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avant sa naissance, et qui annonce le renversement de son trône?

La guerre de Saul contre les Amalécites touche de trop près l'époque à laquelle nous nous sommes attachés, pour qu'il soit permis de supposer que l'oracle qui l'a prédite a été forgé après l'événement. Dès qu'il est indubitable que la publication du Pentateuque a précédé le schisme des dix tribus, il faut nécessairement la faire remonter au-dessus du règne de Salomon, de David, et même de Saül. J'ai déja observé que si Jeroboam, auteur de ce schisme, n'avait pas trouvé l'autorité du Pentateuque affermie par une possession immémoriale, il était trop intéressé à désabuser ses nouveux sujets de la croyance qu'ils avaient aux livres de Moïse, pour ne pas leur en montrer la supposition.

Mais que répondront les incrédules à la captivité des Cinéens prédite également par Balaam, et attribuée dans sa prophétie aux Assyriens (1)? Les Cinéens, peuple associé aux Israélites, et habitant au milieu d'eux, ne furent réduits en esclavage que longtemps après le schisme des dix tribus. La partie de ce peuple établie (2) dans le territoire de la tribu de Nephtali fut enlevée avec cette tribu par Théglathphalazar, roi d'Assyrie (3); et l'autre partie, qui n'avait pas abandonné la première habitation (4) qu'on lui avait assignée parmi les enfants de Juda, subit comme eux la loi de Nabuchodonosor, et passa de la Judée dans les états de ce conquérant. Voilà une prophétie sans équivoque, dont les plus opiniâtres incrédules doivent avouer que l'accomplissement est postérieur à sa publication.

Je consens qu'ils la comptent pour peu de chose. En voici une autre du même prophète plus frappante encore par son évidence. Ce n'est plus seulement d'un peuple obscur, et qui n'est connu que par l'Ecriture sainte, que je vais leur parler; c'est des événements les plus mémorables dans l'histoire, et qui concerne des nations dont tout l'univers connaît la destinée. Qui croirait que les guerres des Romains contre les rois de Syrie et contre les Juifs se trouvassent dans le Pentateuque, c'est-à-dire dans un ouvrage composé, selon nous et dans la vérité, sept cents (5) ans avant la fondation de Rome, et près de trois cents ans au moins, suivant une date que les incrédules, s'ils n'ont pas renoncé à la raison, ne peuvent contester. Car la fondation de Rome, qu'on rapporte communćment à l'année 753 avant l'ère chrétienne, est postérieure de sept siècles à l'âge de Moïse, et d'environ trois siècles au règne de Salomon. Comment Balaam,

(1) Vidit quoque Cinæum, et assumptâ parabola, ait....: Si in petrâ posueris nidum tuum, et fueris electus de stirpe Cin, quamdiù poteris permanere? Assur enim capiet te. Numer. 24, 21, 22.

(2) Judic. 4, 11.

(3) 4 Reg. 15, 29.

(4) Judic. 1, 16.

(5) Nous suivons dans cette époque et dans la suivante le calcul du texte hébreu adopté par la Vulgate. Selon le calcul des Septante et du texte samaritain, il faudrait retrancher cent ans.

que Moïse fait parler, a-t-il pu prévoir que des armées venues d'Italie (1) traverseraient les mers pour attaquer la Syrie, en détruiraient l'empire, subjugueraient dans la suite les Hébreux; mais qu'enfin ces formidables vainqueurs périraient eux-mêmes?

