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du français; mais on est allé à l'autre extrémité en décrétant que les élèves feraient dès la huitième de petits devoirs français, et qu'il y aurait, à partir de la quatrième, des prix de composition française. Fâcheuse exagération dont les professeurs n'ont pas tardé à reconnaître le danger, car notre langue est trop difficile à manier pour de jeunes écoliers. Que dirait-on d'un sculpteur s'il mettait l'ébauchoir entre les mains d'un enfant qui commence à dessiner d'après la bosse, ou d'un peintre qui donnerait à ce même enfant une palette et des pinceaux ? Il en est de même de ceux qui veulent transformer un élève de quatrième en prosateur français. Assurément, l'étude directe de notre langue doit tenir dans notre enseignement une place considérable, mais ce n'est pas en commençant par écrire que l'on peut apprendre à écrire; il faut d'abord lire, comprendre et méditer nos grands auteurs; il faut, en un mot, les expliquer dans nos classes comme nous expliquons les latins et les grecs.

Le malheur est qu'on n'est pas assez préparé à ce genre d'interprétation vraiment difficile. Chaque année, les différents jurys d'examen déplorent la nullité des jeunes gens interrogés sur le français1 les plus intelligents parlent pour ne rien dire, et toute leur explication consiste à s'extasier sur la beauté d'un passage ou à le paraphraser en l'affaiblissant. Combien de candidats, chargés de commenter la fable des Animaux malades de la peste, par exemple, s'en tirent de la manière suivante : Un mal c'est-à-dire une maladie, un fléau; - qui répand la terreur; - cela signifie qui terrifie, qui épouvante, un mal affreux, un mal terrible. - Mal que le ciel en sa fureur; c'est-à-dire, (car le c'est-à-dire joue un rôle

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1. J.-L. Burnouf se plaignait amèrement que les candidats à l'agrégation fissent plus de contre-sens dans le français que dans le latin.

assez considérable, quand on ne sait que dire, dans les explications de ce genre), c'est-à-dire que Dieu dans sa fureur, dans sa colère, dans son courroux, que Dieu irrité, furieux, Inventa, c'est-à-dire imagina. Pour punir

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les crimes de la terre, c'est-à-dire pour châtier les hommes coupables, criminels, et ainsi de tout le reste. C'est justement la manière d'expliquer de Scagnarelle : « Les humeurs peccantes, c'est-à-dire... les humeurs peccantes. » On voit ainsi des jeunes gens fort intelligents, et très bien préparés sur toutes les autres parties d'un examen, ne faire que balbutier quand il s'agit d'un texte français, et cela parce qu'ils n'ont jamais expliqué nos classiques.

C'est bien autre chose encore chez les enfants, et voici, pour en donner un exemple entre mille, comment un assez bon élève de sixième comprenait et expliquait, dans un grand lycée de Paris la fable du Loup et du Renard plaidant pár devant le Singe :

Un loup disait que l'on l'avait volé.

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Que

« Dire, du latin dicere, exprimer par la parole. » l'on l'avait volé, ne se dit plus maintenant; on dit: » qu'on l'avait volé.

Un renard, son voisin, d'assez mauvaise vie,

» Son voisin, non parce qu'il demeurait à côté de lui, » mais parce qu'il était son ami pour la ruse. D'assez » mauvaise vie, non parce que sa vie était mauvaise, mais » parce qu'il ne trouvait rien à manger.

Pour ce prétendu vol par lui fut appelé,

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» Pour ce, touchant à cela. Prétendu vol, vol soup» çonné, il fut cité en justice par le loup.

Devant le singe il fut plaidé,

» Devant le singe, en face du singe, en sa présence;

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MAITRE DE CONFÉRENCES A LA FACULTÉ DES LETTRES DE PARIS

QUATRIÈME ÉDITION

EB

PARIS

LIBRAIRIE CLASSIQUE EUGÈNE BELIN
VVE EUGÈNE BELIN ET FILS

RUE DE VAUGIRARD, No 52

Tout exemplaire de cet ouvrage non revêtu de ma griffe sera réputé contrefait.

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