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les docteurs Tyrphon et Akiba, nous n'eussions jamais condamné un homme à mort. Siméon fils de Gamaliel leur répond: « Ne serait-ce pas un abus ; n'auriez-vous pas craint de multiplier les crimes en Israël 4? »

Non, sans doute. Loin d'en affaiblir le nombre, la rigueur de cette peine les accroît, en donnant un caractère plus résolu aux hommes capables.de la braver: et que de bons esprits se rangent aujourd'hui de l'avis d'Akiba et de Tyrphon! que de consciences se refusent à participer de quelque manière que ce soit à la mort d'un homme! Ce sang qui coule; cette multitude agitée par une curiosité indécente; cette victime qu'on traîne comme en triomphe sur l'autel le plus horrible: l'impossibilité de réparer une erreur dont n'est jamais exempte la sagesse humaine; l'effroi de voir un jour une ombre douloureuse s'élever de la terre et dire : « J'étais innocent »; la facilité qu'ont les peuples modernes de rejeter hors de leur sol l'homme qui l'a souillé; l'influence des iniquités générales sur la production des crimes; enfin le contraste absurde d'une société tout entière, forte, intelligente, armée, qui, pour s'opposer à un malheureux entraîné par le besoin, , par les passions ou par l'ignorance, ne trouve d'autres moyens que de le surpasser en cruauté : toutes ces choses et beaucoup d'autres

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encore ont déjà si profondément pénétré dans tous les rangs, qu'il en sortira bientôt le plus admirable exemple de la puissance des mœurs sur les lois car la loi sera changée, par cela même qu'on ne rencontrera plus personne qui consente à l'appliquer. « J'avais deux enfans, disait au roi David la veuve de Tekoah qui semble ici représenter la société tout entière : dans une querelle, l'un a tué son frère. Toute la parenté s'assemble pour le faire mourir. Hélas! moi qui suis innocente, je serai donc la seule à supporter la peine; j'aurai perdu mes deux enfans!...... 5 »

Il n'est pas possible de se méprendre sur les expressions figurées, vengeance des lois, vengeance divine, qui remontent à des temps où la pauvreté des langues faisait employer les mêmes mots pour des choses différentes, et qui marquent la reaction inévitable de l'ordre social et de l'ordre universel à la suite de tout fait nuisible. Mais pourquoi recourir à ces expressions anciennes qui ne réveillent plus aujourd'hui que l'idée des passions humaines? La loi s'occuperait-elle à satisfaire le ressentiment des individus lésés? Réparer le mal, corriger le coupable; voilà sa seule vengeance, qui doit être un bienfait, même pour celui sur qui elle

s'exerce.

L'homicide volontaire est le crime contre lequel le législateur hébreu s'élève avec le plus de force. L'Eternel ne signale, comme absolument digne de mort, que l'homme qui a versé le sang de son prochain. C'est pourquoi la loi dit «qu'on ne fera jamais de concession pour sauver la vie du meurtrier 6. » Elle semble indiquer par là qu'il y avait un tempérament à prendre quand il s'agissait de tout autre crime. Le Décalogue n'a tracé pour principe fondamental, immuable, que ces mots; tu ne tueras point: laissant à l'intelligence des hommes à déterminer, suivant les temps et les circonstances, les peines qui doivent atteindre les infractions à ce principe sacré.

On conçoit la sévérité des législations anciennes : il fallait combattre des mœurs qui inspiraient à chaque individu la volonté de recourir au moyen le plus prompt de venger une injure et de se défaire d'un ennemi. On conçoit que cette sévérité trouvât un écho dans toutes les âmes le danger était pressant; le cas de légitime défense existait. Mais lorsque les mœurs ont changé, la position respective a subi des modifications infinies. Le meurtre n'est plus une coutume, mais une exception: on se demande quelles en sont les causes? si la mort du coupable les prévient ; si elle répare le mal accompli,

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et surtout si, loin d'inspirer des sentimens louables, l'aspect du sang humain, quoique versé légalement, ne dispose pas certains hommes à le faire couler d'une manière illégale?

Sans doute, chaque citoyen, en réfléchissant sur les peines infligées au criminel, doit puiser le besoin de ne pas s'écarter de la justice. Mais appartient-il à la loi de faire des exemples? et cette expression fatale, autour de laquelle se groupent des souvenirs si effrayans, ne serat-elle pas proscrite à jamais? Que la loi traite l'accusé comme s'il était innocent, jusqu'à l'heure où la preuve se découvre; qu'elle réserve tout son appareil pour proclamer l'innocence; qu'elle punisse l'action coupable, avec le regret de ne pouvoir la détacher, pour ainsi dire, de l'homme qui l'a commise: tels sont ses droits, ses limites et les seuls exemples qu'il lui soit permis de donner au-delà, ce n'est plus la loi qui commande, mais des circonstances passagères, une force aveugle, la barbarie *.

Combien ces observations s'appliquent plus directement aux crimes différens de l'homicide,

Tout le monde juge en effet que la société qui, dans la crainte bien ou mal fondée d'un danger futur, spéculerait sur le sang et sur les angoisses actuelles d'un malheureux, pour les faire servir comme d'épouvantail, commettrait une profonde injustice. L'ordre judiciaire punit les crimes; c'est aux bonnes dispositions de l'ordre politique et à la puissance de l'ordre moral qu'il faut demander de les prévenir,

et surtout à ces accusations concernant l'ordre public dont les résultats ont ensanglanté notre époque, et qu'un seul jour peut retrouver transformées en hommages éclatans. Si une société remplissait exactement toute la terre, on la justifierait en disant que, pour rejeter un adversaire de son sein, elle n'a d'autre moyen que de le précipiter dans la tombe. La loi romaine, qui laissait à l'homme accusé d'un crime capital la liberté de s'exiler avant le jugement, offre donc le plus haut caractère de grandeur. Rome voulait s'épargner le sang d'un de ses citoyens, et elle s'estimait assez pour croire que l'expulsion de la patrie équivalait à la mort même *. Remarquons, enfin, la plus ancienne sentence prononcée contre un meurtrier, de la propre bouche de l'Éternel: sa foudre le réduisit-il en poussière? non: «< Fuis loin de la terre que tu as souillée, lui cria-t-il; celui qui tuerait Caïn serait puni sept fois davantage, le supplice est dans son cœur. »

Six villes, situées sur les points principaux du pays à une distance à peu près égale les unes

A Athènes aussi, celui qui, accusé devant l'Areopage d'un meurtre prémédité, désespérait de sa cause après un premier plaidoyer, pouvait, avant que les juges allassent au scrutin, se condamner à l'exil. On confisquait ses biens;... et s'il se montrait sur les terres de la république ou dans les solennités de la Grèce, il était permis à tout Athénien de le traduire en justice ou de luż donner la mort (Voyag. d'Anacharsis, tom. II, chap. xix).

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