La première prédiction s'est accomplie par degrés. Son accomplissement commença lorsque les Romains commandés par les deux Scipions, ayant passé pour la première fois le détroit de l'Hellespont, qui sépare l'Europe de l'Asie, vainquirent Antiochus-le-Grand dans la bataille de Magnésie, et le forcèrent après cette victoire d'abandonner les pays qu'il possédait en-deçà du mont Taurus. L'empire syrien, affaibli par ce désastre, ne fit plus que pencher et s'avancer vers sa ruine, jusqu'à ce qu'enfin Pompée l'anéantît, en réduisant la Syrie en province romaine, et en dépouillant de la couronne Antochius-l'Asiatique, le dernier des princes Séleucides. Alors cette partie de l'oracle de Balaam reçut son parfait accomplissement. Sous le même Pompée, les Hébreux commencèrent à éprouver la supériorité des armes romaines. Le trône où ils avaient fait monter les Asmonéens, princes tirés de leur nation, fut ébranlé par ce général, qui venait de conquérir la Syrie. Mais bientôt après il fut renversé par Hérode, allié des Romains, et secouru de leurs troupes. Les Juifs, déja tributaires des Romains, et assujétis sous Hérode à une domination étrangère, virent après la mort de ce prince leur patrie réduite en province romaine. C'en était assez pour vérifier à leur égard la prophétie de Balaam; mais elle eut aux yeux de l'univers un accomplissement plus manifeste, lorsque Titus, à la tête d'une armée romaine, détruisit Jérusalem jusqu'aux fondements, fit un carnage horrible des Juifs, et chassa pour toujours de la Palestine cette malheureuse nation. Les Romains auteurs de tant de maux, ont subi le sort que Balaam leur avait prédit; et il n'est pas nécessaire d'ajouter comment la chute de leur empire a mis le dernier sceau à l'exécution de sa prophétie.

Arrêtons-nous un moment sur ces étonnantes prédictions. Qui se fût attendu, lorsque Balaam peignait sous des images si pompeuses la valeur invincible du peuple d'Israël, sa fidélité au culte de Dieu, ses conquêtes, la multiplication infinie de ses descendants (2), que tous ces éloges se termineraient à la prédiction de sa ruine? Qu'on ne dise pas que cet avare prophète voulait plaire au roi de Moab, l'ennemi des Israélites. L'infortune dont il les menace est pour un temps si éloigné, qu'il s'écrie dans l'admiration où le jette ce prodigieux éloignement: Hélas! qui sera en

(1) Venient in triremibus de Italiâ. Superabunt As. syrios, vastabuntque Hebræos, et ad extremum ipsi peribunt. Numer. 24, 24.

(2) Quis dinumerare possit pulverem Jacob, et nôsse numerum stirpis Israel ?... Non est idolum in Jacob, nec videtur simulacrum in Israel. Dominus Deus ejus cum eo est, et clangor victoriæ regis in illo... ecce populus ut leæena consurget, et quasi leo erigetur. Non accubabit donec devoret prædam et occisorum sanguinem bibat. Numer. 23, 10, 21, 24.

vie, lorsque Dieu fera toutes ces choses (1)? Avant ce temps, Moab, Edom, Amalec seront domptés par Israël. Il dévorera toutes les nations qui l'entourent ; il brisera leurs os, et les percera de ses flèches. Balaam ne parle pas de la servitude où les Israélites gémirent pendant vingt ans sous Eglon, roi de Moab, l'un des successeurs de Balac, de l'oppression où les tinrent pendant sept ans les Madianites, alliés du même Balac. La merveille eût été moindre, ces événements étant plus rapprochés du temps dans lequel il prophétisait; et il serait plus vraisemblable qu'il a voulu flatter par ses prophéties ceux dont il attendait de riches présents. Mais dans toutes les guerres qu'Israel devait soutenir contre ses voisins, Balaam ne voit que ses victoires. S'il a des prédictions sinistres à faire sur cette nation, il se perd dans la postérité la plus reculée. Il va chercher un peuple qui n'existait pas encore, séparés par des mers immenses des contrées dont les Israélites devaient se rendre maîtres. Voilà le destructeur qu'il leur annonce. Et, portant ses regards dans un avenir encore plus éloigné, il assure que la verge dont Dieu aura frappé Israël sera mise en pièces à son tour. Est-ce une basse adulation qui a dicté de telles prophéties? Est-ce une habile prévoyance qui a deviné des événements qu'il était même impossible de conjecturer ?

