Oldalképek
PDF
ePub

d'une femme. Dans 9 écrits, on ne trouve que l'expression d'une idée de libertinage. Dans 31 cas, c'est l'hypocrisie ou la vanité qui a dicté les paroles suprêmes.

Enfin les sentiments mixtes sont ceux où la moralité de la dernière pensée ne se marque pas suffisamment. Dans cette catégorie se placent les écrits des aliénés, qui tous attestent l'obsession des hallucinations bizarres, l'état morbide, l'incohérence de la pensée, ce qui les distingue suffisamment des suicides accomplis dans l'état de raison. Parmi les suicidés raisonnables, les uns se préoccupent des souffrances, craignent de manquer de courage. D'autres au contraire montrent une résolution froide. Beaucoup ont le souci de leurs funérailles et font à cet égard les recommandations les plus précises. Les opinions fatalistes sont très-fréquentes. Quelques-uns marquent l'indifférence la plus complète pour l'opinion publique. D'autres au contraire, et en assez grand nombre, laissent deviner le désir d'obtenir de la publicité, de faire parler de soi. D'autres enfin trahissent, dans leurs derniers écrits, la futilité des motifs qui les poussent au suicide. Ce serait là l'occasion de réflexions bien amères. On s'effraye de voir des malheureux jouer ainsi avec la mort. Il y a des cas désespérés où la gravité suprême des circonstances donne un intérêt sérieux au suicide. Mais que dire de

ces âmes puériles qui se précipitent dans la mort pour se venger des petites contrariétés de la vie! Quelle effrayante débilité de raison!

Quelle conclusion devons-nous donner nousmême au terme de cette longue et douloureuse étude? On n'attend pas de nous qu'après avoir retracé dans ses phases principales l'histoire du suicide et l'avoir étudié dans la statistique contemporaine, nous reprenions maintenant la question sous le point de vue moral. Ce serait la matière d'une nouvelle étude, plus difficile que la première en ce qu'elle aurait, à chaque instant, à se tenir en garde contre le lieu-commun et la déclamation. A peine pouvons-nous, en quelques mots, indiquer comment il serait possible de combattre cette tentation endémique du suicide, qui chaque jour fait d'effrayants progrès. Non pas que je croie que le mal puisse être supprimé : je ne me fais pas cette illusion. Je sais que dans ces âges où la foi était naïve et forte, même alors des âmes chrétiennes, des âmes de prêtres et de moines subissaient l'horrible tentation et parfois y succom- ' baient. Je sais que tant qu'il y aura des hommes, il y aura des douleurs sans remède, des désespoirs, des passions, c'est-à-dire, des occasions de suicide. Mais si le mal ne peut pas être supprimé, certainement il peut être refoulé dans certaines limites. Et ce serait encore là un trop beau résultat, pour

que l'effort au moins ne soit pas tenté, pour qu'il n'y ait pas comme une conspiration d'honnêtes gens pour raffermir la raison publique et défendre les principes. C'est quand le ressort de la vie morale est affaibli dans les âmes, que la tentation de la mort se propage. Les transfuges de la vie ne sont-ils pas, avant tout, des déserteurs du devoir ?

La plus sûre garantie contre la folie du suicide, on l'a dit mille fois, c'est la fermeté des croyances religieuses. Il est bien rare que la tentation du suicide triomphe des révoltes de la conscience, épouvantée par les défenses de l'Église et par l'idée du jugement qu'elle va subir.

Mais dans une société si mêlée, divisée par des croyances et des doctrines si contraires, la raison. laïque elle-même ne peut-elle rien contre un si grand mal? Elle n'a sans doute pas la même autorité pour se faire obéir. Elle n'est pas impuissante pourtant, loin de là! Qu'elle soit infatigable à lutter contre les entraînements d'une civilisation excessive, déréglée, impatiente de bien-être, folle de jouissances et d'argent. Qu'elle soit infatigable à recommander aux âmes l'hygiène salutaire des sentiments justes, calmes et sains, de l'activité raisonnable, du travail réglé, des désirs modérés. Qu'elle propage et défende le culte de la famille, qui est encore un des meilleurs abris

pour la moralité de l'homme, un des asiles les plus sûrs où sa dignité blessée se recueille, où son amour-propre humilié se console, où son ambition déçue se repose dans la paix solide des affections vraies. Qu'elle châtie par le ridicule ces oisivetés superbes qui promènent par le monde leurs mélancolies aristocratiques, dédaignant toute profession, méprisant tous les petits devoirs qui forment l'humble trame de la vie, et consacrant leur éternel loisir à des déclamations contre les travers de ce monde dont ils ne veulent pas faire partie. Et surtout qu'elle combatte tous ces paradoxes malsains qui circulent dans les romans et les drames d'une certaine école; qu'elle montre ce qu'il y a de vulgaire et d'insensé dans les anathèmes contre cette prétendue fatalité qui pèserait sur l'homme de cœur et l'empêcherait d'accomplir son œuvre ; qu'elle fortifie dans les âmes la sainte conviction de la liberté ; qu'elle retrempe vigoureusement ce ressort de la vie, détendu et affaibli par des philosophies déclamatoires; enfin qu'elle s'efforce d'associer l'idée du crime à celle du suicide dans la conscience de l'humanité, si profondément ébranlée par les sophismes contemporains, quand elle ne l'est pas par la douleur et la passion, les plus dangereux des sophistes.

« ElőzőTovább »