisée, qui n'a d'autre titre pour abaisser ainsi devant lui trois têtes royales, que d'avoir été le serviteur d'Elie. Ils le conjurent de consulter Dieu sur la disette d'eau qui met leurs armées réunies en danger de périr. Elisée leur déclare que ce n'est ni le vent, ni la pluie, qui leur procurera le soulagement qu'ils désirent; mais que s'ils creusent des fossés dans le lit desséché d'un torrent, ces fo sés seront tout-à-coup inondés d'une eau qui les désaltérera, eux, leurs troupes, et les bêtes qui les suivent. Il ajoute que ce prodige sera suivi d'une victoire complète sur les Moabites, leurs ennemis. Ainsi les prophètes savaient également prédire des prospérités et des malheurs. Comme ils prédisaient les uns sans emportement, ils annonçaient les autres sans flatterie. La réponse que fit d'abord Elisée (2) au roi d'lsraël, fils de l'impie Achab, prouve assez qu'il n'avait pas dessein de lui plaire. Mais de quelque nature que fussent leurs prophéties, elles portaient toujours avant leur accomplissement un caractère d'évidence et de notoriété qui écarte tout soupçon de mensonge: et l'authenticité démontrée des livres historiques qui contiennent ces prophéties, entraîne nécessairement Ja démonstration de leur divinité.

Je ne puis me dispenser, avant de finir le chapitre des livres historiques, de remarquer dans ces livres deux prophéties d'autant plus convaincantes pour les incrédules, qu'il y eut un fort long intervalle entre la prédiction et l'événement.

La première est l'imprécation que prononca Josué, après avoir brûlé la ville de Jéricho (3). Maudit soit devant le Seigneur, s'écria-t-il, quiconque la rebâtira. Qu'il perde l'aîné de ses enfants, lorsqu'il en jettera les fondements; et le dernier, lorsqu'il y fera mettre les portes. Cinq cents ans après cette imprécation, l'événement prouva qu'elle était prophétique. Sous le règne d'Achab, un Israélite citoyen de Béthel, ignorant

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ou méprisant cet oracle (1), entreprit de rebâtir Jéricho. Abiram l'aîné de ses enfants mourut à la première pierre, et Ségub le dernier de tous au moment que les portes furent posées.

M. Huet conjecture (2) que cette malédiction de Josué a servi de modèle à ces conquérants des temps anciens, qui maudissaient, suivant le témoignage de Strabon, ceux qui oseraient rebâtir les villes qu'ils avaient démolies. Le savant prélat conclut de cet usage l'antiquité du livre de Josué. Mais quelque force qu'on veuille donner à cette preuve, il est certain que si dans le paganisme on a connu Josué, et qu'on ait voulu l'imiter, il n'a pas dépendu de ses imitateurs de réaliser comme lui leurs ímprécations. Il fallait être prophète, pour annoncer avec tant de précision le châtiment qui serait exercé sur celui qui violerait sa défense; et l'antiquité de cet oracle s'établit assez d'elle-même, indépendamment d'une coutume ob servée avant le siége de Troie. Josué n'est pas moins l'auteur du livre qui porte son nom, que Moïse du Pentateuque. Ces deux vérités sont fondées sur les mêmes motifs; les difficultés semblables, qu'on oppose à l'une et à l'autre, sont résolues de la même manière. Il est du moins indubitable que le livre de Josué, cité dans les livres des Rois, existait avant eux. Ainsi, soit que ce dernier ouvrage ait été composé par des auteurs contemporains aux événements qu'il raconte, soit qu'il ait été rédigé sur des mémoires des mêmes temps (l'alternative est inévitable, nous l'avons prouvé plus haut), la prophétie de Josué, vérifiée dans toutes ses circonstances, était publique avant son accomplissement.

La seconde prophétie est celle qui fut faite à Jéroboam devant l'autel, qu'il avait érigé à Béthel, et en présence de tous les Israélites assemblés pour la solemnité qu'il avait indiquée (3). Autel, autel, s'écria un homme de Dieu, voici ce que dit le Seigneur : !! naitra de la race de David un prince nommé Josias, qui égorgera sur toi les prêtres qui t'encensent, et brilera sur toi des os d'hommes. Tout est admirable dans cette prophétie. L'événement qu'elle prédit ne devait arriver et n'arriva effectivement qu'après plus de trois cent cinquante ans. Le prince, successeur de David et destructeur de l'autel idolâtre de Béthel, est appelé par son propre nom. Dans le temps que Jéroboam vient de fonder un nouveau royaume, et de réduire la maison de David aux deux tribus de Juda et de Benjamin, on lui annonce que cette maison exercera sa puissance dans les villes qu'il lui a enlevées, ct jusque dans le siége du culte schismatique, qu'il a opposé au culte du vrai Dieu. On lui marque les différentes espèces d'ignominies, dont son ouvrage sera couvert. Les prêtres immolés sur cet autel, dont ils feront le service: des os d'hommes brûlés sur ce même autel, ce qui était, parmi les llébreux, le comble de la souillure et de la profanation. Plus celle (1) 3 Reg. 16, 34.

Demonst. Evang. Prop. 4. de lib. Josue. (5) 3 Rcg. 43, 4, 2.

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