Il doit paraître singulier aux incrédules que cette prédiction se trouve dans un livre de tout temps si cher aux Juifs; que le plus ancien et le plus respecté de leurs monuments, le titre selon eux de leur grandeur et de leur prééminence au-dessus des autres nations, ait été pour eux le pronostic de la fin tragique de leur empire. Ce n'est pas le langage de l'imposture. Moïse, ou tout autre auteur du Pentateuque, n'aurait pas imaginé de lui-même un événement si peu honorable à ses concitoyens. Il n'aurait pas inséré dans son ouvrage une prophétie qui devait les révolter. On ne conçoit pas comment, après l'avoir lue, et continuant sans cesse de la lire, ils ont pu conserver une si profonde vénération pour ce livre, si les preuves les plus convaincantes ne les ont pas forcés d'en reconnaître la divinité. Mais laissons ce raisonnement malgré toute sa force. Nous n'en avons pas besoin pour justifier les prophéties que nous venons de citer. Le Pentateuque est certainement plus ancien que le schisme des dix tribus sous Jéroboam. Or les conquêtes des Romains dans la Syrie, l'assujétissement des Juifs à la puissance romaine, le siége et la prise de Jérusalem par Titus, la chute de l'empire romain, sont des événements postérieurs à ce schisme de beaucoup de siècles. Donc le Pentateuque, où ces événements sont prédits, est un livre divin; et les incrédules sont confondus.

Je ne dissimulerai pas, ce que peu d'incrédules m'objecteraient sans doute, que si on lit dans la version Vulgate que les vainqueurs des Assyriens et des Hébreux viendront sur des galères d'Italie, le texte

(1) Heu! quis victurus est quando ista faciet Deus? Numer. 24, 23.

hébreu dit qu'ils viendront de Céthim, terme que notre interprète a rendu par celui d'Italie. Un témoignage évident de sa fidélité à cet égard est d'abord le consentement unanime des anciens Targumistes ou paraphrastes juifs qui traduisent de la même manière le mot de Céthim. Quelques-uns nomment même les Romains, d'autres nomment la Lombardie dans leurs versions, parce qu'ils écrivaient dans un temps (1) où les Lombards régnaient sur la plus grande partie de l'Italie. Céthim dans les versions orientales signifie également les Romains. Il est vrai qu'en rassemblant tous les endroits de l'Ecriture où se trouve le mot de Céthim, on peut croire qu'il était générique dans la langue des Ilébreux, et qu'il exprimait toutes les côtes maritimes de l'occident. Le savant Bochart, qui a recherché avec tant de soin l'origine des premiers peuples répandus dans les différentes parties de l'univers, soutient néanmoins que Céthim dans toute l'Ecriture ne veut dire que l'Italie. Nous le lui avouons pour la plupart des textes qu'il cite. Mais l'autorité du premier livre des Machabées, qu'un calviniste ne regarde pas comme canonique, quoique cet écrivain lui rende plus de justice que ses confrères, nous oblige de reconnaître que les Macédoniens ont eu quelquefois chez les Hébreux le nom de Céthéens (2). Dès lors il paraît inévitable de donner au mot de Céthim une signification générique, déterminée ensuite par les circonstances à certaines côtes maritimes de l'Occident plutôt qu'à d'autres. Or il est visible que les armées, qui dans la prophétie de Balaam traversent la mer sur des vaisseaux, ne peuvent venir que des côtes d'Italie. Lorsque les Macédoniens passèrent d'Occident en Orient, ils ne renversèrent aucun empire qui portât le nom d'Assyrie ou de Syrie. Ils rétablirent plutôt un royaume de ce nom. Ils ne firent aucun mal aux Juifs, qu'Alexandre au contraire combla de faveurs. Ainsi ce peuple d'Occident, que Balaam désigne par ces quatre caractères, d'être venu sur des vaisseaux, de dompter les Assyriens, de perdre les Hébreux, et de périr enfin lui-même, est nécessairement le peuple romain; et notre Vulgate a dû traduire dans cet endroit Céthim par l'Italie.

D'autres prophéties du Pentateuque montrent clairement que l'auteur de ce livre n'a pas eu dessein de flatter le peuple auquel il annonçait l'avenir; puissant préjugé en faveur de ses prophéties. Un fourbe, qui débite ses propres visions pour des oracles inspirés, cherche à leur acquérir du crédit auprès de ceux qui l'écoutent. S'attirera-t-il leur attention et leur créance en leur faisant les reproches les plus amers, en leur prédisant des calamités et les châtiments inouis des crimes dont il assure qu'ils se rendront coupables? Ce serait là un nouveau genre d'imposture dont l'histoire ne fournit point d'exemples,

(1) Voyez le Phaleg de Bochart, chap. 5 du troisième livre de la première partie.

(2) Alexander Philippi Macedo... egressus de terrâ Cethim, Darium regem Persarum et Medorum percussit. 1 Mach. 1, 1.

incompatible d'ailleurs avec les penchants les plus vifs du cœur humain.

C'est ainsi néanmoins que Moïse a prophétisé. Non content de rappeler sans cesse aux Israélites leurs idolâtries passées, leur ingratitude envers Dieu, leur endurcissement après tant de prodiges opérés en leur présence, il leur déclare qu'après sa mort ils commettront les mêmes iniquités, et qu'ils ne tarderont pas à s'écarter de la voie qu'il leur a tracée (1). Ce n'est pas une conjecture qu'il hasarde; il parle avec une entière certitude, comme un homme qui lit dans l'avenir. Je le sais, dit-il, et je n'en puis douter. L'événement n'a que trop justifié cette prophétie. Qui ne sait que les Israélites, malgré tant d'avertissements, de miracles, et de punitions, ont oublié mille fois le vrai Dieu pour adorer des idoles? Et cela non-seulement avant le règne de Roboam, mais encore longtemps après la séparation des dix tribus, pour revenir toujours à la date que nous nous sommes prescrite. Je veux même qu'on s'imagine pouvoir affaiblir cette preuve d'inspiration par le raisonnement que Moïse avait fait auparavant: Je connais, avait-il dit, votre cœur opiniâtre et incorrigible. Pendant ma vie, et lorsque j'étais à votre tête, vous vous êtes toujours révoltés contre le Seigneur : combien plus après que je serai mort (2) ! Il était pourtant naturel de penser que l'envie qui s'attache ordinairement au mérite et à l'autorité, se trouvant éteinte par la mort de Moïse, les Israélites ne se souviendraient plus que de la sagesse de ses lois, que des services inestimables qu'il avait rendus à la nation, que des prodiges sur la vérité desquels on interpellait le témoignage de leurs yeux et de leurs oreilles. Mais quand Moïse aurait pu deviner humainement l'idolâtrie future des Israélites, pouvait-il prévoir de même les circonstances les plus singulières du supplice que Dieu leur réservait?

Il y a sur ces circonstances deux prédictions remarquables, l'une dans le Lévitique, l'autre dans le Deutéronome: prédictions conditionnelles à la vérité; car Moïse expose d'abord aux Hébreux les biens dont leur fidélité sera récompensée; et ce n'est que dans le cas qu'ils soient rebelles à Dieu, qu'il leur dénonce les maux effroyables qu'ils doivent souffrir. Mais cette seconde condition ayant été malheureusement remplie par les Israélites, la prédiction devient absolue; et lorsqu'on en voit l'accomplissement, on ne peut plus douter que Dieu, ayant révélé à Moïse l'infidélité future de son peuple, ne lui en ait en même temps découvert les suites affreuses. Ces suites ne sont ignorées de personne. Deux fois les Juifs ont été chassés de la Palestine, réduits en esclavage, dispersés en des climats lointains. Deux fois leur pays a été impitoyablement ravagé par des armées victorieuses, leur ville capitale emportée d'assaut et rasée après un siége meurtrier, où ils ont éprouvé les effets de la plus cruelle

(1) Novi quòd post mortem meam iniquè agetis, declinabitis citò de viâ, quam præcepi vobis: et occurrent vobis mala in extremo tempore. Deuter. 31, 29.

(2) Deuter. 31, 27.

tamine. Je n'ai pas besoin d'ajouter que ces deux événements se rapportent, le premier à l'expédition de Nabuchodonosor, roi des Chaldéens, le second à celle de Titus, général, et ensuite empereur des Romains. En lisant avec attention le texte de Moïse, on demeure convaincu que l'une et l'autre de ces expéditions ont été présentes à son esprit. Mais il ne les distingue pas avec la précision d'un critique et la netteté d'un historien. On verra dans la suite les différences qui doivent être entre la narration des choses passées et la prédiction de l'avenir. A cette exactitude près, qu'il n'est pas permis de chercher dans le discours d'un prophète, on trouve dans celui de Moïse, et les principales circonstances par où ces deux événements se ressemblent, et quelques-unes de celles qui sont particulières à l'un ou à l'autre.

Rien n'a plus attaché les Israélites, peuple grossier et charnel, à la mémoire de Moïse, que la promesse qu'il leur avait faite de conquérir la terre de Chanaan; promesse accomplie par l'événement contre toutes les règles de la prudence humaine. Etait-il vraisemblable que tant de peuples, qui ne cédaient pas aux Israélites en courage, et l'emportaient sur eux par le nombre et la force extraordinaire de leurs guerriers, dussent être anéantis par une seule nation, dont ils pouvaient mépriser la faiblesse ? Moïse était si persuadé que cela serait, quoiqu'il n'en dût pas être témoin, qu'il fit un crime aux Israélites sortis avec lui de l'Egypte de s'être livrés à la défiance sur la vérité de cette promesse. Tout arriva comme il l'avait prédit. Le Chananéen fut vaincu, et Israël prit sa place dans la Palestine. Mais si l'on se figure qu'il avait voulu flatter sa nation par cette prophétie, ou même qu'elle a été fabriquée après l'événement, que devaient penser du temps des rois de Juda et de ceux de Samarie, temps où il est plus clair que le jour que le Pentateuque existait déjà, que devaient, dis-je, penser alors les Israélites, en lisant dans ce livre chéri que la délicieuse contrée dont ils se croyaient possesseurs par un décret de Dieu, leur serait un jour enlevée? Cette prédiction devait-elle leur plaire? L'imposteur, qui selon les incrédules aurait supposé sous le nom de Moïse les cinq livres du Pentateuque, pouvait-il espérer de séduire une nation qu'il dépouillait par avance d'un si précieux héritage? Il y a néanmoins réussi; et ce qui doit encore plus surprendre les incrédules, ou plutôt ce qui doit les confondre, c'est que les tristes prophéties de cet imposteur prétendu ont été vérifiées long-temps après la supposition qu'on lui attribue.

Il est prédit aux Israélites au chapitre 26 du Lévitique, que (1) leur terre sera désolée et que leurs en

(1) Disperdam terram vestram, et stupebunt super eam inimici vestri, cùm habitatores illius fuerint. Vos autem dispergam in gentes... Tunc placebunt terræ sabbata sua cunctis diebus solitudinis suæ, quando fueritis in terrâ hostili, sabbatisabit et requiescet in sabbatis solitudinis suæ, eò quòd non requieverit in sabbatis vestris, quandò habitabatis in ca. Levit. 26, 32 33, 34, 35.

nemis seront dans l'étonnement, quand ils se verront les maîtres d'une région si solennellement promise au peuple de Dieu; que pour eux, ils seront dispersés parmi les nations, et que leur terre, qu'ils n'avaient pas laissé reposer pendant les sabbats qui leur étaient prescrits, se reposera malgré eux (1), inculte et déserte durant leur exil. On voit dans ces paroles le châtiment d'une prévarication commise par les Juifs contre un des commandements de leur loi. C'est ce qui prouve qu'elles doivent s'entendre de leur première captivité dans la Chaldée. Car ce terrible fléau fit une si forte impression sur leur esprit, que depuis leur retour dans la Terre-Sainte le gros de la nation observa religieusement la lettre de la loi de Moïse; et dans les temps qui précédèrent la dernière destruction de Jérusalem par les Romains, les Juifs, loin de violer le précepte du sabbat, l'accomplissaient avec une régularité superstitieuse.

la Judée, et en détruisit la capitale de fond en comble.

Une horrible famine affligea Jérusalem pendant ces deux siéges avec cette circonstance commune à l'un et à l'autre, et prédite dans le Deutéronome (1), que les mères, oubliant tous les sentiments de la nature, massacrèrent leurs propres enfants pour se nourrir de leur chair.

Une autre circonstance, qui ne convient qu'à la première captivité des Juifs, est annoncée au chapitre 28 du Deuteronome. Il y est dit que le roi qu'ils se seront choisi sera transporté avec eux au milieu d'une nation qu'eux et leurs pères ne connaissaient pas (2). Cette prophétie fut accomplie, lorsque Nabuchodonosor emmena d'abord à Babylone Joachim, roi de Jérusalem, et ensuite Sédécias, oncle et successeur de ce prince. Les Juifs n'avaient pas de roi quand ils furent domptés par Titus.

Ce même chapitre du Deutéronome fait une peinture encore plus vive des malheurs préparés aux Juifs dans leur double captivité. Il les avertit que Dieu fera venir contre eux, de loin et des extrémités de la terre, une nation dont l'impétuosité sera semblable à celle de l'aigle qui fond sur sa proie, une nation dont ils n'entendront pas la langue, une nation furieuse qui n'épargnera ni les vieillards ni les enfants, qui ne leur laissera ni froment, ni vin, ni leurs troupeaux de bœufs et de brebis, qui renversera ces hautes murailles dans lesquelles ils avaient tant de confiance (3), etc. Tout cela peut s'expliquer à la lettre des Chaldéens conduits par Nabuchodonosor qui ravagèrent les campagnes de la Judée, en prirent toutes les villes, et rasèrent Jérusalem. Mais cette prophétie s'accomplit avec plus d'éclat, et d'une manière plus littérale, dans la guerre que Titus fit aux Juifs. Les Romains furent à leur égard ce peuple appelé de loin et des extrémités de la terre, ce peuple dont la course rapide imita le vol impétueux de l'aigle qu'il portait dans ses étendards, dont les Hébreux n'entendaient pas la langue, plus différente de la leur que celle des Chaldéens, dont la fureur mit à feu et à sang toute

(1) Il est à remarquer que pendant les 70 années de la captivité des Juifs dans la Chaldée, la terre de Chanaan demeura en friche, quelque belle et quelque fertile qu'elle fût. Son inaction et sa solitude, prédites par cet oracle, furent respectées par les nations qui avaient le plus grand intérêt à la peupler et à la cultiver.

(2) Deuter. 28, 36.

Deuter. 28, 49, 50, 51, 52.

La dispersion, dont il est parlé dans le même endroit, ressemble davantage à celle qui est arrivée aux Juifs depuis que les Romains les ont chassés de la Palestine. Suivant cette prédiction, ils devaient être dispersés purmi tous les peuples d'un bout de la terre à l'autre (2). Les incrédules n'ont ici besoin que de leurs yeux pour reconnaître l'accomplissement de cette prophétie.

Enfin le même chapitre ajoute une dernière circonstance qui n'a eu lieu qu'après la seconde ruine de Jérusalem. Les Hébreux, sortis par terre de l'Egypte, où il leur était défendu de retourner, y seront ramenés sur des vaisseaux et vendus, dans cet odieux pays, comme des esclaves, sans qu'il se trouve des marchands pour les acheter (2). Josèphe nous raconte (3) l'événement qui vérifia cette prophétic. Titus, victorieux des Juifs, envoya en Egypte tous les captifs au-dessus de dix-sept ans. Ils y furent vendus pour servir aux plus vils travaux; et leur multitude fut si grande, qu'à peine trouva-t-elle des acheteurs.

Quelle étonnante prophétie dans une telle distance de temps! et lorsqu'on en pénètre l'esprit, combien paraît-elle digne de l'Etre suprême qui l'a inspirée ! C'est comme si Moïse disait aux Israélites: On ne vous a rien défendu avec plus de force que de retourner en Égypte. C'est pour vous une terre maudite. Tout commerce même avec elle est un crime pour vous (4). Un de vos rois se flattera vainement de repousser par le secours de l'Égypte les attaques de Babylone. Cette alliance funeste précipitera sa perte. Ceux de vos descendants (5) qui chercheront un asile en Égypte, contre les avertissements des prophètes, n'y trouveront que la mort. Ne semble-t-il pas que Dieu ait voulu mettre une barrière éternelle entre vous et une terre souillée par une honteuse idolâtrie, où vos pères d'ailleurs ont été si cruellement opprimés. Cependant il viendra un temps où, pour punir vos iniquités montées à leur comble, Dieu vous ramènera malgré vous dans ce même pays qu'il vous

(1) Comedes fructum uteri tui et carnes filiorum tuorum et filiarum tuarum, quas dederit tibi Dominus tuus, in angustià et vastitate quâ opprimet te hostis tuus. Deuter. 28, 53.

(2) Disperget te Dominus in omnes populos à summitate terræ usque ad terminos ejus. Deuter. 28, 64.

3) Reducet te Dominus classibus in Ægyptum per viam de quâ dixit tibi ut eam ampliùs non videres. Ibi venderis inimicis tuis in servos et ancillas, et non erit qui emat. Deuter. 28, 68.

(4) De bello Judaico, lib. 6, cap. 44.
(5) Jerem. 37.

(6) Jerem. 42, 43, 44.

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Interdit aujourd'hui. Vous y retournerez, non par le même chemin de terre que vous avez pris quand vous en sortites, mais sur des vaisseaux, afin que vous ne puissiez échapper aux gardes qui vous conduiront. Arrivés en Égypte, vous y subirez un esclavage plus dur et plus humiliant que celui dont vous avez été délivrés par mon ministère. Parler ainsi, et ne rien dire qui ne soit justifié par l'événement, n'est-ce pas se déclarer avec évidence l'interprète et l'envoyé de Dieu ?

L'auteur du Pentateuque n'a pas seulement prévu l'infidélité des Juifs et la captivité qui en devait être le châtiment. Il a percé plus avant dans la nuit profonde de l'avenir. Il a prédit leur pénitence et leur heureux retour dans l'héritage dont ils devaient être bannis. Je les enverrai, fait-il (1) dire à Dieu, dans une terre ennemie, où ils demeureront jusqu'à ce que leur cœur incirconcis soit touché de honte et de repentir. Ils prieront alors pour leurs iniquités, et je me souviendrai de mon alliance avec Jacob, Isaac et Abraham. Je me souviendrai aussi de la terre qu'ils habitaient. Lorsque vous reviendrez, ajoute-t-il (2) en son propre nom, au Seigneur votre Dieu, et que vous obéirex à ses lois, il vous retirera de l'esclavage, il aura pitié de vous, et vous rassemblera de toutes les nations, parmi lesquelles il vous aura dispersés. Fussiez-vous exilés jusqu'aux pôles du monde, il vous rappellera de votre exil, pour vous introduire de nouveau dans la terre que vos pères ont possédée.

Les incrédules demanderont peut-être où est l'accomplissement de cette prophétie. Ignorent-ils qu'elle a déjà été vérifiée sous le règne et par les ordres de Cyrus? Ce prince, après avoir été l'exécuteur des vengeances de Dieu contre Babylone, annoncées comme nous le verrons par tant de prophéties, accomplit en faveur des Juifs une autre prédiction qui le regardait (3). Il leur permit de retourner dans leur patrie, et d'y rebâtir le temple du vrai Dieu. Un de ses successeurs étendit la grâce qui leur était accordée (4), en leur permettant de rétablir leur ville et de l'entourer de murailles. Jérusalem sortant de ses ruines vit ses enfants accourus de l'Orient se réunir dans son sein. La Judée fut également repeuplée; et ce dernier point de la prophétie fut alors accomplie comme tous les autres.

Si cette prophétie exige un second retour après un second exil, elle n'en fixe pas le temps. La première captivité des Juifs ne devait durer que soixante-dix ans. Des prophéties (5) postérieures à celle de Moïse en avaient marqué le terme. Mais ni Moïse ni les autres prophètes n'ont déclaré combien durerait la seconde captivité. Celui qui en a parlé plus distinctement se contente de dire qu'elle sera (6) longue, et suivie de la conversion des Israélites, non-seule

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ment au Seigneur leur Dieu, mais à David leur roi, c'est-à-dire, au Messie. Les Chrétiens instruits par S. Paul (1) n'attendent pas avec moins d'impatience que les Juifs ce second rétablissement, dont la foi au Messie doit être le principe. Mais ils l'attendent dans un sens plus noble et plus salutaire aux Juifs que ce peuple même. Ils ne bornent pas le bonheur qui lui est destiné à rentrer en possession de la Palestine, à bâtir une nouvelle ville de Jérusalem, à construire un troisième temple pour y offrir des sacrifices sanglants. Ils espèrent que son aveuglement cessera, qu'il tournera les yeux vers le Messie qu'il a crucifié, qu'il sera incorporé à la véritable Église, et que sa conversion lui procurera des biens plus solides, une grandeur plus réelle, que s'il était comblé dans la terre de Chanaan des mêmes prospérités temporelles dont ses pères ont joui sous les règnes de David et de Salomon.

Ce dernier accomplissement manque encore aux prophéties qui concernent les Juifs. Mais le passé doit nous faire juger de l'avenir. Tant d'événements merveilleux, conformes aux oracles qui les avaient prédits, sont des gages certains de la fidélité des prophéties dont le temps n'est pas encore venu. Les incrédules auraient donc tort de nous demander à voir un accomplissement qu'il faut attendre. Indépendamment de cette attente si légitime et si bien fondée, ils ont vu dans le Pentateuque les principaux traits de l'histoire du peuple juif; et les prédictions de ce livre déjà vérifiées suffisent pour leur conviction,

CHAPITRE II.

Des prédictions temporelles contenues en d'autres livres historiques de l'ancien Testament.

Les prédictions contenues dans les livres de Moïse devaient suffire aux Israélites. Ils étaient avertis des événements inséparables de la conduite qu'ils tiendraient à l'égard de Dieu. S'ils n'adoraient que lui, s'ils étaient fidèles à observer ses lois, on leur annonçait qu'ils seraient puissants, riches, tranquilles, victorieux de leurs ennemis. Mais s'ils servaient des divinités étrangères, s'ils violaient les préceptes qu'ils avaient reçus du vrai Dieu, on leur déclarait que d'affreuses calamités seraient l'infaillible châtiment de cette prévarication. Telles étaient les conditions de l'alliance Dieu avait contractée avec eux. que Jamais rien de pareil ne s'est vu dans aucune autre nation. Il faut être l'arbitre souverain des événements, et le maître absolu de la nature, pour oser promettre à un peuple entier qu'il sera heureux sur la terre toutes les fois qu'il sera docile à ce qu'on lui commande, et pour le menacer d'un malheur inévitable lorsqu'il sera rebelle et prévaricateur. A quoi ne s'exposait pas le législateur des Israélites, s'il faisait des promesses si positives sans être assuré de leur exécution? Car enfin l'engagement qu'il prenait ne pouvait être éludé par des explications arbitraires. La destinée

(1) Rom. 2, 25 et seq.

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